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mardi 19 avril 2011

S'EN TENIR AUX FAITS






Cette photo de Paul Hansen, montrant une toute jeune fille, sauvagement tuée par la police haïtienne, en janvier 2010, a été primée en Suède. Depuis, une autre photographie a été publiée, montrant, elle,  les circonstances exactes où la photo a été prise.







Ces deux photos ont déclenché une vive polémique sur le travail des journalistes, en particulier des photographes de presse. Jusqu'où peuvent-ils aller? Quelle morale peut, doit même encadrer leur travail? Tout est-il permis, quand il s'agit de faire un bon cliché? Et si le cliché est bon, sert-il la vérité ?

Ces deux photos témoignent indépendamment l'une de l'autre. Les deux servent un récit, racontent l'Histoire, et peuvent rester, à ce titre, des références. Je ne crois ni qu'elles s'opposent, ni qu'une condamne l'autre à l'usurpation de vérité, à fabrication de faux.

Même que la plus vraie, je crois, n'est pas celle qui révèle, crûment, les trucs du métier. La plus authentique est celle qui reconstruit l'événement, et qui l'expose avec force, avec soin, avec beauté. Paul Hansen a mérité son prix. La photo de Fabienne, 17 ans, tragiquement morte dans un pays où la loi n'est souvent qu'un concept hésitant, et où les impératifs de la survie particularisent les formes actuelles de la servitude, est aussi vraie, par exemple, que l'Oeuvre au noir, de Marguerite Yourcenar. La fiction, parfois, dit davantage que mille mots, mille documents, mille preuves, qui demandent tout autant que la photo de Paul Hansen, à être reconstitués pour offrir un sens réel et compréhensible au fait. Mais Yourcenar, et Hansen y ajoutent le talent qui recrée l'événement, et c'est là l'essentiel.






mercredi 12 janvier 2011

HAÏTI: UN AN PLUS TARD




Serge Chapleau, Cyberpresse, 19 janvier 2010




Il y a un an aujourd'hui, Haïti était dévastée. L'élan de générosité qui a suivi a été fabuleux: des milliards, en dons publics et privés, ont été promis à ce petit pays des Antilles, la « perle », dit-on, sans rire, des milliards qui allaient — enfin — refaire le pays sur des bases neuves, presque une nouvelle Indépendance, réussie celle-là.

Le pays ne s'est pas refait. Et j'espère que personne, vraiment personne n'a profité de l'occasion trop belle pour se « refaire », au détriment des 300,000 morts que le séisme a laissés sous les décombres.

Le pays ne s'est pas refait, parce que, entre autres raisons, l'argent promis est bloqué: stocks stériles de fric en attente, qui vont finir par pourrir comme de vieux aliments accaparés pour mieux faire monter des prix revigorés par la rareté. Là-dessus, les spéculateurs savent depuis toujours comment s'y prendre pour faire fond sur toutes les aubaines qui se présentent. Et l'extrême misère est une possibilité en or — en or, c'est le cas de le dire. Le prix de la reconstruction va monter en flèche, comme de juste; de quoi saliver pour ceux et celles qui ont eu la patience d'attendre, chèque en main, que les circonstances soient financièrement meilleures.

L'argent est bloqué parce que, semble-t-il, les processus administratifs sont trop lents, trop complexes. Les projets sont mal identifiés. Il devrait y avoir crime contre l'humanité quand l'administration respecte des « normes » qui accélèrent la tuerie. Parions que l'administration n'oublie pas, cependant, de calculer au plus vite les primes auxquelles elle a droit.

En attendant, jour après jour, on « regarde » Haïti, de loin, et on fait semblant de pleurer sur son sort. On se nourrit à plein de bons sentiments. On fait du tourisme miséreux, comme on dit du tourisme sexuel. On est curieux d'images obscènes, que les bulletins de nouvelles recherchent de sang-froid. J'imagine le ou la journaliste à son caméraman: « On l'a eu, le p'tit bras toujours sous les décombres ? On l'a eue, la bonne femme qui vit son choléra en pleine rue ? »...

J'exagère.

N'empêche, Chapleau avait vu juste, extraordinairement juste, quand il avait dessiné cette caricature, exactement une semaine après le tremblement de terre, quand la terre tout entière se lamentait comme des pleureuses grecques.