Affichage des articles dont le libellé est haine. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est haine. Afficher tous les articles

lundi 13 juin 2016

L’intensification de la haine: d’Anita Bryant à Omar Mateen




En Floride, dans les années 70, et l’affaire s’est prolongée jusque dans les années 80, voire même 90, la religion entretenait déjà la haine et l’intolérance à l’encontre des hommes et des femmes — des êtres humains — homosexuelLEs. La tourmente trouvait son origine à Orlando. Déjà. Cette ville n’est pas que l’illusion chimérique de Disney, loin de là.

C’était une chanteuse qui radicalisait le débat, au nom des valeurs chrétiennes: elle s’appelait Anita Bryant. Elle entretenait et diffusait les pires préjugés, et rencontrait un écho immensément favorable dans la population, bien sûr, parce qu’il était courant, à l’époque, d’exprimer sans gêne aucune, la haine viscérale et le dégoût extrême qu’inspiraient à d’innombrables individus, qui se drapait dans une morale sexuelle irréprochable, les hommes et les femmes gays, leur amour et leur sexualité immondes.

Personne, sauf de rares exceptions, ne s’en scandalisait. Il y avait, à Québec, d’où je viens, et même dans mon cercle d’amis le plus proche, des gars et des filles qui s’amusaient à former leur caractère (et leur identité) à coups d’intimidation, de violence et de mépris. Les prêtres du Petit Séminaire, où j’étudiais, n’y voyaient jamais rien à redire. C’était dans le goût d’Anita Bryant. Cette dame, cette bonne chrétienne, a contribué à polluer mon adolescence, ma toute première jeunesse — jusqu’à ce que j’envoie tout promener, que je m’éloigne, que je m’accorde la liberté d’être ce que je suis, que j’apprenne qu’il y a cette chose merveilleuse qu’est l’humanisme, cette chose fondamentale qu’est la science, cette chose incontournable qui s’appelle l’histoire.

L’homophobe imprégné de convictions religieuses absolument réactionnaires, qui a commis un crime sans nom, aujourd’hui, en Floride, me rappelle l’époque d’Anita Bryant. Elle a aujourd’hui 76 ans. J’imagine qu’elle voit en Omar Mateen, bien que de religion différente, son héritier spirituel. Tous deux s’inspirent du même délire religieux — et on parle bien de délire, en effet, quand on croit qu’il y a un dieu qui surveille nos faits et gestes, qui fronce des sourcils et punit quand il le faut, qui exige des sacrifices humains, qui dicte la bonne conduite à suivre, et, surtout, qui se substitue au savoir, à l’humanisme, et à l’histoire. 

Mateen était, parait-il, scandalisé par la « vision » de deux hommes manifestement amoureux, inquiet de ce que le spectacle navrant de cet amour exprimé en pleine rue, à Miami, pourrait avoir sur l’esprit de son jeune fils. Dommage que personne n’ait fait lire au tueur potentiel, au ravageur, à l’assassin, l’admirable lettre que Michael, personnage central des Chroniques de San Francisco, avait écrite à sa mère, en 1977. Maupin, l’auteur, l’a insérée dans le tome 2 des Chroniques, et il semble qu’il l’ait écrite, en fait, pour signifier à ses propres parents sa réalité, telle qu’elle était, telle qu’elle ne pouvait être autrement. (Son père aurait parfaitement compris la manœuvre, et aurait en conséquence rejeté son fils. Et peut-être, allez savoir, a-t-il souhaité pour lui les flammes de l’enfer — qui existent, comme de juste. En douter, cela ne nous dispense pas du respect que l’on doit à celles et ceux qui y croient, même quand ils hurlent leur rage et qu’ils frappent à l’aveugle…)

Voici quelques extraits de cette lettre remarquable. Elle est encore, presque mot pour mot, terriblement d’actualité, en cette journée de deuil effroyable. Elle reste, dans l’histoire de la libération homosexuelle, une pièce d’anthologie.

« Chère Maman,

…Je suppose que je ne vous aurais pas écrit si vous ne m’aviez pas parlé de votre participation à la campagne « protégeons nos enfants ». C’est cela, plus que toute autre chose, qui m’a fait prendre conscience que je devais vous dire la vérité : que votre propre fils est homosexuel et que je n’ai jamais eu besoin d’être protégé de quoi que ce soit, hormis de la cruelle et ignorante piété de gens comme Anita.

…J’aurais aimé [quand j’étais enfant] que quelqu’un de plus âgé et de plus avisé que les gens d’Orlando me prenne à part et me dise : « Il n’y a rien de mal à ce que tu es, petit. Tu pourras devenir docteur ou professeur, exactement comme n’importe qui d’autre. Tu n’es ni fou, ni malade, ni dangereux. Tu peux réussir, trouver le bonheur et la paix avec des amis —toutes sortes d’amis — qui se ficheront éperdument de savoir avec qui tu couches. Et surtout, tu peux aimer et être aimé, sans devoir te haïr pour autant. »

…Je sais que je ne peux pas vous dire ce que c’est d’être gay. Mais je peux vous dire ce que, pour moi, ce n’est pas de l’être. C’est ne pas se cacher derrière des mots, maman. Des mots comme famille, convenances ou chrétienté. …Être gay m’a enseigné la tolérance, la compassion et l’humilité. Cela m’a montré les possibilités illimitées de l’existence. Cela m’a fait connaître des gens dont la passion, la gentillesse et la sensibilité ont été pour moi une constante source d’énergie.

Cela m’a fait entrer dans la grande famille de l’Humanité, maman. Et cela me plaît. J’y suis bien.»…





mercredi 5 septembre 2012

LE COURAGE NE SE CONTREFAIT PAS...





Vers 23 h, en regardant la soirée électorale québécoise à la télé, chez un ami, je me disais que Mme Pauline Marois avait gagné le titre (et la fonction) de première ministre du Québec de haute lutte, certes, mais pourtant de justesse, presque en accroc à un processus électoral qui pourrait être exemplaire. Ça ne me donnait pas du tout le goût de célébrer. Le résultat des élections était drôlement serré, complexe : le gouvernement que Mme Marois allait désormais diriger n’aurait qu’un bien faible mandat de gouverner, encore moins de libérer quoi que ce soit. Mais elle, quand elle s'est présentée à la foule de ses partisans, elle était sereine, souriante, visiblement consciente de la lourde responsabilité d’État qui était désormais la sienne; elle a livré un discours tout en douceur, tentant de calmer une foule malgré tout déçue, et un peu amère. Quel souverainiste ne l’aurait pas été, même de la belle victoire de Françoise David, vécue ce mardi soir, plus que jamais, comme une douloureuse déchirure ? Je la trouvais belle, Mme Marois, digne, apaisante, et courageuse, d’exprimer encore et malgré tout ses espoirs et ses convictions. Elle a rappelé l’ouverture nécessaire sur le monde. Elle a tendu la main aux peuples indiens, leur a offert le dialogue, l’égalité entre nations. Elle a assuré, à nos compatriotes anglophones («entendez-moi bien», a-t-elle insisté) que jamais aucun de leurs droits, inaliénables, ne serait restreint.

Et puis, là, immédiatement, le drame, terrible, en direct, à la télé. Une tentative d’assassinat, sur la personne de la première ministre élue, visant peut-être aussi plusieurs autres militants indépendantistes. Deux personnes sont gravement blessées, une en est morte. Morte. Ce drame, c’est l’acte d’un probable dément, isolé, qui s’est investi lui-même d’une mission, qui s’est autoproclamé le vengeur d’une communauté qui se dit, depuis trente ans, depuis quarante ans, persécutée dans sa richesse, bafouée dans ses droits. « Les Anglais se réveillent ! », clamait le forcené, pour qu’on l’entende, de loin, et qu’on sache, tous, que son crime avait un sens. Le choc a été considérable. L’animateur télé, bouleversé, ne regardait plus que dans le vide, tout en essayant de comprendre l’impossible et l’impensable. Mme Pauline Marois, première ministre élue du Québec, venait d’échapper de peu à un attentat motivé par la haine.  Au Québec. Dans un pays où l’immense majorité de la population, depuis toujours, est pacifique jusqu’à l’aliénation.

Et puis, là, tout de suite après l’horreur, c'est l’étonnement, c'est la stupéfaction : Mme Marois est restée présente parmi les siens, n’a rien perdu de son assurance, ni même de sa bonhommie. Elle a tenu à rassurer la foule, à compléter la fête de la victoire, si faible et presque pauvre. Ce qu’elle savait à ce moment-là, de la tragédie, qui n’avait que quelques minutes, n’est pas ce qui est ici important : ce qui l’est, en revanche, c’est qu’après avoir tenu un discours vibrant, chaleureux, et rassembleur, elle soit revenue sur scène, affrontant un danger toujours possible, et surmontant sa propre peur, sans que rien n’y paraisse. Magnifique. Elle était tout à la fois superbe, féminine, décidée, leader vraiment responsable, dans un moment où le Québec tout entier a ressenti le besoin d’être rassuré. Jamais je n’ai cru les propos d’amour de Mme Marois aussi sincères que ce soir, au cœur d’événements violents, qui la visaient elle, elle et ses convictions. Mme Marois, ce soir, cette nuit, a gagné vraiment ses élections. Elle s’est méritée la fonction de première ministre du Québec, solide, béton, admirablement courageuse, dotée d’un jugement impeccable en situation de crise. S’il fallait encore en convaincre nos compatriotes, je fais le pari que c’est maintenant chose faite. Mme Marois a été tragiquement investie, mais nous tous, attachés à la démocratie et au bon sens, nous l’adopterons et la protégerons.

Il y a les excessifs (que je connais, parfois) qui polluent les réseaux sociaux de leur mépris et de la virulence de leurs propos (et qui le font encore cette nuit) ; il y a les enragés complètement fanatisés, qui distillent leur haine viscérale d’un Québec français qui s’affirme pourtant si difficilement, gêné parfois de sa timide audace, et qui par de trop courts instants rêve d’un pays à lui, un pays libre et indépendant, le meilleur professeur qui soit pour apprendre la fierté d’être et la capacité de réussir. Ces imbéciles, excessifs, enragés, qui sont toujours de trop, dans toute société, dans tous pays, portent leur part de responsabilité dans l’événement tragique de ce soir. Le crime est l’action d’un fou, c’est évident. Un désaxé, un pauvre type. Mais la folie ne se nourrit jamais d’elle-même et d’elle seule : elle est sociale, elle est alimentée. Ce soir, cette nuit, j’ai honte pour celles et ceux qui, par leur hargne, leur mépris, leur racisme même, ont engraissé le délire paranoïaque d’un halluciné.


PS (2 octobre 2012)

Il y avait, ce soir, au Métropolis, un spectacle-bénéfice: les critiques parlent déjà d'un événement digne, grave, musicalement réussi. Bravo pour qui a songé à ce concert, bravo aux artistes qui ont participé à l'événement. Il y a eu un mort, le 4 septembre dernier. Il y a eu un blessé grave. Tant mieux qu'on ne les oublie pas, tant mieux qu'on aide les victimes initiales de cette tragédie. Mais je ne voudrais pas qu'on oublie, jamais, ou qu'on ignore, ou qu'on fasse silence sur le fait qu'il y avait une personne qui était spectaculairement visée, au soir du 4 septembre, qui survit, qui assume le poids tragique de cet événement. Je n'ai pas d'intention politique, en écrivant cela, si ce n'est que je ne souhaite pas que, pour des raisons qui seraient précisément politiques, on fasse comme si cette personne visée n'existait pas.





vendredi 4 février 2011

LE RIRE, C'EST LA SANTÉ !







... La santé, certainement; mais aussi le bonheur, et la liberté. On ne rira jamais assez de ceux qui veulent écraser les tourments qui leur sont propres, culpabiliser ceux et celles qui les incarnent, les exclure, les brimer, voire même les pousser au suicide. Et tout ça, au nom d'un dieu qui n'existe pas autrement que dans leurs têtes, aussi bien dire de leur folie. Dieu et l'enfer, c'est Hitler et ses camps de la mort, c'est Staline et ses goulags - encore que dans ce dernier cas, le feu était plutôt frisquet !