Affichage des articles dont le libellé est histoire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est histoire. Afficher tous les articles

dimanche 19 novembre 2017

Lecture: L'ordre du jour, d'Éric Vuillard




J’ai lu, presque tout d’une traite, le roman (récit, écrit-il) d’Éric Vuillard, L’ordre du jour, qui lui a valu le prix Goncourt 2017. Roman d’à peine 150 pages — mais quelles pages ! Difficile, pour dire le vrai, de retenir quelque extrait percutant, tant tout ce texte, remarquable, fabuleux travail d’historien, est d’une écriture parfaite, imaginative, ciselée, sobre et somptueuse à la fois. C’est de cette écriture magnifique qu’on reste, humble lecteur, d’abord soufflé. 

Mais ce travail, qui renverse l’Histoire et la fait revivre, petit pas par petit pas, soumise à l’observation d’un microscope, drôle, rageuse et révoltée, a singulièrement interpellé le professeur d’Histoire que je suis. « Et l’Histoire est là, » écrit Vuillard, « déesse raisonnable, statue figée au milieu de la place des Fêtes, avec pour tribut, une fois l’an, des gerbes séchées de pivoines, et, en guise de pourboire, chaque jour, du pain pour les oiseaux. » La déesse s’incarne, sous la plume de Vuillard, la statue vibre, l’Histoire est : c’est probablement l’éloge le plus fort que je puisse faire de cet ouvrage. J’imagine que les membres du jury du Goncourt, devant un tel livre, ont tous été épatés, et souvent, sur le cul.

Vuillard raconte la montée du nazisme, œuvre d’un cartel d’hommes d’affaires qui se sont compromis, jusqu’à l’immonde, avec Adolf Hitler. Eux s’en sont tirés, bien sûr, de la guerre et des procès qui ont suivi. « Ne croyons pas que tout cela appartienne à un lointain passé. Ce ne sont pas des monstres antédiluviens, créatures piteusement disparues dans les années cinquante, sous la misère peinte par Rossellini, emportées dans les ruines de Berlin. Ces noms existent encore. Leurs fortunes sont immenses. Leurs sociétés ont parfois fusionné et forment des conglomérats tout-puissants. » Ils se perpétuent, désormais honorables Allemands, grandes familles européennes, décorées, remerciées, célébrées. « Si l’on soulève les haillons hideux de l’Histoire, on trouve cela : la hiérarchie contre l’égalité et l’ordre contre la liberté. » On trouve le fric assassin.

Si le nazisme s’est nourri de « mots si pauvres qu’on voit le jour au travers », ce n’est pas — je me répète — le cas du roman de Vuillard, dont l’écriture ne se relâche jamais. Une œuvre d’art, parfaite, en contre-jour de ce que l’humanité a vécu de plus glauque, le nazisme, la guerre, l’univers concentrationnaire, l’esclavage, le racisme le plus abject, qui a vu, « parmi la foule hurlante, les Juifs accroupis, à quatre pattes, forcés de nettoyer les trottoirs sous le regard amusé des passants. »






mardi 2 juillet 2013

CLIO SE PORTE MAL...


Clio, muse de l'Histoire. Mozaïque romaine, 2ème siècle. Rome, Palazzo Massimo



J'ai conseillé à un de mes amis, récemment, un copain d'université, qui fait de la recherche fondamentale en histoire, et qui publie régulièrement: « Ne t'abonne jamais à Facebook, ou à aucun autre réseau social, parce que tu vas y perdre, irréversiblement, le goût du travail méthodique, patient, approfondi, mené pas-à-pas. En fait, tu vas te demander pourquoi mettre tant d'insistance à connaître si bien le passé, cet «espace-temps de plus en plus étrange», comme disait Jean-Marie Fecteau, au point d'y perdre rapidement, quand on s'y enfonce, toute reconnaissance. Tu vas te demander à quoi sert, sans rire, la fonction sociale de l'histoire, si tant est qu'il y en ait une. Et puis, pour finir, t'écriras plus une ligne. »

Le fait est que n'importe qui affirme n'importe quoi, des dates et des faits de l'ancien temps, tronqué, sectionné, déraciné; le fait est qu'on suppose la «vérité» cachée, insidieusement, comme de juste, parce qu'elle est gênante , embarrassante, et qu'elle fait honte à la Cause; le fait est qu'on les flanque, ces «vérités», comme des gifles magistrales à des esprits horriblement bornés, sans preuve aucune, à partir d'à-peu -près mal vérifiés; le fait est que «l'histoire», quand elle s'en donne le culot, sert à désinformer, à manipuler, à intimider, à orienter; et que c'est là une entreprise facile parce que les morts ne sont jamais là pour protester. Le public lecteur des penseurs les plus courus est horriblement grégaire, faut bien dire: J'aime ! Pas étonnant que tant de personnes honnêtes détestent l'histoire, et que Paul Valéry en ait fait la plus dangereuse des sciences humaines. Et tout ça, c'est en plus du fait des lieux communs, répétés mille fois après une réflexion un peu courte, et qui font terriblement mal à la réputation du métier d'historien, du genre «L'histoire est toujours écrite par les vainqueurs», ou «Il y a toujours deux côtés à une même médaille», ou «C'est ce que dit l'Histoire officielle»...

L'Histoire officielle ! Quand on est un peu parano, on ne doute pas, bien sûr, de son existence. Connaître cette histoire certifiée, avoir si peu de sens moral qu'on accepte de la diffuser, ce sont deux des conditions d'embauche pour pouvoir l'enseigner, au Québec tout au moins. (Je révèle là un secret ! On m'en tiendra rancune, au ministère !)

Ça me rappelle, tiens, ce prof que j'avais, en première année d'université, et qui nous disait: « L'Histoire ne sert à rien. Perdez vos illusions là-dessus. Une poignée de spécialistes maîtrisent correctement le savoir construit qu'est l'Histoire, discutent entre eux, travaillent pour le progrès du savoir et de son exactitude, veulent croire possible une meilleure connaissance du passé dans sa globalité. Mais l'immense majorité de nos compatriotes, y compris le public cultivé, fait n'importe quoi de l'Histoire, s'en sert n'importe comment, dans n'importe quel but. »

L'Histoire ne sert à rien. J'en ai acquis la plate certitude, plus que jamais, ces 24 juin et 1er juillet 2013, fêtes nationales du Québec et du Canada, à fréquenter les réseaux sociaux. C'est si utile de placer les hommes, les époques et leurs capitales où l'on veut, et de s'en accommoder tout à fait bien. Tout ça fait si longtemps, et ça n'a que si peu d'importance que ça soit faux... Allez, pas de quartier pour l'histoire des vainqueurs: J'aime ! Très peu pour moi.

PS Extraits d'un article du professeur Christian Nadeau, paru dans Le Devoir du 24 juillet 2013. Éléments d'une réflexion essentielle.

« Mais qu’est-ce que le débat public ? S’agit-il (...) d’un pugilat d’opinions pour le divertissement des foules ? La difficulté tient en ce que ces débats publics, comme ceux orchestrés par les médias, sont trop souvent conçus comme des arènes, et non comme des forums d’échanges. Les espaces de temps prévus sont souvent très courts, ce qui favorise la formule rapide et incisive, au détriment d’un dialogue constructif. (...) 
Il s’agit alors de se demander si une véritable réflexion peut véritablement émerger de tels types d’échanges. Et que peut signifier la mission des intellectuels et des universitaires dans un tel contexte? Le débat public est nécessaire, mais les intellectuels et les chercheurs doivent y contribuer à leurs propres conditions. Or, un des pièges possibles du débat public est la volonté de gagner à tout prix ou de céder aux charmes des dichotomies faciles. Dans ce cas, la recherche de la vérité ne compte plus ou passe au second rang, ce qui est inacceptable. (...)
La recherche de la vérité ne peut signifier avoir raison par-dessus tout. Elle ne peut signifier non plus se ranger ou disparaître lorsque le plus grand nombre exprime son opposition à nos vues. »











lundi 7 novembre 2011

HENRI GUILLEMIN, ENTRE LA TERREUR DES MOTS ET LA VERTU DES CROYANCES


Couverture de l'édition québécoise de Napoléon tel quel, par Henri Guillemin



En 2003, je participais souvent, en utilisant le pseudo « François », à deux forums historiques, initiés depuis l’Europe francophone. Plusieurs personnes de talent, souvent passionnées, parfois évidemment cultivées, discutaient sereinement de la sexualité médiévale ou de la disparition de la baignoire à la fin de la Renaissance… Il n’y avait en fait que Napoléon, le personnage, pour exciter des débats interminables, et soulever la polémique, braquant les uns contre les autres, adulateurs et malveillants.

Ces derniers s’abreuvaient ( sans toujours l’admettre, loin de là ) de ce classique de la légende noire napoléonienne des temps modernes, Napoléon tel quel, écrit par Henri Guillemin en 1969. ( Dans son petit bouquin d’à peine plus de cent pages, l’auteur et célèbre conférencier commençait par ces mots : « Il est parfaitement vrai que je n’aime pas Napoléon Bonaparte », admettant qu’il publiait là un pamphlet, mais définissant le genre comme celui d’une « vérité qui déplait ». ) Plusieurs des participants au forum, parmi ceux qui étaient franchement hostiles à Napoléon, puisaient systématiquement leur inspiration chez Guillemin, tout en le niant, comme de juste, parce que Guillemin opposait Napoléon ( la guerre ) à Robespierre ( la guillotine ), un Robespierre « mystique » et désintéressé, socialiste avant l’heure, archétype d’un Staline de même mouture, sans le sexe et l’alcool, cela va de soi. J’ai, deux fois, écrit des messages ironiques sur M. Guillemin, le 13 mai, puis le 9 décembre 2003. Je voulais taquiner les thuriféraires de l’historien, par l’humour et le sarcasme, à la manière ( et dans les propres mots ) de M. Guillemin lui-même. 

Pourquoi publier à nouveau, ici, ces messages qui se retrouvent encore ailleurs, sur la toile ? D’abord, pour  me les  réapproprier, j’y tiens ! Mais par ailleurs, pour tenter de montrer à quel point l’histoire est un savoir construit, dans lequel l’auteur du récit, quel qu’il soit, se projette lui-même massivement. Henri Guillemin ne s’en cachait du reste pas, bien au contraire. Loin, très loin de l’École des Annales, qui proposait une approche globale, véritablement scientifique en Histoire, Guillemin disait construire ses histoires de vie à partir de trois critères décisifs : le sexe, l’argent, et la métaphysique – et le rapport du personnage étudié avec chacun de ces trois indices. L’approche est éminemment morale, et je la trouverais assez juste, si Guillemin ne faisait pas  de la perversité des méchants une tare spécifique qu’à la seule bourgeoisie capitaliste, génératrice sans égale de tous les scélérats, de tous les vauriens, de tous les voyous qui ont souillé cette Terre. On serait tenté d’y croire. La caricature, hélas, est extrême, et se discrédite d’elle-même. Et Robespierre ( ou Staline ), n’est qu’à grand-peine l’archétype du bras vengeur au nom de la Justice sociale ou du Bien  monastique absolu.

Voici donc le premier billet, celui du 13 mai 2003. Ce message colle de très près, presque mot pour mot, au texte d’Henri Guillemin :

« … Déjà Jean Tulard a écrit un petit livre faisant l’histoire de la légende noire. Mais plus récemment, une historienne dûment patentée (je veux dire formée au dur métier de la critique des sources et de l’histoire globale,) a publié un excellent ouvrage historiographique faisant, entre autres, le bilan de la fabrication mythologique monstrueuse accablant Napoléon. [Nathalie Petiteau : Napoléon: de la mythologie à l'histoire. ]

Mais tout de même, comme ça, et rapidement, prenons le cas d’Henri Guillemin, qui, dans Napoléon tel quel, a écrit probablement le chef-d'œuvre de la littérature haineuse sur Napoléon. Signalons qu’il ne s’en cache pas, et ce dès les premières pages de son bouquin. L’analyse de Guillemin se ramène à peu près à ceci. La Révolution a propulsé la bourgeoisie capitaliste au pouvoir. Robespierre a bien tenté de remettre en question l’exploitation de l’homme par l’homme, mais on sait comment ça s’est terminé.  Le coup d’État du 18 Brumaire ne s’explique que dans la continuation du renversement des Montagnards, et de la prise du pouvoir par la bourgeoisie. Bonaparte est l’homme de l’argent, du fric, du capital. Du reste, il se fait tout petit devant les hommes d’argent, qui, pour leur part, attendent de lui qu’il réprime violemment la populace et, mieux encore, la travestisse en soldats pillards. Un tel personnage ne peut être, quand il s’agit de se compromettre avec la bourgeoisie et d’être son homme, qu’un pur salaud. Et il l’est effectivement. C’est un étranger, un apatride, une pieuvre, un caïd, un gangster, une merde tout autant que Talleyrand à qui il ressemble comme deux gouttes de pus; sa femme est une prostituée et elle sent mauvais; lui même est rustre, goujat et sexuellement ambivalent; il parle mal le français, est piètre cavalier, lâche au combat comme dans la tourmente, menteur et hypocrite; c’est un obèse qui passe des heures dans son bain, et qui se réjouit de sa rotondité; il est incroyant, et donc immoral, et ne voit dans la vie que l’occasion de jouir à l’infini, d’où la fortune colossale qu’il amassera patiemment, et avec laquelle il corrompra tout son entourage; même mourant, il restera le salaud qu’il a toujours été, niant que l’amour existe, ne considérant les gens que sous l’angle du service qu’on lui doit, ne voyant ni soleil ni fleurs, âme qui dégage une odeur putride. Quant à son rôle historique, c'est-à-dire écraser les jacobins dont il dit que ce sont « gens à pisser dessus », il reçoit l’appui de tous les installés, en vrac Mme de Staël, les émigrés, les banquiers «suisses», les manufacturiers, les spéculateurs, les fournisseurs aux armées; tous sont d’accord sur la «fonction» sociale du personnage. Mais pour être ce personnage, il fallait être congénitalement pervers et monstrueux, et Napoléon l’était, en tout, tout le temps, et sans relâche. Au fond, qui dit bourgeoisie dit ordure. Napoléon en était l’illustration parfaite.

L’analyse est tellement caricaturale, tellement outrancière, et disons-le tellement ridicule, qu’elle se discrédite dès que l’on prend, un peu, quelque distance critique. L’idée même du cynisme social radical, tout autant que de la corruption morale et sexuelle des agents du développement de l’économie capitaliste, est une pochade grossière. Quant au portrait intime de Napoléon que dresse Henri Guillemin, il emprunte beaucoup à la légende noire, de droite comme de gauche. Et je crois toujours, et bien que ça semble paradoxal, que la légende noire fait tout autant pour le maintien du mythe que la légende dorée. Napoléon n’est pas plus crédible en monstre qu’il ne l’est en « dieu ». Reste qu’il est un mythe, qu’il l’a su, voulu et compris de son vivant, et que c’est par là qu’il ne cessera jamais de fasciner.

… L’admiration est irrationnelle. C’est un fait, et je l’admets pour moi sans peine. Mais son contraire l’est tout autant. »


Une deuxième fois, je me suis amusé, carrément, à analyser M. Guillemin lui-même, et à railler, en la caricaturant, la grille d’analyse de l’auteur. Un pastiche de la manière Guillemin, en quelque sorte.

« Imaginons une conclusion de thèse sur l’œuvre d’Henri Guillemin, dont un extrait pourrait se lire comme suit : 

L’œuvre de M. Guillemin est totalement manichéenne, et, en ce sens, s’inscrit profondément dans la psyché de l’écrivain, qui parle essentiellement de lui, de ses conflits psychiques et de ses clivages, par le biais des personnages qu’il étudie. La chose est déjà manifeste dans ses études littéraires, mais devient plus évidente encore dans ses essais historiques, telles ses études de Jeanne d’Arc et de Napoléon. La première est une fabrication psychique réconfortante, sublimant à l’extrême la pureté de la «vierge», entendons une femme intouchable, mais toute puissante, qu’on peut aimer, mais certes non désirer, et qui soumet les hommes, même le Roi, à la puissance de son action. Qu’il y ait là, chez Henri Guillemin, l’expression de sa peur de la castration par la mère est évidente. On en trouvera d’ailleurs la preuve complémentaire dans l’analyse qu’il propose de Napoléon : la haine que développe notre auteur à l’encontre de cette image du Père est absolue, et libère chez Guillemin tant d’angoisse qu’il n’y a plus de limites à l’expression de sa culpabilité, générée par ses désirs enfouis, pourtant bien ordinaires chez tout homme normalement dégagé de sa mère. Chose étonnante, Guillemin ne censure pas les produits fantasmatiques de son angoisse: Napoléon est le mal absolu, conquérant «pieuvre» et «vampire», pouvoir par le «sabre» et par «l’épée», immoral, fils insoumis de Notre Sainte Mère l’Église, sexuellement ambivalent, autrement dit d’une puissance phallique incommensurable, ce qui [pour Guillemin] est carrément insupportable. Cette puissance, Napoléon ne peut l’avoir conquise qu’en ayant eu, au préalable, une mère dégénérée, qui a couché avec un symbole de pouvoir intolérable, le gouverneur français lui-même. Et puisque le futur Empereur est sans surmoi maternel castrant, Guillemin ne peut voir en lui que la représentation de tous ses dangers psychiques internes : sexe, argent, domination sur les hommes, société à forte prévalence masculine, appétit vorace, vulgarité extrême, odeurs suspectes. Il est évident ici, que Guillemin parle, inconsciemment, de sa propre peur de l’homosexualité, sous-jacente à son angoisse de castration, et que lorsqu’il dénonce la bourgeoisie, qui devient pour lui un être personnalisé, une représentation très nette de ce qu’il abhorre, il parle inconsciemment de son propre blocage oedipien. À cet égard, sa crainte morbide de réussir s’exprime tout crûment par le refus du titre impérial qu’il s’obstine à dénier à Napoléon, ne l’appelant jamais autrement que l’«empereur», un empereur ridicule, qui ne sait même pas monter correctement à cheval. Faut-il insister longuement pour expliquer ici la symbolique de la chose? En fait, Henri Guillemin cherche à tuer symboliquement son Père. Voilà la tâche qu’il se donne en rédigeant son ouvrage sur Napoléon. Il est difficile de dire si l’auteur en a retiré quelque bien-être intime; cependant, avons-nous besoin de signaler que l’étude, sur le plan de la science historique, n’a que peu de valeur? De toute façon, elle ne sert visiblement pas à ça. Henri Guillemin règle, au fond, ses comptes avec lui-même. C’est en ce sens-là seulement que l’étude qu’il propose est passionnante, et Freud lui-même n’y serait pas resté indifférent… » 


Henri Guillemin écrivait superbement bien. Et s’il demeure vrai que je ne partage toujours pas l’analyse qu’il a faite de Napoléon, je n’en demeure pas moins admiratif de l’écrivain ( de l’authentique écrivain qu'il était, quoi qu’il en ait dit de lui-même, simple « commentateur », ) de sa pensée, de son engagement, et de son mépris des Installés – nous dirions, aujourd’hui, des cadres supérieurs avec boni ! En 1977, lui-même résumait ainsi son oeuvre: « Derrière tous mes livres et tous mes exposés, il y a une préoccupation métaphysique qui est évidente. Je n'ai pas cessé de croire, et je croirai de plus en plus— maintenant que je suis vieux— qu'aucune modification structurelle de la Cité n'est suffisante. Cette modification est indispensable; mais on aura beau établir une Cité humaine où l'exploitation sera sinon effacée du moins considérablement diminuée, on aura beau établir un régime fiscal plus juste, on aura beau resserrer la hiérarchie des salaires, on n'obtiendra rien s'il n'y a pas une modification profonde du regard jeté par les hommes sur le monde et sur la vie. Le malheur restera au fond de l'individu humain si cet individu n'a pas une vue du monde qui lui permette de dépasser le désespoir. » (Source: http://membres.lycos.fr/histoirespadoise/guillemin.html)

Henri Guillemin est décédé en 1992. Il sait maintenant s’il a eu raison de croire et d’espérer. J’imagine cependant qu’il l’ignore, puisqu’il n’est plus, autrement que par son œuvre, qu’on lira encore longtemps.

Note: J'ai publié ce post, d'abord, sur un tout autre blogue. Il n'était pas pertinent. Il l'est davantage ici. Je l'ai relu, revu, et augmenté. Par ailleurs, l'oeuvre de Henri Guillemin est immense. On se demande comment un seul homme a pu produire autant, le temps d'une vie. Ses meilleurs bouquins portent sur Victor Hugo, sur Chateaubriand, sur la guerre de 1870. L'essai qu'il a fait sur Mme de Staël est désopilant, et a dû, comme celui sur Napoléon, beaucoup déplaire.






samedi 23 juillet 2011

PARLEMENT DU CANADA, 1849

Source: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/1f/Parliament_buildings_Montreal_1849.jpg



En avril 1849, une révolte particulièrement violente éclate à Montréal. Les insurgés, Anglais, s'en prennent - entre autres et surtout - à l'édifice du Parlement du Canada-Uni, qu'ils incendient. Le gouverneur, Lord Elgin, vient de quitter les lieux; en sortant par la porte principale, sur l'actuelle rue McGill, il se fait huer, chahuter, abreuver d'injures; sa voiture est bombardée d'oeufs pourris. Les députés, qui sont en session, s'échappent de justesse quand le feu éclate. Les boyaux d'arrosage ont été crevés, les conduites de gaz percées. L'incendie est formidable. En brûlant, l'édifice emporte avec lui un mobilier, des oeuvres d'art, et surtout une bibliothèque parlementaire, collection, unique en Amérique, de 25,000 bouquins, initiée au frais du Parlement ( et des citoyens ) du Bas-Canada, au tout début du 19ème siècle. Ce qui brûle, c'est l'essentiel du patrimoine politique national, surtout canadien-français. La perte est irréparable. La mémoire collective est trouée, à jamais atteinte; l'oubli deviendra plus que jamais la norme politique convenue.

Pourquoi ? Lord Elgin vient d'apposer sa précieuse signature, la sanction royale, au bas d'un projet de loi du gouvernement Lafontaine-Baldwin, qui a pour but d'indemniser les Canadiens ( du Canada-Est, c'est à dire les Canadiens français ) qui ont essuyé, sans avoir pris les armes et participé aux insurrections patriotes, des pertes matérielles considérables en décembre 1837. La répression faite par l'armée britannique contre les Patriotes avait été atroce, effroyablement vengeresse, aveugle, haineuse - on dirait aujourd'hui, très certainement, raciste. L'état de choc dans la population civile avait été considérable, d'autant plus que tout le monde français d'alors était potentiellement visé, que plusieurs ont été agressés alors qu'ils n'avaient pas bougé, faute de temps ou d'intention. Voilà ce que le Parlement de 1849 voulait réparer. Voilà ce que la communauté anglaise de Montréal ne pouvait accepter, si peu de temps après la tentative de révolution nationale de 1837. Voilà pourquoi une loi identique avait pu être votée et appliquée sans problème pour l'ancien Haut-Canada, mais qu'il était inconcevable, radicalement inacceptable que l'argent du contribuable anglais puisse être versé à des « nouveaux sujets », les Canadiens, si foncièrement, si évidemment déloyaux à Sa Gracieuse Majesté. Mieux valait incendier le Parlement. La tragédie a eu lieu le 25 avril 1849. 

Montréal en est restée longtemps discréditée. Il n'était plus question que la capitale de la colonie soit dans cette ville, malgré l'évidence des avantages à ce qu'elle y soit. Ottawa, capitale fédérale, allait surgir ( du néant ! ) et de ces événements de 1849. On a par la suite voulu oublier; et on a oublié, sans jamais rappeler la parenté pourtant évidente entre 1849, 1917 ou 1970 (crise de la conscription, crise d'octobre).

On a remis à jour les fondations de l'ancien Parlement du Canada, cet été, dans le Vieux Montréal, place d'Youville. Je voulais voir ça, ça m'émeut toujours, ces traces visibles du passé; je m'y suis rendu, avec V. La chaleur était écrasante. Il y avait peu de visiteurs. On a eu droit à une guide, pour nous seuls, pendant plus d'une heure et demie ! Elle en savait plus que moi, et j'en savais - souvent - plus qu'elle. Belle complémentarité, dont on a tiré, tous deux, beaucoup de plaisir. Mais détail amusant, V. est anglophone, et la jeune guide, pour expliquer les événements, marchait, comme on dit, sur des oeufs ! Je me suis chargé de nommer un chat, un chat.

Aux étudiants, j'ai souvent dit que le Canada actuel était probablement la démocratie qui censure le plus son histoire. J'en avais, hier, pendant cette belle visite aux ruines du vieux parlement, un bel exemple, frappant.








lundi 20 juin 2011

LES QUATRE SAISONS ( BLOGUE DE JEAN PROVENCHER )


Source: http://jeanprovencher.com/2011/05/18/lenterrement-des-morts-de-lhiver/#more-2105



J’ai découvert aujourd’hui, grâce à Twitter d’ailleurs, le superbe blogue , très soigné, que l’historien Jean Provencher diffuse, sur Internet, depuis deux mois déjà.
Magnifique ! Pour les passionnés d’histoire, et pour ceux et celles qui, plus simplement, aiment le Québec, et souhaitent toujours mieux le connaître, dans l’intimité de ses petites choses, qui sont ses racines et qui font son identité, ce blogue est un incontournable: à vos marque-pages !
L’illustration provient du blogue de M. Provencher. Il s’agit d’un charnier, érigé à St-Pierre, île d’Orléans. J’ai vécu mes étés d’enfance et d’adolescence sur l’Île. Et j’ignorais totalement la fonction sociale de ce bâtiment, d’une autre époque, et d’autres croyances. 




mardi 19 avril 2011

S'EN TENIR AUX FAITS






Cette photo de Paul Hansen, montrant une toute jeune fille, sauvagement tuée par la police haïtienne, en janvier 2010, a été primée en Suède. Depuis, une autre photographie a été publiée, montrant, elle,  les circonstances exactes où la photo a été prise.







Ces deux photos ont déclenché une vive polémique sur le travail des journalistes, en particulier des photographes de presse. Jusqu'où peuvent-ils aller? Quelle morale peut, doit même encadrer leur travail? Tout est-il permis, quand il s'agit de faire un bon cliché? Et si le cliché est bon, sert-il la vérité ?

Ces deux photos témoignent indépendamment l'une de l'autre. Les deux servent un récit, racontent l'Histoire, et peuvent rester, à ce titre, des références. Je ne crois ni qu'elles s'opposent, ni qu'une condamne l'autre à l'usurpation de vérité, à fabrication de faux.

Même que la plus vraie, je crois, n'est pas celle qui révèle, crûment, les trucs du métier. La plus authentique est celle qui reconstruit l'événement, et qui l'expose avec force, avec soin, avec beauté. Paul Hansen a mérité son prix. La photo de Fabienne, 17 ans, tragiquement morte dans un pays où la loi n'est souvent qu'un concept hésitant, et où les impératifs de la survie particularisent les formes actuelles de la servitude, est aussi vraie, par exemple, que l'Oeuvre au noir, de Marguerite Yourcenar. La fiction, parfois, dit davantage que mille mots, mille documents, mille preuves, qui demandent tout autant que la photo de Paul Hansen, à être reconstitués pour offrir un sens réel et compréhensible au fait. Mais Yourcenar, et Hansen y ajoutent le talent qui recrée l'événement, et c'est là l'essentiel.






samedi 19 mars 2011

VERSAILLES : SPLENDEURS ET VANITÉS



Trône de Napoléon, placé dans la salle du Corps législatif. Il a été quelque peu altéré après la chute de l'Empereur: les Aigles sont disparues, ainsi que le monogramme qui se trouvait au coeur de la couronne de lauriers.



Le Musée de Versailles fait voir une exposition qui me paraît être une merveille : une présentation de Trônes ( et donc de représentations symboliques du Pouvoir, souvent sacralisées ) à travers l’histoire et les civilisations. Coup de chance, le Musée propose aussi une galerie virtuelle de ces illustres sièges. On peut l’admirer à l’adresse Internet suivante :
C’est ma Chose vue du jour, sans conteste, même si au moment précis où j’écris ce court billet, l’attaque contre la Libye commence, et qu’il est très possible que ce trône ne soit, lui, pas si facile à neutraliser, voire même à culbuter…




mercredi 9 mars 2011

Aperçu critique d’une des pires présidences de l’histoire états-unienne



Paul Wolfowitz au Bureau Ovale: un proche collaborateur du Président



Note: L. m'a demandé un petit résumé de ce qu'ont été les Années Bush. Je me suis amusé à reprendre mes notes de cours, à les résumer, à les proposer ici en lecture - après tout, je suis historien de formation. Ces années 2001-2009 rappellent de bien mauvais souvenirs. Mais j'espère que la lecture de ce billet, pour ceux et celles que le sujet intéresse, présentera quand même quelque intérêt ! J'ai eu, moi, du plaisir à le remettre en forme, à l'écrire.




Candidat du parti républicain, G. W. Bush est « élu » en novembre 2000 par une minorité de voix. Il obtient 50 459 211 votes (47,9 %) contre 51 003 894 pour Al Gore, le candidat démocrate et vice-président sortant (48,4 %).
La Cour suprême des États-Unis valide son élection, en infirmant un jugement de la Cour suprême de l’État de Floride qui avait déclaré que le vote était « paramount », ordonnant en conséquence le décompte des votes, mais que dans les districts électoraux où le résultat était contesté. Il s’agissait de districts à majorité noire, et donc à très probable majorité démocrate. C’est là, précisément, ce que la Cour suprême des États-Unis juge comme une erreur en droit, et voilà pourquoi elle considère la mesure comme une violation de l’égalité, garantie dans le Bill of Rights, de tous les citoyens américains. Au regard de la Cour suprême, il faut recompter le vote de tous les électeurs américains, ou n’en recompter aucun. Plus encore, elle ordonne de respecter la juridiction de l’État de Floride dans le processus électoral de son choix : or le propre frère de Bush est gouverneur de Floride, et le parlement de l’État est à majorité républicaine… Sitôt le jugement du plus haut tribunal du pays connu, la Floride s’empresse de stopper le décompte des votes, et d’accorder ses Grands Électeurs au candidat Bush. C’est ainsi que Bush gagne la majorité au collège électoral, et donc la Présidence. L’affaire a toutes les allures d’un véritable coup d’État constitutionnel. Il faut cependant rappeler qu’il y a des précédents, pas toujours honorables : on pense par exemple aux ignobles tractations qui avaient mené à l’élection de Hayes, un autre républicain, en 1877, désignation qui avait facilité l’organisation de la ségrégation raciale dans les États du sud américain.
George Bush est cependant réélu le 2 novembre 2004, par plus de 62 millions d’électeurs, obtenant une courte majorité absolue de 50,7 % du corps électoral. Il fait un gain de 12 millions de votes depuis 2000.
Cette réélection, finalement assez facile, était pourtant imprévisible quelques mois auparavant. Comment dès lors l’expliquer ? On parle d’effets combinés,  de la guerre en Irak, de la politique fiscale adoptée par l’administration républicaine, et de l’impact de débats sociaux majeurs à l’époque: sur le mariage, sur la laïcité, sur l’avortement, sur la peine de mort, sur les armes à feu… Le candidat démocrate s’enferre sur toutes ces questions. Bush a l’avantage de n’avoir jamais à nuancer ses positions : elles ont le mérite d’être claires.
En politique intérieure, l’Administration Bush ne dévie jamais d’orientations à la fois néolibérales — sur le plan économique —, mais néo-conservatrices, pour tout ce qui concerne les droits et libertés de la personne et la moralité publique.
Ainsi, l’avortement ne peut et ne doit plus être un droit constitutionnel garanti aux femmes américaines. Cela découle de convictions religieuses, bien sûr, mais aussi de l’instrumentalisation politique de la religion et des Églises, y compris catholique, ce qui a beaucoup fait pour le renforcement continu du parti républicain.

L’Administration est défavorable au mariage entre personnes de même sexe, et envisage même une modification constitutionnelle pour bloquer, à jamais, cette hypothèse.

Cependant la présidence Bush défend-elle le statu quo constitutionnel quant aux armes à feu, et encore là, reçoit l’appui des segments les plus conservateurs de la population états-unienne, souvent au sud de ladite Bible Belt.

Après les tragiques attentats du 11 septembre 2001, Bush décide que les terroristes ne relèvent plus du droit international ou des Cours fédérales américaines, mais du seul Code militaire américain et du Military Order du 13 novembre 2001. Il faut attendre jusqu’au 8 novembre 2004 pour qu’un tribunal de NY juge illégales les procédures contre les prisonniers de Guantanamo, jugement confirmé par la Cour suprême des É-U, la même qui, en août 2006, a jugé certaines mesures du Patriot Act, dont l’écoute électronique, comme anticonstitutionnelles. Bush a aussi autorisé la CIA à créer des prisons secrètes et à pratiquer certaines formes de torture, même déguisées. Il fait adopter, par un Congrès docile, le Foreign Intelligence Surveillance Act, qui accorde l’immunité aux entreprises de télécommunications qui ont participé aux écoutes électroniques sans mandat judiciaire...

Néolibérale, l’Administration Bush s’illustre notamment par des diminutions d’impôts, dont 60 % des baisses profitent à ceux qui gagnent plus de 100 000 dollars. Bush rejette le Protocole de Kyoto, et réactive les productions massives d’énergie à partir de pétrole, de charbon et de centrales nucléaires. Les milieux d’affaires, en particulier dans le secteur de l’énergie, acclament le Président.

Mais c’est en politique étrangère que Bush fait sa marque la plus profonde, les critiques diront même la plus sinistre. Depuis 2001, les États-Unis augmentent considérablement leurs dépenses militaires. En atteignant plus de 400 milliards de dollars, dès 2002, ces dépenses sont désormais plus importantes que celles, additionnées, de tous les États du monde, réunis. Or, cette militarisation n’est pas le fait des Événements du 11 septembre, qui ne servent ici que d’accélérateur. Dès le milieu des années 1990 se prépare une reformulation de la politique extérieure américaine et de ses objectifs; au cœur de cette redéfinition s’illustre l’universitaire Paul Wolfowitz, théoricien, depuis 1969, du bouclier antimissile, du rejet des contrôles en armements, et de la théorie de la « construction de la menace », dans le but – avoué ! — d’agir selon le bon vouloir américain dans le monde et de bloquer l’émergence de compétiteurs potentiels. (Chine, Japon, Allemagne.)

Dès 2001, Bush amène Wolfowitz à la Maison-Blanche, en tant que sous-secrétaire d’État à la Défense. La communauté internationale, stupéfaite, doit désormais compter avec une superpuissance qui entend mener une politique de cas par cas, identifiant des États Voyous, l’expression est célèbre, avec repli en regard des organisations internationales contraignantes : la Maison Blanche ne souhaite désormais que des « alliances conjoncturelles ». Après le Onze septembre, Bush trouve les mots pour traduire explicitement la politique étrangère de son pays : « ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes contre nous ». Cet unilatéralisme radical provoque rapidement la fragmentation du monde relativement à la « guerre contre le terrorisme », parce que cette guerre prend trop évidemment en obligation les avantages objectifs des États-Unis, entre autres ce que Bush appelait le « vent du pétrole ».
La guerre contre l’Irak se prépare, exemple cynique, illégal et crapuleux d’une « construction de la menace » typique de la thèse de Wolfowitz. La planification du conflit exige de Bush de le relier à la problématique du Proche-Orient. Bush adopte la thèse du premier ministre israélien Ariel Sharon, qui prétend mener la guerre contre le terrorisme dans les territoires palestiniens occupés. L’incroyable ignorance des enjeux locaux amène même Bush à songer à une solution extrême au conflit israélo-palestinien : ainsi propose-t-il de donner la nationalité américaine à tous les réfugiés palestiniens qui espèrent une solution à leur situation désespérée depuis 1949 !

En mars 2003, la guerre contre l’Irak éclate, l’Irak accusé de tous les dangers, mais possédant 10 % des réserves pétrolières du monde, au moment où la Chine émerge et a d’énormes besoins énergétiques…

Quelques mois auparavant, en décembre 2002, l’Administration Bush relance officiellement le programme de « bouclier antimissile », déjà projeté sous Reagan : le bouclier exige l’abandon du traité ABM, signé en 1972 avec l’ancienne URSS ; il a pour but de protéger l’entièreté du continent nord-américain par un système multicouche, combinaison de radars, de missiles intercepteurs, au sol, en mer, du ciel, et même de l’espace… (D’où la colère américaine quand le Canada, en 2004, refuse de participer au projet, pour cause de militarisation de l’espace, militarisation interdite par le droit international.)

Conséquence inévitable de cette politique internationale: l’illégalité des opérations de guerre, et l’effondrement du système de sécurité collective mis en place depuis 1945. Très révélateur est là-dessus le refus de l’administration Bush de reconnaître la Cour pénale internationale, créée en 1998 pour juger des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. En 2002, le Congrès adopte, tout au contraire, une loi autorisant le Président à prendre tous les moyens, y compris militaires, pour libérer quelque Américain qui pourrait être traduit, hypothétiquement, devant la Cour…