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mercredi 22 juin 2016

À propos de «Y a-t-il un grand architecte dans l'Univers», de M. Stephen Hawking




(Note:
Le texte qui suit est le statut Facebook le plus long que j’ai jamais publié ! J’en fais avec plaisir un article de ce blogue. Si cela peut intéresser quelques lecteurs…)

Un statut Facebook long, bizarre, étonnant (et sans intention perverse aucune…) :

À propos de Y a-t-il un grand architecte dans l’univers, de Stephen William Hawking: extraits (choisis).

Hawking fait, dans ce livre passionnant, non seulement l’histoire de la physique depuis 3000 ans, mais la démonstration, du moins le prétend-il, de l’inutilité d’un Dieu créateur de toutes choses, inutilité démontrée par la science contemporaine. C’est essentiellement dans sa dimension très actuelle de « dessein intelligent » que Hawking tente — de façon assez convaincante pour le profane en physique que je suis — de prouver que le réel s’est créé de lui-même, qu’il pourrait s’engendrer encore, qu’il crée certainement toujours, et que les seules lois qui valent sont les lois de la physique, parce qu’elles sont « les seules possibles ». Dieu ne joue pas aux dés.

Sa preuve, Hawking la présente, du reste, avec beaucoup d’humour. 

Et il décoche, ici et là, quelques flèches à l’encontre de celles et de ceux qui feignent encore de croire en la magie des signes religieux ostentatoires, et donc dans l’interventionnisme divin — pour tout dire, dans les miracles.

Bref, un livre de santé — qui ne plaira pas dans certains milieux…, mais qu’il faut lire — encore que la synthèse que je présente ici peut vous en dispenser ! (Ce qui serait dommage.)

J’ai lu l’essai de M. Hawking en format EPUB. Il m’était donc impossible de renvoyer les extraits à des pages précises.

PS Évitez de me dire, s’il vous plaît, qu’il s’agit ici d’une variation de l’impérialisme civilisationnel occidental, qui ne convient pas à toutes les aires culturelles… 

__________

« C’est ainsi [durant l’Antiquité gréco-romaine] qu’a débuté le long cheminement qui allait voir les dieux et leur règne progressivement supplantés par un univers gouverné par des lois, un univers dont la création suivait un schéma que l’on pourrait un jour comprendre. »

« [Nous ] devons (…) nous pencher sur un principe fondamental de la physique contemporaine : la théorie quantique et plus particulièrement l’approche dite des histoires alternatives. Cette formulation nous dit que l’Univers ne suit pas une existence ou une histoire unique, mais que toutes les versions possibles de l’Univers coexistent simultanément au sein de ce que l’on appelle une superposition quantique. (…) En d’autres termes, la nature ne dicte pas l’issue d’un processus ou d’une expérience, même dans la plus simple des situations, mais elle autorise un certain nombre de choix possibles, chacun ayant une probabilité de se produire. (…) L’Univers, en physique quantique, n’a pas un passé ou une histoire unique. »

« … [Le] vide total n’existe pas…[L’]espace n’est (…) jamais vide. Il peut être dans un état d’énergie minimale, ce que nous appelons le vide, mais cet état est sujet à des fluctuations quantiques ou fluctuations du vide – des apparitions et disparitions incessantes de particules et de champs. »

« Il se peut que l’espoir constant des physiciens d’une théorie unique de la nature soit vain, qu’il n’existe aucune formulation unique et que, pour décrire l’Univers, nous devions employer différentes théories dans différentes situations. Chaque théorie aurait ainsi sa propre version de la réalité ce qui est (…) acceptable tant que les prédictions des théories concordent lorsque leurs domaines de validité se recouvrent…»

« Il y a de cela plusieurs siècles, Newton a démontré que des équations mathématiques pouvaient donner une description spectaculairement précise des interactions entre les corps, à la fois sur Terre et dans les cieux. Les scientifiques ont cru un temps qu’on pourrait révéler le futur de l’Univers entier si l’on disposait à la fois de la bonne théorie et d’une capacité de calcul suffisante. Puis sont venus l’incertitude quantique, l’espace courbe, les quarks, les cordes, les dimensions supplémentaires et le résultat de cet effort colossal, ce sont 10100 univers, chacun doté de ses lois propres, et dont un seul correspond à l’univers que nous connaissons. Il est possible qu’il faille aujourd’hui abandonner l’espoir originel des physiciens de produire une théorie unique capable d’expliquer les lois apparentes de notre Univers comme conséquence unique de quelques hypothèses simples. »

Le Big Bang ? « C’est un peu comme si une pièce d’un centimètre de diamètre s’était soudainement dilatée pour atteindre une taille supérieure à dix millions de fois celle de la Voie lactée. »

« En fait, il existe une multitude d’univers auxquels correspondent une multitude de jeux de lois physiques différents. (…) Des fluctuations quantiques conduisent à la création d’univers minuscules à partir de rien. Un petit nombre d’entre eux atteignent une taille critique puis se dilatent de façon inflationniste, formant alors galaxies, étoiles et, en définitive, des êtres semblables à nous. (…) Nous sommes ainsi le produit des fluctuations quantiques produites au sein de l’Univers primordial. »

« Il y a de cela plusieurs siècles, on croyait la Terre unique et située au centre de l’Univers. On sait aujourd’hui qu’il existe des centaines de milliards d’étoiles dans notre galaxie dont une grande partie est dotée d’un système planétaire, et qu’il existe par ailleurs des centaines de milliards de galaxies. Les résultats que nous avons présentés (…) nous indiquent que notre Univers n’est également qu’un parmi tant d’autres, et que ses lois apparentes ne sont pas déterminées de façon unique. Voilà qui doit être bien décevant pour ceux qui espéraient qu’une théorie ultime, une théorie du Tout, allait prédire la nature de la physique que nous connaissons »

« Parce qu’une loi comme la gravitation existe, l’Univers peut se créer et se créera spontanément à partir de rien… »

« Changez même de façon minime ces lois qui régissent notre Univers et les conditions de notre existence disparaissent ! (…) L’émergence de structures complexes permettant l’éclosion d’observateurs intelligents apparaît donc comme un processus très fragile. Les lois de la nature forment un système ajusté de façon extrêmement fine et il est très difficile d’altérer la moindre loi physique sans détruire du coup toute possibilité de développement de la vie dans ses formes connues. »

__________

Pour faire bref, il n’y a pas de théorie unique de l’univers. Nous sommes le produit de fluctuations quantiques.  Voilà qui doit être bien décevant pour ceux qui espéraient une théorie ultime — comme celle du grand architecte, par exemple. En fait, il est très difficile d’altérer la moindre loi physique sans détruire du coup toute possibilité de développement de la vie dans ses formes connues.











vendredi 4 octobre 2013

LES AVEUGLES GUIDENT LES AVEUGLES


Bruegel l'Ancien. La parabole des Aveugles. 1568.



Quand l’Univers sera vieux, dans 50 milliards d’années, la distance séparant les amas, les nébuleuses, les galaxies et les objets sera si grande que le noir séparant les points lumineux effacera toute lumière. Les étoiles seront aveugles les unes aux autres parce que le noir aura tout noirci. Nous serons bien avancés. L’expansion de l’Univers connu est l’annonce d’une immense solitude, d’un isolement glacial dans le milieu de rien. Or, voilà la finalité du monde : l’érosion, l’épuisement, l’aplatissement. Car il est clair que l’Univers manufacture du rien à la vitesse de la lumière, il fabrique du vide à la mesure d’une énergie qu’il disperse à l’infini. Nous sommes un mince filet entre deux néants : le temps passé qui s’accumule, et le futur qui est si creux que nous ne parviendrons jamais à le meubler... Le néant est si plat que la lumière y meurt d’ennui. 


- Serge Bouchard, C’était au temps des mammouths laineux.






dimanche 8 septembre 2013

ET POURTANT ELLE TOURNE: une réponse aux «cent intellectuels contre l'exclusion»




Cent intellectuels, journalistes, écrivains, économistes, professeurs, (même de cégep !), ont publié une lettre ouverte annonçant et dénonçant, tout en même temps, la perfidie du projet gouvernemental de charte dite des «valeurs» — en fait, pour ce qu’on en sait, un projet de loi garantissant la neutralité religieuse de l’État, de ses lois et de ses services, espaçant une administration publique sans religion d’un citoyen, qui lui, peut bien croire à ce qu’il veut, dans les lieux qu’il choisit, librement.

Cent intellectuels qui dénoncent, ça impressionne, et c’est le but recherché, bien sûr, une « impression ». En fait, le texte des Cent, c’est l’expression même d’une neutralité planifiée.

Je ne suis pas un intellectuel. Je ne suis qu’un simple (et ancien) professeur d’histoire – de cégep, c’est dire à quel point je suis anémique, côté doctrine ! Je ne suis pas connu, je n’ai pas de plan de carrière, je n’appartiens à aucun réseau ; je n’ai pas d’intention politique partisane en écrivant ce texte. Je ne suis qu’un citoyen, unique et solitaire, que le système supplie pourtant de voter, ce qui implique que j’aie une pensée qui se tienne, et que j’aie en horreur qu’on tente de me manipuler la cervelle. (C’est paradoxalement une des raisons pour lesquelles je ne vote plus, mais c’est là une autre histoire.)

Disons l’évidence tout de suite : cette « charte », étant donné l’Assemblée nationale du Québec telle qu’elle est composée en ce moment, n’a aucune espèce de possibilité d’être adoptée. Et je doute fort que le gouvernement engage sa responsabilité ministérielle sur ce projet de loi, et qu’il risque des élections là-dessus. C’est donc de principes et de convictions dont on discute. Et il y a, dans la lettre ouverte des Cent, des éléments de croyance avec lesquels je suis d’accord, sans «croire». Commençons donc par les compliments.

Bien évidemment que je les rejoins quand les Cent reprochent l’obstination que le gouvernement du Québec met à figer, pour l’éternité, le crucifix, le plus important des objets du culte chrétien, au-dessus du «trône» du Président de l’Assemblée nationale, en considération du patrimoine national à préserver. Cet entêtement est d’autant plus ridicule que c’est Duplessis qui l’y a placé là, et que plus personne n’y croit, tel quel, à ce sacrifice divin, pas plus qu’il nous viendrait à l’idée de croire aux charmantes procédures de meurtres sacrificiels qu’on a pratiqués, de-ci de-là, ailleurs sur cette planète. Comment penser que la première ministre Marois, la même qui veut l’indépendance, qui sait la forte turbulence que cette révolution provoquera si elle advient, mais qui la veut quand même et qui en assume le risque calculé, comment penser que la même Mme Marois puisse redouter les sursauts de l’opinion, et reculer devant la turbulence passagère (appréhendée) que provoquerait le décrochage d'un crucifix dans l’espace politique ? Qui donc s’est soucié, sérieusement, il y a 50 ans, du leader créditiste Camil Samson qui déplorait qu’on sorte le crucifix des écoles ? Si, avec raison, on ne s’illusionne jamais du silence apparent d’un signe, on ferait erreur de considérer le crucifix que pour un simple objet, sans autre signification qu’une nostalgie culturelle. Il faudrait que cette charte, qu’écrit le gouvernement, soit l’Édit de Nantes, et non sa révocation.

Ailleurs dans leur lettre, les Cent disent croire au « principe de neutralité religieuse [qui vient] protéger la liberté de conscience et de pensée ». On salue, ici, une sélection de mots prudemment choisis, et d’ailleurs parfaitement justes. Mais la modernité fait depuis au moins trois siècles la différence essentielle et radicale entre la liberté de pensée et de conscience, et la complaisance pour les « superstitions ». C’est ce qui a permis à la pensée scientifique de prendre son envol. C’est ce qui a permis aux institutions politiques d’évoluer, jusqu’à renverser la monarchie de droit divin, et à inventer une loi qui soit autre chose qu’une révélation. C’est ce qui a donné une crédibilité au « droit naturel », à ces « vérités qui sont [si] évidentes par elles-mêmes » qu’on ne s’éternise pas à les expliquer. Ce n’est pas rien, comme acquis. Et ce n’est surtout pas, surtout pas religieux.

Moi, l’humble citoyen que je suis, avant que d’expliquer en quoi je me sépare de la lettre ouverte des Cent, j’affirme croire à l’audace des petits espaces de liberté dans le monde, comme la France l’a été, un temps, au temps de la Révolution. Et je crois que les petites nations peuvent être le cadre d’expériences de neutralité étatique, légale et juridique bien réelles, qui marquent profondément de leur empreinte le « concert des nations », nations qui n’ont de cesse de s’écouter les unes les autres, quoi qu’il en semble, parfois.

Mais, venons-en au fond des choses, et à ce qui fait que si j’étais quelqu’un qui compte, je n’aurais pas signé cette lettre ouverte à tous.

À les lire attentivement, et à les en croire, les Cent se seraient opposés, autrefois, aux principes mêmes de la Révolution française, parce qu’ils y auraient vu de l’occidentalocentrisme, et qu’ils auraient regardé la déchristianisation comme une menace aux droits universels de l’homme quant à l'exercice des religions. En fait, tout leur raisonnement part de cette apriorité, s’appuie sur cette conviction de base, qu’il y a la possibilité de Dieu. Or s’il y a Dieu, il y a une vérité révélée, et fatalement, une Loi au-dessus de toutes les lois humaines. Ça ne peut pas être autrement. Accepter Dieu, c’est reconnaître sa « suprématie », comme le dit expressément la Constitution canadienne, en parfaite logique, d’ailleurs.  Les Cent célèbrent donc le fait même d’une société «pluri-religieuse», enrichies de « traditions » religieuses « venues d’ailleurs », qui cohabitent « dans le respect de la spiritualité et de la liberté de conscience de chacun » : tout est là, en effet, dans cette alliance surprenante (quand même), mais nouvelle et éternelle entre la faucille et le goupillon. Déjà, bon dieu, qu’on n’est même pas débarrassés, complètement, des trônes et des évêques, et de cette illusion criminelle qu’il y a une vie après la mort, avec une morale conditionnelle et effroyablement répressive pour y accéder, voilà que se profile l’alliance entre la prière et l’action révolutionnaire !

Et l’ennemi, quel est-il ? C’est cette « communion nationale défensive et hargneuse », ce « fantasme [laïc, neutre,] d’une définition non conflictuelle de la collectivité québécoise » qui se trouve pourtant « des proies faciles » avec ce « projet répressif et diviseur ». Diviseur ! On croirait lire Trudeau, le Trudeau du début des années 60, lorsqu’il était encore du NPD (et que le NPD était encore le NPD.)  Et on note, bien sûr, la contradiction, immatérielle, entre la négation consternante des conflits, mais l’avivement tout aussi pénible de conflits, tout cela du fait d’un seul et même gouvernement, dissimulateur, qui se lève tôt le matin pour y arriver. Au demeurant, de quels « conflits » parle-t-on au juste ? Et de quelle « négation » ? De la lutte des classes ? Elle a toujours été, elle sera toujours, elle est depuis longtemps noble et souvent admirable, et ce n’est pas une loi sur la laïcité qui va la nier. Mais en quoi, je me le demande, en quoi la promotion insidieuse de la croyance en Dieu, en quoi ce fantasme spirituel auquel souscrivent les Cent, est-il préférable pour assurer à la fois la paix sociale et la juste révolution des opprimés ? Quelle religion, au Québec, fait-elle sienne, en ce moment même, des principes de la théologie de la libération ?

Quand les Cent écrivent, sans sourciller, que « le PQ [pour le gouvernement] se donne des airs de souveraineté en se trouvant des proies faciles », il profère une accusation grave, démagogique, et dangereuse, parce que les signataires savent parfaitement bien que c’est faux, et qu’aux extrêmes, il peut s’en trouver pour conférer une valeur mystique à l’argument. La lettre ouverte des Cent nourrit un incroyable (incroyable, c’est le mot!) fantasme inspiré, qui promeut la justice révolutionnaire par le biais d’un dieu et de ses disciples. Jamais je n’ai eu sous les yeux un texte qui prend aussi rigoureusement au pied de la lettre le remplacement purement cosmétique du marxisme par la religion, quelle qu’elle soit. C’est du délire. C’est de l’intimidation. C’est du mensonge éhonté.

Quelles preuves les Cent détiennent-ils quand ils écrivent, indifférents à l’énormité de l’imputation, que « l’exclusion des signes évocateurs des croyances est la porte ouverte à l’exclusion des êtres eux-mêmes » ? Et si, tout au contraire, et parce que dieu n’existe pas, c’était l’exclusion de signes et de symboles qui ne signifient rien, qui ne représentent rien, qui facilitait l’inclusion, l’égalité, la justice, le juste partage et l’affection ? Et si c’était l’exclusion de signes et de symboles dangereux parce que porteurs de morales d’autant plus répressives qu’on les croit dictées par dieu, qui pouvait, enfin, apaiser la haine contre les femmes, les gays, les incroyants, les anarchistes, les libertaires, les scientifiques ? Elle tourne, la terre, vous savez, et pourtant elle tourne ! De sorte que c’est d’un charlatanisme incroyable, quand la lettre ouverte des Cent s’achève sur ces mots, à faire pleurer de bêtise: « Les femmes, qui sont déjà plus souvent qu’autrement [sic] défavorisées par les rapports de pouvoir et de production dans lesquelles elles s’insèrent, seront d’ailleurs les principales victimes de ces mesures législatives. » Ça n’existe plus, « les femmes », pas plus que dieu n’existe ; il y a maintenant des femmes de pouvoir ; elles n’ont rien révolutionné du tout ; elles participent à la reproduction des classes sociales, comme les hommes, elles s’enrichissent, elles bouffent de ce qu’elles prennent aux autres, et elles savent utiliser une matraque. Il y a des femmes, c’est vrai, peu scolarisées, et refoulées, toujours et encore, vers des emplois traditionnellement réservés aux femmes. Qu’est-ce qui prouve, mais qu’est-ce donc qui prouve, hors de tout doute, que la disparition de signes religieux des lieux de l’administration publique va chasser certaines femmes de minorités religieuses d’emplois traditionnellement réservées aux femmes ? Croire cela, c’est croire en un argument démagogique, particulièrement fallacieux.

Les Cent redoutent que «cette laïcité [d’État] consiste (…) à forcer un processus de sécularisation», que « cette réactivation programmée des passions tristes et mesquines [ne soit] pas à la hauteur des valeurs largement partagées ici comme ailleurs » : un programme, bien sûr, un programme forcé, un complot, tiens, déjà qu’il a fallu du temps pour se défaire de l’autre complot, avec lequel certains leaders de notre gauche bien d’ici ont longtemps flirté ! Décidément, Malraux avait raison : le XXIe siècle allait être religieux, et croire aux forces occultes !


Cette lettre des Cent attise, excuse, et pardonne à priori, par ses préjugés, ses lieux communs, ses raccourcis idéologiques commodes, la haine des uns contre les autres, pour mieux lutter contre un nationalisme québécois depuis belle lurette associé au mal en soi, au repli sur soi, au racisme et à l’exclusion. En fait, cette lettre attise la haine des autres pour les «Québécois», ramenés qu’aux seuls francophones de souche, elle divise parce qu’elle isole des autres la population d’accueil, elle libère contre cette population une parole violente et méprisante, et se propose comme moderne, alors qu’elle refuse la modernité culturelle qui n’a plus de religion. Cette lettre refuse la modernité de ce que sont les Québécois, et leur ouverture aux autres, pour les maintenir dans le mépris qui, depuis 1760, n’a jamais manqué de relais.

En 1977, au moment où l’Assemblée nationale adoptait la Charte de la langue française, un député libéral s’exclamait, scandalisé, éperdu: « c’est la Conquête que vous niez avec cette loi ! » À lire la lettre des Cent, on croirait les entendre crier: « mais c’est la grandeur de dieu et de ses commandements que vous niez avec cette loi ! » 

PS (en guise de conclusion)
Ça n’existe pas, dieu, ça n’existe pas les commandements de dieu, ça n’existe pas les interdits de dieu, ça n’existe pas les froncements de regard de dieu, ça n’existe pas les exigences de dieu, ça n’existe pas les punitions de dieu, ça n’existe pas les prescriptions de dieu, ça n’existe pas, rien de ça, pour une raison bien simple, ça n’existe pas, dieu. Peut-être qu’on pourrait se rappeler cette vérité de base, de temps à autre, et contempler les photos fabuleuses, mais parfaitement athées, de Hubble, et s’étonner de cette photo extraordinaire de l’univers, 300,000 ans après le Big Bang... Non ? Peut-être qu’on pourrait lutter contre l’exclusion et le racisme par l’incroyance et l’athéisme, non ? Peut-être que l’humanisme athée a encore un sens, non ?

Quand on connaîtra la charte, il se peut que je m’y oppose (sans que ça n’aille aucune importance, d’ailleurs) si la neutralité est trop timide, trop hésitante, trop peureuse devant dieu. J’espère que le gouvernement ira jusqu’au bout, sans entendre les Tartuffes de gauche, qui, l’œil au ciel, en extase humanitaire, prônent le maintien de toutes les superstitions.

PS2
Je refuse, et je refuserai toujours d’être récupéré par la droite haineuse et sectaire. Mais j’admire, et j’admirerai toujours, les personnes qui, par foi, font le bon, le juste et le bien.

Note : La lettre ouverte des Cent se trouve ici : http://fr.scribd.com/doc/166137142/nos-valeurs-excluent-l-exclusion-05-09-pdf


PS3 (en date du 10 septembre 2013)

Je ne vais pas reprendre tout ce que j’ai développé comme argumentaire dans ce long article de blogue. 

Mais ce soir, alors que le projet de Charte des «valeurs» a été présenté aujourd’hui, le 10 septembre, par le gouvernement du Québec à l’ensemble de la population, j’ai envie d’écrire, pour m’en attrister, que, nous, les athées, n’avons guère de place dans ce projet de Charte, que j’aurais espéré très progressiste dans son refus, radical et essentiel, toutes religions confondues, du fait religieux lui-même et de son «ostentation».

La Charte, pour le simple citoyen que je suis, est trop modérée. Quand le ministre Drainville dit que l’héritage patrimonial ne se réduit quand même pas à une page blanche, et qu’il y a des éléments de catholicisme ultramontain (par exemple, le crucifix à l’Assemblée nationale), qui doivent être préservés, je me sépare de cette politique frileuse. Ce que j’aurais espéré, personnellement, c’est précisément une page blanche, c’est précisément une «tabula rasa», quelque chose comme une petite révolution de la modernité. C’en est presque une... mais c’est raté. Quand le philosophe Charles Taylor dit que, puisque les croyances religieuses, pour certains, sont redevenues bien réelles, on ne peut comparer le fait présent des signes religieux, porteurs de messages, au fait passé des religieuses catholiques qui se sont précisément débarrassées, en masse, de cesdits signes religieux, je me sépare radicalement de ce genre de propos déistes, qui me font redouter le pire.

Et voilà qu’on tombe dans un débat délirant et sans fin, avec des contresens essentiels, du genre « Moi je suis croyant, mais c’est sans importance », alors que ça ne peut être que fondamental, ou du genre « L’État doit être laïque, mais il faut que ça s’en tienne qu’à une déclaration de principes », alors que ce qui fait l’État, ce ne sont que les personnes qui l’incarnent.

L’hésitation, la confusion (les clauses dérogatoires pour cinq ans, par exemple, qui sont prévues dans la loi, pour un très grand nombre d’institutions publiques) ne font que laisser la porte ouverte à tous ceux qui voudront envahir l’espace public, et agiter parmi les pires des pires épouvantails. Ce soir, le Dr Laurin me manque.

Et pendant tout le temps que durera le débat, on va devoir digérer, à nouveau, comme en 1976, en 1977, en 1980, en 1995, un déluge torrentiel d’injures extrémistes, associées à l’âme, presque à la «race» canadienne-française elle-même. C’est déjà commencé: «PQ taps into dark part of Quebec psyche ». (Montreal Gazette.)

Y’a pas à dire, la Charte constitutionnelle de 1982, cadeau post-référendaire de M. Pierre-Eliott Trudeau, aura marqué au fer rouge, et bloqué pour longtemps cette société. 

PS4 (En date du 14 septembre 2013)


Des intellectuels, et autres penseurs ont enfin rédigé et signé un texte commun qui prend fait et cause pour la laïcité d’État. Je donne avec plaisir le lien ici, tout en signalant que je me sépare de ce texte qui considère l’athéisme comme un phénomène d’essence religieuse, alors que, pour moi, l’athéisme n’est que l’évidence (et le progrès) à l’ère moderne. Je me suis assez expliqué pour ne pas reprendre toute mon argumentation, encore une fois ! Voici le lien vers ce texte important:









jeudi 16 août 2012

LA GRANDE IMBÉCILLITÉ


Cyberpresse, 16 août 2012. 



Cyberpresse, 21 heures : 43 % des personnes qui se sont exprimées, par le biais d'une question sondage frisant le racisme, et réveillant les pires préjugés qui soient, se sont dites d’accord avec les propos du maire de Saguenay, Jean Tremblay. Je suis stupéfait, honteux : 7402 de mes compatriotes pensent que les personnes nées hors Québec, mais devenues citoyennes de ce pays, amoureuses de ce pays, tout aussi bien et tout autant que tous les autres citoyens du Québec, au restant parfaitement intégrées, au point d’adhérer au parti politique qui prône l’indépendance nationale, le français comme langue commune et la laïcité pleine et entière de l’État, que cesdites personnes n’ont pas le droit d’exprimer une opinion quant à un projet de société qui n’est pas traditionnel, et qu’elles devraient s’exclure d’elles-mêmes du débat public.

7402 de mes compatriotes pensent, comme le maire Tremblay, que, «nous les mous, les Canadiens français, on va se faire dicter comment se comporter, comment respecter notre culture par une personne qui arrive d'Algérie… On n'est même pas capable de prononcer son nom… Je n'aime pas que ces gens-là (les immigrants) arrivent ici puis établissent leurs règles… Ils vont faire disparaître la religion et notre culture de partout.» Le maire a déliré ; il a pris la défense du catholicisme par un appel à peine déguisé à la haine et à l’exclusion, et c’est ce qui reste, dans l’espace public, l’exclusion, la haine, sans ouverture à l’autre et à l’échange de vues. N’importe quel peuple sur Terre, et le nôtre aussi, bien entendu, peut s’expliquer avec ses nouveaux arrivants, insister sur les valeurs fondamentales qui sont les siennes. C’est ce que propose de faire la Charte de la laïcité. Mais rendons-nous bien compte que nombre des 7402 électeurs québécois qui, aujourd’hui, ce soir, appuient les inepties du maire Tremblay ne veulent pas promouvoir des principes essentiels; ils dénoncent qu’une candidate issue de l’immigration ait des principes essentiels, ils martèlent un racisme enfin libéré, un rejet de l’immigration en tant que telle, contents de pouvoir enfin soulager la peur de l’autre qui peut tous nous habiter, et qui fait d’affreux ravages quand on n’y prend pas garde. Ce qu’a dit le maire, c’est petit, c’est médiocre, c’est en fait scandaleux. Quant au sondage de la Cyberpresse, il n’a bien sûr rien de scientifique. Mais j'aimerais quand même, ce soir, habiter Trois-Rivières, et pouvoir contribuer, par mon vote, à donner à la candidate péquiste d’origine algérienne une victoire telle que les connards sectaires, crédules, intolérants, s’écrasent à tout jamais. Je rêve, mais j'espère quand même.

Ce n’est pas d’hier que dès qu'on «touche» au crucifix, au Québec, on mobilise une droite réactionnaire qui, souvent, ne pratique plus aucune religion, mais qui, hurlant et criant au sacrilège, préserve l’orthodoxie sociale et  trouve par là un moyen parfaitement cynique de canaliser les sentiments populaciers les plus immondes, à ras de terre. C'est la même droite qui applaudissait Camil Samson, lui qui déplorait qu'on sorte le crucifix des écoles. C'est la même droite qui a manifesté contre les Fées ont soif, devant le TNM, en 1979, et qui s'est prolongée dans le mouvement des Yvettes, lors du référendum de 1980. C’est le même conservatisme social, braqué depuis longtemps contre la révolution sexuelle et la révolution féministe, qui persuadait la même droite de refuser (criminellement) les pubs de santé publique exhortant de toute urgence à utiliser des condoms lors de rapports sexuels, à l'époque où Mme Thérèse Lavoie-Roux, ancienne commissaire d’école catholique, était ministre de la Santé. Ce sont les tenants de la même droite qui animent les radios poubelle, qui cultivent le maire et les gens qui pensent comme lui.

Il y a aussi, dans cette affaire du crucifix, et c’est ce qui gêne le plus, de la xénophobie, et du racisme, qui s'enracinent parfois dans la simple ignorance des autres (c'est très certainement le cas du maire Tremblay, qui, ne sachant prononcer le nom de Mme Benhabib, avoue du même coup qu'il ne l'a jamais lue). Voilà que ce soir, un ministre libéral du coin, je veux dire du Saguenay, soutient le maire, applaudit, c’est lui qui le dit, à des positions courageuses. Il y a certainement (à n'en pas douter) de la partisanerie politique dans les réponses au sondage de la Cyberpresse, qui saute sur l'occasion pour déstabiliser le Parti québécois et promouvoir d'autres partis semblant mieux «sauver» le Québec traditionnel contre les «immigrés». L'ADQ avait joué cette carte, à fond, aux élections partielles et générales de 2008. On peut imaginer que bien des personnes qui ont cliqué leur accord avec le maire Tremblay ont fait le geste pour nuire au Parti québécois, tout simplement - mais sans conscience.

S’il n’y avait pas, en triste supplément, les défenseurs du patrimoine pour tout confondre, pour amalgamer la laïcité de l'État avec la destruction des églises ! Faut le faire ! J'ai des amis, intelligents, athées, qui sont favorables au maintien du crucifix à l'Assemblée nationale, que pour cette raison, le patrimoine – raison à mon avis aberrante, puisqu'un crucifix, ça se déplace, ça se range, ça se conserve dans un musée. Quand, en 1977, le gouvernement péquiste de René Lévesque a décidé d'abolir la prière à l'Assemblée nationale, ça a crié, du côté des banquettes libérales, et c'était, à les entendre, un vrai scandale, l’œuvre d’un mécréant; plus personne, depuis, ne conteste le « moment de recueillement », parfaitement neutre. J'en ai assez, vraiment assez, de ces histoires à n'en plus finir pour ce qui n'existe même pas, ni comme un vieux Monsieur à barbe, ni comme une Chose flottant dans les Cieux, ni comme une Entité créatrice, qui nous surveillerait du Très-Haut, qui dicterait ses désirs et ses ordres, qui froncerait du sourcil quand les Benhabib de ce monde osent parler de laïcité, un Dieu qui prônerait une morale écrasante, sexuelle, vestimentaire, une parade graduée comme une échelle, allant du meilleur jusqu'au pire, avec l'enfer au bout du compte, divinement calculé. Contre l'offensive catholique intégriste de Mgr Ouellet, sur laquelle s'aligne le maire Tremblay, il y a la science, la NASA, la modernité, l'évidence. On s'en sortira, de cette hypocrisie, quand les athées, les non-pratiquants, cesseront de faire baptiser leurs enfants, et de magnifier leurs morts à l'église. On s'en sortira quand les athées, et les non-croyants cesseront de se demander, torturés et parfaitement ridicules, si on doit, après les écoles, sortir le crucifix de l'Assemblée nationale. Qu'on le sorte, bon dieu, et qu'on le mette au musée du Québec, souvenir malheureux de la Grande Noirceur qui se prolonge, encore, jusqu'à maintenant, dans la Grande Imbécillité.

Du bien, dans toute cette sale affaire ? Oui. Un pas de plus vers la laïcité complète de l'État, à l'encontre de ce que prescrit pourtant, terriblement arriérée, la constitution canadienne, qui reconnaît, sans blague aucune, la « suprématie de Dieu ». Et, peut-être, une sensibilité nouvelle, de nos compatriotes des communautés culturelles, vers le Parti québécois, qui n'a jamais été, tant s'en faut, leur persécuteur ou leur ennemi.






mardi 19 juillet 2011

DIRE LA MORT


Rembrandt, La leçon d'anatomie, 1632



Gustave Flaubert a mis des années ( cinq ans, pour être exact ) à écrire Madame Bovary. Il n'écrivait pas plus que quelques lignes par jour, sur lesquelles il bûchait, trimait, travaillait comme un forçat. J'imagine qu'il y a donc mis le temps pour saisir, en une seule phrase, sa conviction profonde quant à la mort:

« Il y a toujours après la mort de quelqu'un comme une stupéfaction qui se dégage, tant il est difficile de comprendre cette survenue du néant et de se résigner à y croire. »

C'est là une des phrases les plus fortes que j'ai lues sur cette question terrible qu'est la mort, et sur la croyance en la faillite irrévocable du sens, de la conscience et du temps. Flaubert a renouvelé ma foi.




vendredi 11 mars 2011

TREMBLEMENT DE TERRE, Lisbonne, 1755





Lisbonne, le tremblement de terre, les incendies, le tsunami ( 1er novembre 1755 )



Lisbonne, deux illustrations du tsunami



Les événements tragiques qui, littéralement, secouent le Japon depuis 24 heures m'ont rappelé un tremblement de terre célèbre, affreux, point tournant de l'histoire et de la pensée modernes.
En 1755, Lisbonne était soulevée, détruite, incendiée, assassinée par un tremblement de terre majeur, suivi d'un tsunami qui a achevé de détruire la ville. Dans les heures qui ont suivi, les côtes atlantiques ont toutes été atteintes. Le Maroc a été particulièrement touché. Un peu plus tard, les vagues se jetaient même sur les côtes américaines.

On croyait en Dieu, à l'époque, un Dieu responsable de tout, et du bien en toutes choses, toujours.

Lisbonne a jeté un doute radical quant au plan et à l'oeil de Dieu.
En fait, le malheur de Lisbonne a fortement contribué à l'essor de la pensée critique, scientifique, rationnelle, et certainement, comme c'est le cas dans ce célèbre poème de Voltaire, de la pensée humaniste.
Dieu n'y peut rien, c'est à l'homme de voir à la bonté du monde...


Lisbonne: les camps de réfugiés, les pendaisons de pillards

Voltaire, Poème sur le désastre de Lisbonne, 1756, Extraits:

O malheureux mortels! ô terre déplorable!
O de tous les mortels assemblage effroyable!
D'inutiles douleurs éternel entretien!
Philosophes trompés qui criez: « Tout est bien »
Accourez, contemplez ces ruines affreuses
Ces débris, ces lambeaux, ces cendres malheureuses,
Ces femmes, ces enfants l'un sur l'autre entassés,
Sous ces marbres rompus ces membres dispersés;
Cent mille infortunés que la terre dévore,
Qui, sanglants, déchirés, et palpitants encore,
Enterrés sous leurs toits, terminent sans secours
Dans l'horreur des tourments leurs lamentables jours!
Aux cris demi-formés de leurs voix expirantes,
Au spectacle effrayant de leurs cendres fumantes,
Direz-vous: "C'est l'effet des éternelles lois
Qui d'un Dieu libre et bon nécessitent le choix"?
Direz-vous, en voyant cet amas de victimes:
"Dieu s'est vengé, leur mort est le prix de leurs crimes"?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants?

Il me manquera pas, j'en suis sûr, d'idiots en tout genre pour encore une fois, invoquer nos péchés, nos crimes, nos fautes, et la colère conséquente de Dieu pour tout expliquer ce qui ravage et ce qui tue. Dans les jours qui viennent, ne manquons pas d'écouter attentivement Mme Sarah Palin et consorts.