samedi 10 septembre 2016

DE L'ÉGALITÉ HÉTÉROCLITE DES SEXES


Photo: Ariel Schalit Associated Press



Au premier coup d’œil, jeté, pourtant avec attention, sur l’article de Mme Zazaa: décourageant. Une invite à un effroyable retour en arrière, maquillée en « libre disposition de son corps », et donc en un féminisme de cape et d’épée... Mais comme je suis un homme, j’imagine que je ne comprends rien à rien, et que même gay, je participe au désir des hommes d’imposer un comportement aux femmes, alors qu’elles veulent tellement pouvoir choisir librement ce qu’elles sont et ce qu’elles portent, tout comme elles veulent tant et tant réclamer haut et fort cette liberté fondamentale à l’encontre de ce féminisme rétrograde des années 1970 — qui parlait d’égalité plutôt que de complémentarité…

Parce que, bien sûr, elles sont libres, ces femmes qui réclament, dans le cas présent, un vêtement de plage particulièrement couvrant. Ce sont les Louise Mailloux, les Djemila Benhabib, les Waleed Al -husseini de ce monde (et les hommes bornés dans mon genre, qui les admirent), qui se trompent et qui sont aliénés.

Moi, j’ai toujours cru que, la religion, c’était l’opium du peuple, et que les Églises stratifiaient les rapports de pouvoir. J’ai toujours cru que la laïcité d’État était une désintoxication essentielle, et donc un progrès considérable, parce qu’elle assurait très réellement l’intégration, l’égalité, la paix, la protection des acquis — j’entends par exemple les mariages mixtes ou neutres, le divorce, la liberté sexuelle, l’acceptation des diversités de genre, l’égalité dans l’emploi et les salaires, la liberté des consciences et de la vie privée…

Il faut « croire » que je me trompais… La laïcité publique constitue bel et bien une sécularisation forcée qui viole l’égalité en droit et de choix. Je n’ai donc pas à être découragé. « La différence de l’autre est une richesse », nous rappelle, à moi et aux autres incorrigibles laïcs, Mme Zaazaa: les jeunes femmes, maintenant, « dépoussièrent les visions archaïques » et « décolonisent le féminisme ».

Décolonisation ! Le grand mot est lâché ! Je veux bien, moi, que le féminisme soit décolonisé. Mais comment je fais pour décoloniser mes convictions les plus profondes quand je pense, par contre, et sans vouloir dépoussiérer cette conviction, que c’est précisément le colonialisme qui a provoqué, et qui provoque encore l’exploitation, la pauvreté, la guerre, le raidissement des cultures et la sauvegarde illusoire des hommes et des femmes dans les valeurs passéistes ? 

Je suppose que je dois me taire, et voter, désormais, aveuglément, pour Québec Solidaire.


Références (et pour se faire une meilleure idée du débat):


L’article d’Amel Zaazaa, qui s’en prend vigoureusement à celui de Mme Louise Mailloux: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/479451/la-replique-burkini-une-lecture-feministe-arrogante-et-cavaliere

… Mais, prenez le temps de lire aussi celui de Mme Louise Mailloux: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/479194/le-burkini-version-aquatique-du-hidjab







lundi 5 septembre 2016

De l'impossibilité d'être marxiste






« L’identification du communisme avec la révolution s’est installée dans les esprits plus tard, [après la Commune de Paris, de 1871], lorsque les disciples de Marx vont s’emparer des outils théoriques qu’il a forgés, pour croire et faire croire à la mission salvatrice de son utopie. La substitution entre révolution et communisme s’est faite car l’une et l’autre sont avant tout des concepts. La quête de la révolution au XIXe, devenue la quête du communisme au XXe, n’a rien à voir avec une quelconque aspiration des peuples, travaillés par des forces irrésistibles, qui voudraient changer de type de régime. Elle exprime plutôt le désir d’une élite intellectuelle d’œuvrer au renversement radical de l’ordre existant. Lénine, qui s’empare du pouvoir en Russie en octobre 1917, est un avatar de ce volontarisme. » - Thierry Wolton, Une histoire mondiale du communisme: Une main de fer, publié chez Grasset, en 2015.

Le désir d’une élite intellectuelle…

On pourrait dire la même chose, faire la même analyse de plusieurs théoriciens actuels de la « révolution » et du socialisme soi-disant nouvelle manière. Il a beau y avoir eu rupture, au moins apparente, avec le marxisme-léninisme, et son horrible rejeton (pourtant très ressemblant), le stalinisme, l’idéalisme révolutionnaire reste l’affaire d’une élite intellectuelle qui rêve de pouvoir pour elle-même. Robespierre, déjà, n’aimait la « vertu » et la « terreur » que si lui seul, pour l’essentiel, les imposait. Or, Robespierre, c’est le « modèle ». Il est bon de s'en souvenir.

Je ne suis pas marxiste, je ne l’ai jamais été, parce que le marxisme se transforme lui-même en religion quand il dit croire en une finalité de l’Histoire. Le communisme porte en lui-même une mystique religieuse de la Révolution, et donc un concept utopiste de paradis, même s’il est maquillé en prétention matérialiste de « communisme intégral » et d’« homme pleinement responsable ». Je ne suis pas non plus marxiste parce que j’ai toujours détesté les élites, les hiérarchies, les cercles universitaires, les guides, les puissants et les dominants de toutes sortes, à vrai dire toutes celles et tous ceux qui se sont voulus ou qui s’imaginent toujours en mission totalitaire, disposant de l’unique vérité.

J’adhère donc tout à fait à l’hypothèse centrale de l’œuvre de  Thierry Wolton. Je ne suis, je ne peux être d’aucune religion, d’aucun système. Je crois beaucoup trop à la liberté chaotique, et à l’anarchie du développement historique, pour présumer d’une quelconque illusion systémique. Je ne crois pas que l’Histoire ait un sens, et que cette direction soit l’affaire d’une élite qui s’arroge le droit de penser pour le peuple. Cette prétention est tout aussi méprisable à droite qu’à gauche. Au reste, cette élite a de longtemps constaté (hélas) l’ineptie du potentiel révolutionnaire populaire, sur lequel Marx s’est lourdement trompé. 

C’est la raison pour laquelle je ne compte qu’en l’humanisme, un humanisme progressiste qui, de toute urgence, doit toujours parer aux dangers — idéologiques —  les plus criants.




samedi 3 septembre 2016

POMPEII (au Musée des Beaux-Arts de Montréal)




Il ne reste que quelques jours à la tenue de l’exposition sur Pompéi, au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Elle prend fin lundi prochain, le 5 septembre. J’avais lu qu’elle valait, et de beaucoup, le déplacement. Des amis m’avaient aussi fortement prescrit de ne pas la rater.

Je me suis donc rendu au Musée, le jeudi 1er septembre. Je me suis réservé la journée entière pour m’assurer de faire la meilleure rencontre possible des artéfacts de l’illustre cité romaine, engloutie sous les laves et les débris toxiques du Vésuve en l’an 79 de notre ère, et tant qu’à y être, de la collection d’objets napoléoniens, inestimables en valeur artistique et marchande, que Ben Weider a, dans un geste d’une générosité extraordinaire, offerts au Musée des Beaux-Arts en 2006. Chose étonnante pour le « bonapartiste » que je suis, je ne l’avais encore jamais vue.

Vous dire tout de suite: ce fut une journée de grand bonheur !

Et pourtant, il y avait foule, déjà, un jeudi en fin de matinée. Et comme il n’y a pas de rabais pour les événements spéciaux, c’était l’urgence de ne pas rater cette exposition exceptionnelle qui expliquait l’afflux de curieux, parmi lesquels se trouvaient beaucoup, beaucoup de touristes.

La rétrospective Pompéi est unique, magnifique, généreuse: statuaires, fresques, mosaïques, vaisselles, pièces de plomberie et… même un vieux pain qui n’était plus tout à fait de la première fraicheur ! L’émotion que l’on ressent est d’autant plus forte que certains de ces objets sont célèbres, ayant servi plusieurs fois d’illustrations à des bouquins d’histoire romaine. On reste épatés, et même bouleversés, lorsqu’à la toute fin du parcours, ce sont des victimes de la terrible éruption volcanique qui se dressent devant nous comme d’affreux spectres encore stupéfiés par l’horreur de ce qu’ils ont vécu… (Les enfants ont peur de les regarder en face, ça ajoute à l’effet d’ensemble terrifiant…)

J’ai fait deux photos montages, l’une de statues, l’autre d’objets de décor ou vie quotidienne. Ça donne une idée. J’espère que ça intéressera celles et ceux qui n’ont pu et ne pourront se rendre au musée d’ici lundi qui vient, dernière journée où l’exposition a lieu.

Les salles réservées à la collection Weider sont situées exactement en face de celles consacrées à Pompéi. Heureux hasard: la période révolutionnaire et napoléonienne est friande du goût gréco-romain. La chose est absolument frappante, malgré les quasi deux millénaires qui séparent l’Empire romain de l’empire de Napoléon, lorsqu’on regarde, fasciné, les objets — de grand luxe — du Premier Empire. J’ai retenu, dans une troisième photo montage, quelques exemples marquants qui disent la ressemblance des styles de chacune des deux époques. Même le dessin est, d’une période ancienne à l’autre, beaucoup plus récente, étonnamment ressemblant. Il y a eu de l’inspiration, sinon de la copie ! L’époque napoléonienne connaissait déjà Pompéi.

Je vous laisse juger !

À celles et à ceux qui en ont encore le temps (et 20 dollars !), courez au Musée: ça vaut le coup, et même à remettre ça une deuxième fois — j’exagère un peu, c’est affaire d’hypersensibilité. On est ce qu’on est !