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vendredi 11 mai 2012

LA MACHINE À FAIRE DES RICHES




1789: la noblesse ( et le clergé ) écrasent l'immense majorité du peuple français. L'injustice était largement fiscale...



Le prof Léo-Paul Lauzon a écrit un article de blogue, le 7 mai dernier, il y a donc quelques jours à peine, que je ne peux m'empêcher de commenter, tant le prof dit exact et vrai. Je reproduis tels quels de larges extraits du texte de M. Lauzon. Ce qui est en italique, et entre crochets, c'est mon petit délire personnel, mes convictions à moi. J'imagine que M. Lauzon ne s'offusquera pas que je me sois servi de son billet: l'intention est très pédagogique, et enseigne, modestement, comment faire une analyse de texte. Profitons de ces temps de grève pour s'instruire encore ! Je resterai prof à vie, j'imagine !

Transcontinental est une importante entreprise québécoise fort présente dans l’imprimerie, dans les journaux et hebdos régionaux, et aussi propriétaire du journal Les Affaires, média qui sert de courroie de transmission à la classe dominante. 

[ La classe dominante, faut-il le rappeler, ce sont des hommes et des femmes, mais qui ont cette chance particulière, ce mérite singulier de pouvoir jouir à l'infini des délices de la vie, et qui n'ont aucune intention, aucune, que ça ne s'arrête, jamais. Pourquoi se priver, quand on a la bonne fortune d'être uniques, exclusifs, et de se régaler d'autant plus que, ce qu'on a, l'immense majorité ne peut qu'en rêver ? Tout le plaisir de la vie vient de là, justement. Ce qu'on a, on ne l'a pas volé ! La classe dominante a là-dessus la conscience nette et tranquille. Elle ne s'inquiète pas du tout des quelques truands qu'on va sacrifier à la Commission Charbonneau. Le bûcher va faire quelque fumée, les sauvages vont s'en réjouir: on aura sacrifié à la jalousie des plus incapables, ces braillards bougons toujours insatisfaits. On les aura dupés, une fois de plus. Ça ne sentira que meilleur ensuite.  ]
  
[ Or donc les journalistes de Les Affaires ] sont évidemment favorables à la privatisation des services sociaux, de nos sociétés d’État et de nos ressources naturelles et [ sont ] enfin partisans du principe de l’utilisateur-payeur, donc de hausses substantielles dans les frais de scolarité à l’université [ sans oublier ...] les garderies, le transport en commun, les autoroutes et les ponts, les frais dits « modérateurs » en santé, l’eau et l’électricité, etc. Ils préconisent ces mesures fiscales et régressives au nom du principe que chacun doit faire sa juste part, expression chère aux libéraux par les temps qui courent. 

[ Sa « juste part », notez-le bien, veut dire, ici, que ces messieurs-dames des beaux quartiers, qui se marient entre eux, fréquentent les mêmes restos et les mêmes clubs sélects, privés comme de juste, paient plus que la part qui leur est convenable pour fournir au trésor public. Ils le répètent souvent. Le gouvernement le confirme: 40 % du fric public provient de celles et ceux qui gagnent plus de cent mille dollars par année. C'est la vérité vraie, Dieu en est témoin. Il n'y en a pas d'autres. Et pourtant... ]

[ Et pourtant, imaginez-vous donc que ] on vient d’apprendre que la compagnie mère Transcontinental, qui réalise des profits de plus de 100 millions $ chaque année, ne paiera pas d’impôts sur le revenu, ni au fédéral, ni au Québec au cours des deux prochaines années. Tout simplement merveilleux en termes de création de richesse pour une minorité et de [ création de ] pauvreté pour la majorité. 

[ Merveilleux ! Le paradis existe, c'en est la preuve, seulement il est ici bas, sur Terre, et ces gens l'ont compris depuis longtemps. Quel bonheur de voir ce bon peuple se fanatiser de religion, s'entredéchirer pour comprendre, au mieux, la volonté « divine » suprafiscale ! Pendant que les crétins de la classe moyenne, pendant que les travailleurs du secteur primaire à nouveau en expansion, discutent de halal, de mariage gai, d'avortement, de guerre sainte, d'attentats-suicide et de paradis pour les justes, les gens de bien leur en passent une belle, encore une fois ! ]

Comment ?

Grâce à l’utilisation de pertes fiscales acquises d’autres compagnies, un subterfuge fiscal condamné récemment par l’OCDE et qui, en 2000 seulement, aurait occasionné des pertes fiscales pour les gouvernements de plusieurs milliards$. Seulement en mettant fin à cette arnaque (...) abusive des pertes fiscales reportées, on pourrait financer adéquatement nos services publics, rendre gratuites les études universitaires, réduire la dette publique et éliminer les déficits gouvernementaux. 

[ Oui, mais voilà, pourquoi ferait-on un acte d'altruisme social aussi insensé, se demandent les profiteurs de la classe dominante, alors que la dette et les déficits sont incroyablement rentables, pour nous, de la classe dominante ? C'est admirable ! On ne paie pas les impôts qui seraient nécessaires au bien commun, et la dette nous rapporte le double, le triple, le quadruple de ce qu'on y a investi ! ]

Une petite dernière ? En 2010, Rémi Marcoux, le propriétaire de Transcontinental vend pour 58 millions d’actions de sa compagnie, comme beaucoup d’autres le font, et ne paie aucun impôt sur ce gain de plusieurs millions grâce à l’utilisation d’une autre échappatoire fiscale que sont les fiducies familiales et les instruments financiers dérivés. Qui va payer à la place de monsieur Marcoux le financement public de nos services sociaux, notamment l’éducation, je vous le demande ?

[ Ben les crétins ! Et à court terme, les étudiants universitaires ! Surtout celles et ceux en arts, et en sciences humaines, qui déjà paient pour celles et ceux qui auront par la suite les plus gros salaires ! Ce que c’est fantastique, le monde, quand même, quand on y pense sérieusement: on ne cesse de s'étonner de comment ça marche ! ]
  
Il serait pertinent (c’est juste une suggestion) que [ les journalistes de Les Affaires ] épiloguent sur les notions d’équité, de justice sociale, de juste part fiscale, de bien commun, de responsabilité sociale, etc. en prenant comme exemple des faits réels qu’ils connaissent bien : leur employeur, Transcontinental et leur boss Rémi Marcoux. Cela pourrait faire l’objet d’un vrai débat auquel je suis impatient de participer afin de mieux informer la population sur la véritable nature des corporations et des gens riches et célèbres. Assuré que Richard Martineau à LCN jubilerait à l’idée d’un tel échange.








samedi 5 mai 2012

GRÈVE PERDUE, VICTOIRE (NÉO)-LIBÉRALE


( Source inconnue de l'image: désolé ! )



Douze semaines de grève, menée par des étudiants magnifiques, mais profondément divisés, et dont le mouvement de contestation, pour spectaculaire qu'il ait été, s'épuisait, de toute évidence, fatigué par son propre effort, trop long sans rien gagner, ruiné devant l'opinion publique par quelques militants extrémistes qui ont ravagé le rapport de force à coups de briques, de pierres, de boules de billard, de bâtons, de masques, de provocation policière et de folie.

Douze semaines de grève pour aboutir à une entente dont seuls, seuls l'État et le Parti libéral du Québec, sortent gagnants. 

C'en est fait, à tout jamais, des droits de scolarité à bon compte, qui ont permis le formidable rattrapage scolaire que le Québec a accompli depuis plus de 40 ans. C'en est fait, en tout cas le risque est gros, de la mixité sociale en milieu scolaire, particulièrement universitaire. Les droits de scolarité font un bond spectaculaire, dès la session d'automne 2012. On ne reviendra jamais en arrière. Même le Parti québécois, dans l'hypothèse peu probable de sa victoire majoritaire aux prochaines élections générales, ne pourra annuler la hausse de ces droits, puisque le mouvement étudiant vient de les accepter, comme d'une réalité désormais permanente, irréversible, du financement des universités québécoises.

Acceptation en échange de quoi, au juste ? D'une sorte de moratoire sans le nom ( ce qui enlève tout crédit à la proposition péquiste de « moratoire », et il n’y a pas à dire là-dessus, les négociateurs gouvernementaux l'ont eue, l'affaire ! ), pour une session seulement, de ce qu'on appelle les droits afférents — les droits à payer pour les équipements sportifs, les photocopieuses et le papier à imprimerie, ce genre de truc, — droits que les étudiants n'ont la garantie de leur suspension que pour une session seulement, qu'une seule session, la prochaine.  Par après ? On verra, on verra sur ce qu'on peut économiser des dépenses somptuaires des universités. Qui peut croire qu'il y a là quoi que ce soit d'une résolution au conflit, qui était éminemment moral, parce qu'il portait sur le principe fondamental de la démocratie scolaire ? Tout le monde sait parfaitement, en milieu collégial, que les droits afférents sont depuis toujours un moyen détourné pour augmenter les droits de scolarité, sans qu'il semble qu'on remette en question le principe de la gratuité scolaire.

Alors, alors, comment expliquer que les combattants magnifiques aient accepté une pareille entente, qui consolide la hausse des droits de scolarité sur 7 ans, plutôt que 5, même compensée par un régime de prêts et bourses légèrement plus généreux, régime qui sera vite piégé par un relèvement, d'ici deux ans, trois ans, des droits afférents ? 

Parce que ces jeunes hommes, cette jeune femme, n'avaient plus le choix. Parce que le conflit s'éternisait, devant une opinion publique largement indifférente, quand elle ne devenait pas franchement hostile. Parce que le gouvernement a été le plus tenace, le plus manipulateur, et le plus fort, lui qui n'avait pas, soir après soir, à marcher dans les rues sous la menace d'une intervention policière. Parce que sous la pression, inouïe, de toute la société civile, les leaders étudiants ont cédé. Qu'aurait-on fait à leur place ? Nous sommes en économie néo-libérale. Nous sommes en période préélectorale. Nous sommes loin, archi loin, de toute révolution.

Ce qui restera, c'est le souvenir d'une crise sociale majeure. Ce qui restera, c'est le souvenir d'une jeunesse extraordinairement brillante, d'une élévation morale exemplaire. Mais ce qui restera, aussi, ce sont des droits de scolarité universitaires désormais très élevés, privilégiant une élite, qui déjà bénéficie d'un réseau privé d'enseignement que le bon peuple subventionne à hauteur de 80 %. ( Le réseau de la santé attend son tour ! Beaux revenus, belles cliniques, pour le beau monde ! )

La grève est tragiquement perdue. Mais je ne crois pas, honnêtement, qu'il aurait pu en être autrement. Sauf la violence, la casse, les blessés, les consciences meurtries, les jeux étaient faits d'avance, tout comme ça l'était fait, pour les Indiens, à qui on promettait naguère leurs droits pour aussi longtemps que couleraient les rivières.