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mardi 3 juin 2014

MERCI À VOUS






Fabuleux cadeau de la vie: un collègue de travail m’exprime sa gratitude, dans le cadre de la campagne Merci à vous, lancée récemment par la CSN. Je vois ça, lis ça, m’étrangle (presque) sous l’émotion ! Et j’entends Édith Piaf qui chante: Non, rien de rien, non, je ne regrette rien… (si ce n’est de ne pas en avoir fait davantage encore, quand il le fallait). Merci, mille fois, François ! Il y a de ces prix qui valent bien toutes les médailles du monde.

Formidable idée, que celle de lancer un vaste mouvement de reconnaissance, adressée à celles et ceux qui, travailleurs de la fonction publique, rendent tous les jours les services indispensables à la population, souvent avec passion, et toujours dans l’ombre. C’est une initiative exceptionnelle, qui renverse ce qu’il y a d’odieux dans la prétendue sociale démocratie, où ce sont invariablement les petits pouvoirs, «patrons», «cadres» et autres personnes en quête d’autorité contraignante (et «neutre», comme de juste !) qui s’autocongratulent, se récompensent, se promettent de lucratives carrières, sans jamais mettre les pieds (par exemple) dans une classe, ou dans un bloc opératoire.

Je rêve du jour où le modèle de démocratie directe, mise de l’avant par l’ASSÉ, remplacera cette incroyable absence de gouvernement démocratique qui caractérise l’administration de nos services publics.

Nous n’en sommes pas encore là, tant s’en faut !

Les négociations des conventions collectives sont indispensables, bien sûr, incontournable (et très, très difficile) marche avant vers la démocratie sociale. Mais ce sont d’habituelles équipes spécialisées qui font l’essentiel du travail, sans compter que, depuis 1983 (l’année des fameux décrets du gouvernement Lévesque), les négos s’achèvent la plupart du temps par quelque loi spéciale — et une intoxication médiatique dirigée contre les employés de l’État.

Mais on peut donner du pouvoir à celles et ceux qui fournissent les services publics: commencer par leur dire merci, directement, parfois en les identifiant, les reconnaître pour ce qu’ils font, pour l’indispensabilité de ce qu’ils accomplissent, jour après jour, c’est déjà leur donner un certain pouvoir sur le travail même qu’ils effectuent. La valeur reconnue par les pairs, le mérite avéré par celles et ceux qui bénéficient de la fonction publique, seront toujours immensément plus gratifiants qu’une montre ou un chandelier offerts à petit budget, à chaque vingt ans de carrière !

Dire merci, c’est exercer un fantastique contre-pouvoir. 


Merci, François. Cette photo, ton sourire, ton message, c’est trop exceptionnel pour que je laisse passer ce moment de bonheur, sans souligner, publiquement, la chance que j’ai qu’un collègue, et pas n’importe quel, ait pensé à moi.





mardi 8 avril 2014

RECUL






Les puissances d’argent du statu quo — le fric, les cabinets d’avocats et les cabinets comptables, les CA des banques et des grandes entreprises, qui se scandaliseraient si peu d’un petit compte bancaire à la dérobée, pour le nouveau premier ministre, quel qu’il soit, pourvu qu’il ne soit pas péquiste, ont eu ce soir le résultat qu’ils espéraient.


Et la plupart des tuteurs traditionnels de notre peuple — les entreprises de presse, et plus encore, ces nouveaux prêtres que sont les journalistes, qui discourent et moralisent, qui veillent à la rectitude de l’État, à la platitude de ses politiques, à la honte du soi collectif si savamment entretenue par une certaine gauche qui dicte la pensée convenable, tout en se drapant d’un supposé dieu de la révolution, soutenu avec les arguments mêmes du néolibéralisme, — ces curateurs de notre peuple ont eu ce soir le résultat qu’ils espéraient.


Bien sûr, les médiocres, à la pensée courte, qui se vautrent depuis toujours dans la vulgarité, l’insulte et le mépris, ceux-là réclameront la victoire libérale et la belle performance de la CAQ comme étant les leurs: ce sont eux, les premiers, qui ont hurlé de rire et de condescendance parce que la première ministre Marois, — Pauline, Popo, la reine Marois, — parlait mal l’anglais, alors que pour cette fange, la valeur première, bien sûr, est de parler la langue du dominant sans accent.

Tous ces notables de droite et de gauche, populistes, installés, dédaigneux de ce petit peuple facilement raciste si on le laisse s’égarer, tous ces gens qui «savent», ont obtenu la réaction qu’ils espéraient, le recul vers le PLQ, plutôt qu’un changement vers la modernité et vers l’audace, pour lequel Mme Marois et son équipe ont travaillé comme jamais, pour ce progressisme réaliste, et surtout, pour cette Charte de la laïcité, qui allait ouvrir un espace de liberté et d’égalité totalement inédit dans notre société.

Cette défaite n’a aucunement l’air d’une victoire, pas même morale; c’est une invitation à rester chez soi; c’est avoir peur des meilleurs d’entre nous, peur sciemment entretenue, qui a profondément colonisé notre culture collective depuis très, très longtemps; mais c’est aussi une incitation à jouir de la vie, à n’espérer la richesse que pour soi. Ce qui a gagné ce soir, c’est le Canada, et c’est la «suprématie de Dieu». Ce ne sont ni mon pays ni mes convictions. C’est l’impuissance, et c’est le ridicule qui humilie et qui tue. 




P.-S. (1) Je me suis inspiré, pour la colère et pour le rythme, des tout premiers mots de la déclaration de René Lévesque, en avril 1970, après la lourde défaite électorale de son parti. Ces mots avaient été repris dans le manifeste du Front de libération du Québec, en octobre 1970.

P.-S. (2) Pour mes lecteurs français, il faut savoir qu’aux élections générales du 7 avril 2014, le gouvernement souverainiste du Parti québécois, de centre-gauche, a subi une lourde défaite, y compris pour la première ministre elle-même, battue dans sa propre circonscription électorale. Cette défaite était prévisible, non pas tant de par les erreurs du gouvernement, que par la volonté délibérée (voulue, souhaitée, et qui sera célébrée) de défaire ce gouvernement aux urnes, et de se débarrasser des éléments de modernité et de solidarité de son programme. Autrement dit, le Québec vient d’être traversé par une vague de droite que la France, je crois, connait bien.


N.B:
Ce texte, vibrant, bouleversant, vaut la lecture:
http://exilinterieur.blogspot.ca/2014/04/merci-madame-marois.html 





mardi 2 avril 2013

RIEN N'EST JAMAIS ACQUIS, PAS MÊME L'ÉGALITÉ


Source: Stop Homophobie



Ce qui se passe en France (et aux États-Unis), en lutte contre le mariage pour tous, a réveillé la haine, même ici, au Québec, et certainement ailleurs dans le monde. La droite française flirte avec les pires souvenirs historiques qui soient, et emprunte, sans gêne aucune, les méthodes et autres arguments habituellement associés à la gauche quand elle exprime sa colère: la protestation de masse, dans la rue, au nom du peuple exploité et trompé, du peuple qui rompt le silence résigné, s'échappe et gronde enfin, qui s'empare des moyens de défense ultimes qui lui restent, la violence urbaine, la confrontation avec les forces de l'ordre, le dénigrement de l'État, les appels à la démission, et bien sûr, la dénonciation des grands médias, décriés comme merdias, par collusion avec le pouvoir...

Ça ne nous rappelle pas, à nous Québécois, quelque chose de très récent, dites ?

Je veux bien que l'aliénation nourrisse la colère, même quand elle dérive à droite toute: on a assez dit, avec raison, que l'islamisme avait remplacé le marxisme. Hugo Chavez, que j'aimais tant, avait bien compris le phénomène, pour lui simple accident de l'Histoire, parenthèse philosophique sans conséquence sur la révolution à venir, inévitable. Il n'était pas le seul. Des collègues historiens ont eu cette analyse, ont tenu ce discours de connivence. Il y a pourtant à réfléchir, désormais, sur la parenté des façons de faire, entre gauche et droite. Ce n'est pas la première fois, dans l'histoire contemporaine, que cette équivalence délibérée devient manifeste, et fière de ce qu'elle fait. Et il y a certainement une responsabilité à y avoir, à gauche, quand on justifie si facilement l'action de la rue, l'agitation-propagande, et l'insubordination, parce que la méthode peut se retourner, terriblement, contre les idéaux les plus équitables, et les plus nobles. Ce qui se passe en France est un dérapage grave, qui pourrait tout aussi bien arriver aux États-Unis (où la droite se travestit en Tea Party, s’approprie du souvenir révolutionnaire, et autorise, du coup, l'expression possible d'une violence réactionnaire), ailleurs en Europe ou au Proche-Orient, ici même au Québec. En France, la droite ne résiste plus aux appels extrémistes. Et elle a le culot de parler du «printemps français». Le printemps français ! Contre François Hollande ! On croit rêver. Rien n'est jamais acquis à l'Homme, disait Aragon. Il semble, en effet.

La haine me fait peur. Il arrive, parfois, qu'elle s'enorgueillisse de s'exprimer «librement», d'autant plus que, même en 2013, peu de personnes se risquent à protester contre le rejet agressif des minorités sexuelles, de crainte d'être perçues comme sexuellement équivoques. Eh, t'es pas pédé, toi ? Tu serais pas un hostie de fif ?... Le droit à l'égalité face au mariage, c'est en fait le droit à l'égalité en soi, et le droit de se dire, également, pour tous. C'est ce que les opposants ont parfaitement saisi, d'où la haine, visqueuse, qui se répand. Qu'arrivera-t-il, quand la haine en prendra plus large encore, et que la droite, par dizaine de milliers, dans la rue, gonflée à bloc par ce qu'elle verra comme un combat héroïque, élargira son cercle d'ennemis ?

Rien n'est jamais acquis. Pas même l'égalité en droit. Pas même la démocratie. C'est à la gauche d'y voir, et de mesurer les effets, à terme, de sa logistique habituelle.






samedi 14 juillet 2012

QUATORZE JUILLET: À PROPOS D'ÉGALITÉ ET DE JUSTICE



Camille Desmoulins, soulevant le peuple de Paris, juillet 1789


Peu d’événements sont aussi historiquement significatifs que la prise de la Bastille, à Paris, le 14 juillet 1789. Camille Desmoulins, alerté, incandescent, qui est à l’origine directe de l’événement, en restera à jamais célèbre. En 1789, il n’avait que 29 ans. Il mourra, guillotiné, à 34 ans. Entretemps, il n’aura de cesse de rappeler l’événement, de s’honorer du succès impensable d’un soulèvement populaire qu’il avait puissamment contribué à déchaîner. « À la lanterne », les ennemis du peuple ! Mais ce qui a rendu la « journée » possible, bien davantage que le verbe brillant de Desmoulins, c’est le refus des soldats, stationnés aux Invalides, de réprimer à coups de fusils et de canons le peuple de Paris réclamant des armes, sûr que le Roi concentrait des troupes, les dirigeait vers la capitale, allait réprimer dans le sang les débuts encore fragiles de la Révolution. Une autre révolution, celle de février 1917, a réussi parce que l’armée a là aussi refusé d’obéir aux ordres, a même fraternisé, massivement, avec le peuple de Saint-Pétersbourg, affamé, épuisé, soulevé contre la tyrannie tsariste.

Je me rappelle encore de manifestations où l’on criait, naïvement, en l’espérant sans vraiment y croire : « Policiers, dans la rue ! », tant la défection massive des forces de l’ordre, et leur ralliement à la cause de l’insurrection, sont restés dans la légende magnifiée des grandes révolutions, devenus référence incontournable des insurrections victorieuses de 1789 ou de 1917.

Il s’en faut encore, et de beaucoup, que les policiers de Montréal descendent dans la rue, autrement que pour contrôler, réprimer, pourchasser des manifestants ! Et pourtant, la situation actuelle, pour ce qui est de l’écart scandaleux des fortunes, comme de la faillite des finances publiques, rappelle étrangement la situation française de 1789. Même le « château » de Sagard, absurde caricature d’Ancien Régime, est devenu, tout récemment, une sorte de nouveau « Versailles », lieu de Cour d’une élite qui jouit des plaisirs et des privilèges de la classe dominante. Les grandes fortunes états-uniennes se montrent, s’étalent au grand public, n’ont jamais honte d’elles-mêmes, se jouent du système fiscal sans que ça n’embête vraiment la foule des curieux admiratifs ; ici, l’argent se dérobe aux regards critiques, ou moqueurs, l’argent corrompt au noir, et en lieu sûr… Sagard se cache au fin fond d’une forêt immense, d’un parc sans fin. Se cacher, c’est aussi maintenir dans l’ignorance, et dieu sait que cette stratégie de l’obscurantisme a su, ici, tenir le joug depuis belle lurette... Les Québécois, comme les Français, préfèrent l’égalité à la liberté, surtout quand il s’agit d’une liberté qui prône les valeurs parfaitement immorales du néolibéralisme. Mais l’égalité, au pays de l’école républicaine comme au Québec, c’est d’abord dans l’accès à l’éducation laïque, gratuite et universelle qu’elle trouve son principe essentiel.

On a longtemps dit, et cru que la Révolution française avait peu marqué le Québec, nourri bien au contraire de contre-révolution. À considérer les jours actuels, et ce qui marque depuis toujours la culture populaire québécoise, à qui on reproche de « ne pas aimer les riches », on peut douter de cette certitude, répétée mille fois, que le Québec ne doit rien à la Révolution ; il faudrait refaire nos leçons d’Histoire ; il faudrait se rappeler que nous descendons de Français qui déjà, avant même 1789, se soulevaient contre les impôts, les privilèges, et le mépris des bien nés. « La liberté ne va pas sans la justice », disait Desmoulins. Cette assertion a traversé l’Atlantique ; elle est, je crois, au cœur des convictions primordiales du peuple québécois.
Bonne fête nationale à la France, à qui on doit tant.





Sagard
Source: http://socioeconomie.wordpress.com/2012/05/30/charest-et-sarkozy-desmarais-le-plus-riche-des-milliardaires-quebecois/









jeudi 27 octobre 2011

TEMPS D'ALIÉNATION

 Source: Archives publiques du Canada

De loin ( de Paris, accroché à un temps de printemps qui persiste ), je ne lis que très épisodiquement les nouvelles en provenance du Québec.

Mais il y a deux choses qui m'étonnent quand j'y jette un œil, parce qu'elles sont récurrentes, toujours, ce qui ne veut pas dire résiliantes, tant s'en faut. Ça me semble plutôt malsain, pour tout dire.

M. Charest n'apparait plus du tout capable de décision, non pas juste et équitable - ce qui est toujours complexe - mais plus simplement évidente et consensuelle. Il n'a plus le sens politique. Tout se passe comme s'il ne comprenait plus rien, qu'il perdait ses repères, qu'il était carrément confus. La chose est franchement inquiétante. C'est le premier ministre.

Mme Marois s'accroche, se bat et se débat, dans un combat dont l'issue n'intéresse plus personne, tant le knock-out semble inévitable. Pourquoi ne part-elle pas ? Sa résistance n'a plus rien d'héroïque, même si elle semble s'appuyer sur la loyauté et l'honneur d'un dernier carré de fidèles; cette volonté de durer à tout prix devient franchement avilissante, pour elle, pour ses proches, pour la cause à laquelle elle croit. Et pourtant, ce n'est quand même pas de sa faute si les Québécois ont, le 2 mai dernier, tourné la page, et renoncé, une fois pour toutes, à leur propre liberté collective. 

L'effondrement du mouvement souverainiste trouve son explication dans des strates historiques bien plus significatives que la personnalité de Mme Marois elle-même. La loi 101 a beaucoup fait pour casser la dynamique indépendantiste. La Charte fédérale de 1982, et le renversement consécutif de la perception, comme du sens historique même, de l'existence de la minorité anglaise de Montréal, a fait beaucoup plus encore pour affaiblir et discréditer le mouvement de libération nationale. On s'est mis à le soupçonner d'être oppresseur, fascisant. Les Anglo-Montréalais, très combattifs, et jamais gênés de l'être, ont eu la partie belle là-dessus, drapés dans les droits et libertés de la personne, magnifiés par la Charte - on aurait presque envie de dire: la grande charte. 

L'image de Mme Marois est bien peu de choses, en regard de ces tendances lourdes, qui sont du reste plus que des tendances, mais bien des institutions. Elle n'y peut rien, ni elle, ni son successeur, ni M. Duceppe, ni Mme David, ni M. Khadir, ni même le trop brillant M. Aussant.

C'est l'Histoire qui est coupable, l'histoire qui a vu perdre M. Lévesque et gagner M. Trudeau, perdre M. Parizeau et gagner M. Chrétien. Ce n'est pas vrai que l'histoire soit juste. L'impopularité de la Cause n'est pas une indignité. Mais nier l'évidence jusqu'à l'extrême, mettant son nom propre - Pauline Marois - sur la fosse commune qui se creuse, et qui ne tient pas à elle, relève, cependant, de l'indignité la plus injuste, et la plus désolante qui soit. Partez, Mme Marois. Il n'y a pas de honte à y avoir.







POST-SCRIPTUM (  ... fait d’extraits d’interventions que j’ai écrites, ce dimanche 30 octobre, sur Google +, parlant politique avec d’autres passionnés, pas nécessairement d’accord avec mes propos. Mes arguments ne prétendent en rien - ou presque ! - à l’objectivité. Mais c’est ce que je crois, et je les reproduis ici, parce qu’ils étoffent ce que j’ai déjà écrit, dans ce billet sur ces Temps d’aliénation, il y a quelques jours. ) :

- Quant au sondage qui donne M. Duceppe gagnant contre tous ses adversaires possibles, y compris M. Legault, s’il devenait chef du Parti québécois:

« Intéressant... Mais j'y crois peu. Ce tangage de l’opinion est aussi superficiel et éphémère que le vote du 2 mai dernier. Non pas que M. Duceppe ne soit pas un politicien intègre, engagé à gauche, et fermement indépendantiste. Mais passer de Legault à Duceppe, comme ça, sur un trip, je n'y crois pas, pas plus que de passer, sur un trip, de Duceppe à Layton. C'est pas sérieux, même si les conséquences du vote du 2 mai dernier seront, elles, sérieuses. Cela aura un effet dévastateur sur les projets de société propres au Québec, entre autres et surtout sur la question nationale. Le 2 mai dernier, nos compatriotes ont congédié une des meilleures équipes parlementaires de l'histoire de la Chambre des communes. Sans raison. Sans reproche spécifique. Il y a eu l'effet « trip », bien entendu. L'effet moustache sympathique. Mais il y a eu plus profond que ça aussi. Il se peut, oui c’est possible, que Gilles Duceppe soit le prochain Premier ministre. Mais lui aussi sera prisonnier du dilemme d'être souverainiste face à une population qui a fait un choix ultime, le 2 mai dernier. Et les déchirements continueront. »

- Quant à l’avenir, pour moi douteux, du mouvement indépendantiste québécois:

... « Ouais, c'est moi qui ai parlé d'ordures et de méchants, parce que pour moi, il faut l'être pour tromper et manipuler l’électorat, entre autres avec le fric. Le comportement de l'État fédéral, en 1980 tout autant qu'en 1995, a été parfaitement odieux, illégal et immoral. Le plus grave de tout, c’est que l’État fédéral ne s’est pas gêné pour jouer avec le droit de vote lui-même, en violant sa propre loi sur la citoyenneté, et ce, à quelques jours du référendum du 30 octobre 1995.

Je pense, c’est exact, que les électeurs reconnaissent, parfois, qui leur dit vrai et porte en lui ( ou en elle ) leurs espoirs et leurs blessures. C'était certainement le cas de René Lévesque. Félix Leclerc disait qu’il avait, accusé dans les traits de son visage, toute la souffrance d'un peuple. Mais malgré tout, en ce qui concerne l'avenir du mouvement souverainiste, je n’y crois plus depuis le 2 mai dernier. ( J'en ai assez d'avoir de la peine et d'être humilié, faut dire ! ) C’est vrai que les choses ne s'évaluent correctement qu’à long terme. Le prof d'histoire que je suis ne va certainement pas nier ça. Il faudrait donc refaire l'histoire des 50 dernières années, et y déceler une constante possible, et en croissance. Mais... ( je vais me faire détester, c'est sûr, ) je n'y crois pas, je n'y crois plus. Les causes sont complexes. La Charte de 1982 a joué un rôle considérable, a donné des moyens légaux et moraux au Canada anglais, a transfiguré le rôle historique de la minorité anglo-montréalaise de façon radicale, essentielle. Et puis, je crois que les Québécois sont plus Canadiens qu'on ne le croit. Il y a de l'attachement bien réel pour ce pays qu’est le Canada. Et il y a surtout, cependant ( et ce, à mon humble, très humble avis, ) une aliénation profonde, aliénation au sens sociologique du terme, dont les causes sont multiples, et remontent à la Conquête elle-même.

Quand j'ai vu des citoyens de Louiseville, après le 2 mai, trouver leur nouvelle députée fédérale « cute » et « charmante », et qu'elle allait certainement « bien les représenter », tout cela sous l'oeil goguenard de l'ex d'Alliance-Québec Thomas Mulcair, je me suis déconnecté de mon rêve, irréversiblement, définitivement. Cette niaiserie collective, cette absence d'engagement réel, qui persiste et dure, ce n'est pas la faute de Mme Marois si ça se réalise finalement comme ça, en 2011. Mme David elle-même n'y pourrait rien. La faute, s’il en est une, elle est le fait de nos compatriotes qui ne veulent plus de leur libération nationale. Nous ne sommes vraiment pas les Irlandais, ni même les Américains de 1776.

Et pourtant, nous aurions tant à gagner de notre libération collective, ne serait-ce qu'au niveau du décrochage scolaire des garçons, par exemple.

Nous préférons Céline, Las Vegas, le fric, les torrents de paires de souliers. Ce n'est pas simplement de la manipulation. C'est aussi notre choix, notre identité. »


- Quant au suffrage universel, et ce qu’on en fait, au Québec, allègrement:

« Bien sûr que les électeurs peuvent se tromper. Bien sûr que les électeurs peuvent avoir tort. Affirmer que les électeurs ne se trompent, par essence, jamais, est une grossière illusion narcissique. Rappelons-nous ( je prends un exemple extrême ) janvier 1933. Il y a de nombreuses études historiques, bien faites, qui montrent à quel point le suffrage universel a été dénaturé et perverti, et cela, dès le 19ème siècle. Quand Madison, dans les Federalist Papers, disait à ses contemporains de ne pas redouter le suffrage universel, parce qu'il masquerait, grâce à l’aveuglement partisan, les intérêts bien réels qui se jouent et se révèlent au cours d’une élection, je crois qu'il avait parfaitement raison, et les cousus d’or de l’époque l’ont parfaitement compris. Il ne faut pas voter avec son coeur. Encore moins avec son instinct. Il faut voter pour ses intérêts ( de classe, de catégories d'âge, de régions, de sous-groupes, de nation, et que sais-je... ). Mais les électeurs, partout en Occident, et sauf de rares exceptions, ont rapidement cessé de voter en fonction de leurs intérêts. Ils votent, conditionnés par des machines bien huilées qui parviennent à leur faire considérer comme « ennemis » leurs propres compatriotes, de nation, ou de classe. C'est triste, mais c'est comme ça, et c’est voulu comme ça. Madison avait bien vu.

Le droit de vote va avec des obligations, non seulement de voter comme tel, mais de se renseigner, au-delà des images et des impressions. Il y a un devoir d'électeur. Si l'électeur vote sur un trip, pour « essayer autre chose », parce qu'il ou elle est sympa, parce qu'il ou elle a une face à claque, alors ça ne vaut pas la peine de voter. Et bien sûr, les puissants, les établis, les vrais détenteurs de pouvoir rigolent de ce bon peuple qui vote sans sens ni raison. ( J'ai eu de l'espoir, il y a quelques semaines, du côté des Indignés. Mais de toute évidence, ici comme ailleurs, ça ne va nulle part. Dommage. Comme l'expliquait récemment M. Parizeau, le scandale du comportement des banques est pourtant colossal. Ça justifie la colère. Et c'est autrement plus important que la tenue vestimentaire de Mme Marois. Mais ça ne mène nulle part. Pas davantage pour l’indépendance que pour la remise en question d’un système devenu scandaleux, crapuleux. »








dimanche 30 janvier 2011

ALIÉNATION TRANQUILLE


Milton Friedman: économiste, prix Nobel 1976, principal concepteur ( et de loin ! ) de la très actuelle, et très vantée théorie dite « néolibérale »



J'ai trouvé, ce matin, sur un blogue souvent fabuleux, [ http://bernard-o.blogspot.com/ ] le texte suivant: cynique, percutant, et surtout, responsabilisant, quant à nos valeurs dans le monde économique et social dans lequel nous vivons. Je ne sais pas qui est l'auteur premier de ce texte. Mais il n'en reste pas moins ma Chose vue ( et lue ) du jour. Voici. Amis lecteurs, délectez-vous :


« 1) J'accepte la compétition comme base de notre système, même si j'ai conscience que ce fonctionnement engendre frustration et colère pour l'immense majorité des perdants.

2) J'accepte d'être humilié ou exploité à condition qu'on me permette à mon tour d'humilier ou d'exploiter quelqu'un occupant une place inférieure dans la pyramide sociale.


3) J'accepte l'exclusion sociale des marginaux, des inadaptés et des faibles car je considère que la prise en charge de la société a ses limites.


4) J'accepte de rémunérer les banques pour qu'elles investissent mes salaires à leur convenance, et qu'elles ne me reversent aucun dividende de leurs gigantesques profits (qui serviront a dévaliser les pays pauvres, ce que j'accepte implicitement). J'accepte aussi qu'elle prélèvent une forte commission pour me prêter de l'argent qui n'est autre que celui des autres clients.


5) J'accepte que l'on congèle et que l'on jette des tonnes de nourriture pour ne pas que les cours s'écroulent, plutôt que de les offrir aux nécessiteux et permettre à quelques centaines de milliers de personnes de ne pas mourir de faim chaque année.


6) J'accepte qu'il soit interdit de mettre fin à ses jours rapidement, en revanche, je tolère qu'on le fasse lentement en ingérant ou en inhalant des substances toxiques autorisées par les États.


7) J'accepte que l'on fasse la guerre pour faire régner la paix. J'accepte qu'au nom de la paix, la première dépense des États soit le budget de la défense. J'accepte donc que des conflits soient créés artificiellement pour écouler les stocks d'armes et faire tourner l'économie mondiale.


8) J'accepte l'hégémonie du pétrole dans notre économie, bien qu'il s'agisse d'une énergie coûteuse et polluante, et je suis d'accord pour empêcher toute tentative de substitution s'il s'avérait que l'on découvre un moyen gratuit et illimité de produire de l'énergie, ce qui serait notre perte.


9) J'accepte que l'on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les États décrètent qu'il s'agit d'un ennemi et nous encouragent à le tuer.


10) J'accepte que l'on divise l'opinion publique en créant des partis de droite et de gauche qui passeront leur temps à se combattre en me donnant l'impression de faire avancer le système. J'accepte d'ailleurs toutes sortes de divisions possibles, pourvu qu'elles me permettent de focaliser ma colère vers les ennemis désignés dont on agitera le portrait devant mes yeux.


11) J'accepte que le pouvoir de façonner l'opinion publique, jadis détenu par les religions, soit aujourd'hui aux mains d'affairistes non élus démocratiquement et totalement libres de contrôler les États, car je suis convaincu du bon usage qu'ils en feront.


12) J'accepte l'idée que le bonheur se résume au confort, à l'amour, au sexe, et la liberté d'assouvissement de tous les désirs, car c'est ce que la publicité me rabâche toute la journée. Plus je serai malheureux et plus je consommerai: je remplirai mon rôle en contribuant au bon fonctionnement de notre économie.


13) J'accepte que la valeur d'une personne se mesure à la taille de son compte bancaire, qu'on apprécie son utilité en fonction de sa productivité plutôt que de sa qualité, et qu'on l'exclue du système si elle n'est plus assez productive.


14) J'accepte que l'on paie grassement les joueurs de football [ de hockey ] ou des acteurs, et beaucoup moins les professeurs et les médecins chargés de l'éducation et de la santé des générations futures.


15) J'accepte que l'on mette au banc de la société les personnes agées dont l'expérience pourrait nous être utile, car étant la civilisation la plus évoluée de la planète (et sans doute de l'univers) nous savons que l'expérience ne se partage ni ne se transmet.


16) J'accepte que l'on me présente des nouvelles négatives et terrifiantes du monde tous les jours, pour que je puisse apprécier a quel point notre situation est normale et combien j'ai de la chance de vivre en Occident. Je sais qu'entretenir la peur dans nos esprits ne peut être que bénéfique pour nous.


17) J'accepte que les industriels, militaires et politiciens se réunissent régulièrement pour prendre sans nous concerter des décisions qui engagent l'avenir de la vie et de la planète.


18) J'accepte de consommer de la viande bovine traitée aux hormones sans qu'on me le signale explicitement. J'accepte que la culture des OGM se répande dans le monde entier, permettant ainsi aux trusts de l'agroalimentaire de breveter le vivant, d'engranger des dividendes conséquents et de tenir sous leur joug l'agriculture mondiale.


19) J'accepte que les banques internationales prêtent de l'argent aux pays souhaitant s'armer et se battre, et de choisir ainsi ceux qui feront la guerre et ceux qui ne la feront pas. Je suis conscient qu'il vaut mieux financer les deux bords afin d'être sûr de gagner de l'argent, et faire durer les conflits le plus longtemps possible afin de pouvoir totalement piller leurs ressources s'ils ne peuvent pas rembourser les emprunts.


20) J'accepte que les multinationales s'abstiennent d'appliquer les progrès sociaux de l'Occident dans les pays défavorisés. Considérant que c'est déjà une embellie de les faire travailler, je préfère qu'on utilise les lois en vigueur dans ces pays permettant de faire travailler des enfants dans des conditions inhumaines et précaires. Au nom des droits de l'homme et du citoyen, nous n'avons pas le droit de faire de l'ingérence.


21) J'accepte que les hommes politiques puissent être d'une honneteté douteuse et parfois même corrompus. Je pense d'ailleurs que c'est normal au vu des fortes pressions qu'ils subissent. Pour la majorité par contre, la tolérance zéro doit être de mise.


22) J'accepte que les laboratoires pharmaceutiques et les industriels de l'agroalimentaire vendent dans les pays défavorisés des produits périmés ou utilisent des substances cancérigènes interdites en Occident.


23) J'accepte que le reste de la planète, c'est-à-dire quatre milliards d'individus, puisse penser différemment à condition qu'il ne vienne pas exprimer ses croyances chez nous, et encore moins de tenter d'expliquer notre Histoire avec ses notions philosophiques primitives.


24) J'accepte l'idée qu'il n'existe que deux possibilités dans la nature, à savoir chasser ou être chassé. Et si nous sommes doués d'une conscience et d'un langage, ce n'est certainement pas pour échapper à cette dualité, mais pour justifier pourquoi nous agissons de la sorte.


25) J'accepte de considérer notre passé comme une suite ininterrompue de conflits, de conspirations politiques et de volontés hégémoniques, mais je sais qu'aujourd'hui tout ceci n'existe plus car nous sommes au summum de notre évolution, et que les seules règles régissant notre monde sont la recherche du bonheur et de la liberté de tous les peuples, comme nous l'entendons sans cesse dans nos discours politiques.


26) J'accepte sans discuter et je considère comme vérités toutes les théories proposées pour l'explication du mystère de nos origines. Et j'accepte que la nature ait pu mettre des millions d'années pour créer un être humain dont le seul passe-temps soit la destruction de sa propre espèce en quelques instants.


27) J'accepte la recherche du profit comme but suprême de l'Humanité, et l'accumulation des richesses comme l'accomplissement de la vie humaine.


28) J'accepte la destruction des forêts, la quasi-disparition des poissons de rivières et de nos océans. J'accepte l'augmentation de la pollution industrielle et la dispersion de poisons chimiques et d'éléments radioactifs dans la nature. J'accepte l'utilisation de toutes sortes d'additifs chimiques dans mon alimentation, car je suis convaincu que si on les y met, c'est qu'ils sont utiles et sans danger.


29) J'accepte la guerre économique sévissant sur la planète, même si je sens qu'elle nous mène vers une catastrophe sans précédent.


30) J'accepte cette situation, et j'admets que je ne peux rien faire pour la changer ou l'améliorer.


31) J'accepte d'être traité comme du bétail, car tout compte fait, je pense que je ne vaux pas mieux.


32) J'accepte de ne poser aucune question, de fermer les yeux sur tout ceci, et de ne formuler aucune véritable opposition car je suis bien trop occupé par ma vie et mes soucis. J'accepte même de défendre à la mort ce contrat si vous me le demandez.


33) J'accepte donc, en mon âme et conscience et définitivement, cette triste matrice que vous placez devant mes yeux pour m'empêcher de voir la réalité des choses. Je sais que vous agissez pour mon bien et pour celui de tous, et je vous en remercie. »


J'aurais beaucoup à commenter ! Je me bornerai, pour enforcir et élargir le débat possible autour du point 10, de rappeler ce que James Madison, dans les Federalist Papers, disait de la démocratie, dont il affirmait qu'on n'avait rien à en craindre: que c'était là une invention merveilleuse, parce que l'élection d'une majorité artificielle et temporaire allait détourner le regard public du vrai problème, de la vraie question sociale, pour toujours et à jamais, celle de l'inégale répartition des fortunes et de l'injustice fondamentale de l'homme qui nait pour être exploité et ne rien avoir. Quel bonheur que cet homme devienne ( par exemple ) un républicain ou un démocrate, et qu'il en oublie ainsi sa condition ! Madison a convaincu là-dessus nombre de ses contemporains. Et de la révolution américaine jusqu'à maintenant, la démocratie a pu progressivement s'installer, les puissants apprenant à ne plus considérer les masses laborieuses comme une classe dangereuse, mais plutôt comme des votants aliénés. Le bonheur !