mercredi 19 juin 2013

VERS UN RÉALIGNEMENT DES FORCES POLITIQUES AU QUÉBEC ?


Source: Google Images



Jean-Martin Aussant démissionne. Ça ne m'étonne pas. Des propos, de-ci de-là, laissaient prévoir cette démission depuis plusieurs mois. Ça ne m'étonne pas, par ailleurs, parce qu’Option Nationale était le parti d'un seul homme, souvent magnifié hors de toute proportion, parfois même déifié. J'imagine que, pour «JMA», le poids d'une pareille confiance, d'une pareille adulation, était franchement trop lourd à porter.

Option Nationale ne survivra pas à son chef, ça me semble évident. Je suis triste, et franchement désolé pour toutes celles et ceux qui y ont cru, et qui ont milité, ardemment, sincèrement, comme bénévoles pour ce parti, partout au Québec. Mais «JMA» était vraiment seul. L'appui de M. Jacques Parizeau n'était, en soi, à l’évidence, pas suffisant. Il était seul, et sans grande réalisation publique derrière lui, et c'est peut-être là que se trouve l'erreur de jugement la plus grande qu'il aura faite, celle de claquer la porte du Parti québécois. À certains de ses ministres qui parfois montraient un peu trop d'impatience à accéder au poste de chef du gouvernement, l'ancien premier ministre René Lévesque répondait (et conseillait) d'attacher d'abord leur nom à une grande réalisation publique, comme lui avait arrimé le sien à la nationalisation de l'électricité. C'est ce qui (à mon très humble avis) a manqué à M. Aussant: exceptionnellement talentueux, et brillant, il n'avait cependant pas de réalisations d'État sur lesquelles appuyer sa crédibilité. Ministre du Parti québécois, il aurait pu se donner cette crédibilité. Il aurait pu être un candidat enthousiasmant à la succession (éventuelle) de la première ministre Marois.

Pour l'immense majorité des Québécois, M. Aussant était un ancien député péquiste, régional, peu connu à l'échelle nationale. Ce que j'espère, désormais, de M. Aussant, dont personne ne peut mettre en doute l'irréprochable droiture, c'est qu'il jouera un rôle essentiel dans la convergence des forces indépendantistes. 





mardi 18 juin 2013

18 JUIN... 1940


Source: http://www.appeldu18juin70eme.org/tresorsdarchive/img/references/6/01.jpg



Il y a une certaine culture anti-gaulliste au Québec, conséquence de l'appel fait du Balcon de l'hôtel de ville de Montréal de juillet 1967 («Vive le Québec libre») et de l'hostilité canadienne qui s'en est suivie. Année après année, des étudiants affirment que de Gaulle a lâchement quitté la France en juin 1940, qu'il a fui les combats... Une pareille déformation de l'Histoire a été voulue, délibérément fabriquée: il y aurait, à faire, une histoire de l'anti-gaullisme québécois, tel qu'il s'est élaboré entre 1967 et 1976.

De Gaulle fuyard, c'est scandaleusement faux. Si le général est à Londres, en juin 1940, c'est qu'il est en mission. Si le général lance à la radio son célèbre Appel, lucide et magnifique, c'est qu'il refuse la capitulation de la France, et la demande d'armistice formulée par le tout nouveau gouvernement Pétain. En juin 1940, rien pourtant n'indique que le général dit juste et vrai, que l'appel à la résistance sera entendu. Les États-Unis ne sont pas en guerre, refusent d'y participer et ne s'y laisseront entrainer qu'en décembre 1941. L'URSS s'en tient le plus loin possible, se partage la Pologne avec l'Allemagne, croit l'enliser dans une guerre à l'ouest, immense (et logique) déchirement entre pays impérialistes. L'Angleterre tient seule. Elle peut perdre la guerre. Elle peut entendre les appels à la paix que lance explicitement l'Allemagne, Hitler en personne. Le général joue de courage, et risque donc gros. Il s'en expliquera quelques mois plus tard, alors qu'il est encore terriblement seul, du côté français, à tenir bon devant le déferlement allemand: « Celui qui saura vouloir le plus fermement l’emportera en définitive, non seulement en fait, mais encore dans l’esprit des foules moutonnières. » Celui qui saura vouloir le plus fermement... : voilà pourquoi, avec la victoire finale de 1945, l'Appel du 18 juin est resté si célèbre. Entre 1940 et 1945, de Gaulle a voulu, inlassablement, la liberté de la France: la flamme de la résistance ne s'est jamais éteinte, malgré les foules moutonnières qui, un temps, en France, en Amérique même, y compris au Québec, ont applaudi Pétain, ont espéré de lui. 





dimanche 16 juin 2013

CUBA, ET LA «LIBERTÉ DU PAUVRE»



Le touriste se porte bien. Il est sous le charme de la vieille Havane, protégée au titre de patrimoine mondial par l’UNESCO. Des travaux de restauration, nombreux, ressuscitent les symboles anciens de la ville coloniale, du vieux quartier d’époque de Batista, du temps de  l’impérialisme, et de la corruption, qui ont si essentiellement justifié la guérilla castriste, et la révolution qui a suivi.

Le touriste se porte bien, mais c’est une façade, tout comme l’est cette portion de ville, rafraichie, restaurée, pensée comme un vaste trompe-l’oeil, traitée que pour n’être photographiée, et visitée à la va-vite, le regard en l’air, vissé au luxe architectural des «palacios».  C’est un décor, une vitrine. L’épatement du touriste est sincère, mais l’oubli de ce que cachent la couleur et le vernis, impossible. Parce que tout juste avant l’instant de cette photo, et longtemps après, le visiteur est pris d’assaut par une pauvreté agressive; il est harcelé par des survivants qui manquent de tout, qui ont faim, et qui parfois se vendent eux-mêmes, pour obtenir ce que l’embargo américain prétend leur interdire tant et aussi longtemps que Cuba résistera. Sur cette belle rue Obispo, où la photo a été prise, un homme, encore jeune, demande du feu. On s’arrête, mon chum et moi, on lui tend un briquet. Et tout de suite, dans un anglais approximatif, le message, lui, est très clair: des jeunes femmes sont disponibles, et il nous en présente une, sourire rougissant, prétendument excitée. Quoi, quoi, nous ne sommes pas intéressés ? Mais alors, par autre chose, un autre sexe, peut-être ? Et c’est comme ça que ça se négocie, l’offre et la demande, sauvages, désespérées, dans toutes les rues de la vieille et magnifique Havane. À l’hôtel, de vieux dégueulasses paradent avec leurs «conquêtes», de quarante ou cinquante ans leurs cadettes. Ils friment, se tiennent entre eux. Tout le monde est témoin. L’«amour» dure un jour ou deux, et puis c’est la porte pour la jeune dame, une poignée de pésos convertibles à la main, quelques «cadeaux» autrement inaccessibles. Un trésor, à Cuba. Alors on oublie, parce que le tourisme est indispensable à l’économie de Cuba, et surtout, à sa balance des paiements. Le décor a joué son rôle, à plein.

Une Chilienne, parlant français, et qui a travaillé longtemps dans des organismes de solidarité avec le peuple cubain, m’explique que Fidel ne sait rien de tout ça. Quand il sort, il le fait en voiture noire, vitres teintées; les rues qu’il emprunte sont soigneusement choisies, et préalablement nettoyées. Fidel est isolé. On lui cache même la prévarication, qui ne dépend, pour se perpétuer, que de la longévité du Lider Maximo, et de sa foi. L’illusion est effroyable.

L’UNESCO redonne vie à la vielle Havane, et elle a bien raison de le faire: la Habana Vieja est superbe, et elle retrouve, avec les symboles de son ancienne splendeur, la réputation sulfureuse qui a longtemps été la sienne. Curieux retour de l’Histoire. C’est à désespérer de l’humanité.