jeudi 11 octobre 2012

À PROPOS DU MATRICULE 728



(Youtube: images de Radio-Canada )



Les quelques lecteurs que j'ai, en francophonie, ne comprendront rien à la richesse des dialogues contenus dans cette vidéo, s'ils leur prenaient l'envie de la regarder. (Elle vaut le coup, c'est le cas de le dire !) Mais ils en saisiront sûrement tout le précieux sens, à simplement jeter un œil sur le déroulement, parfaitement sidérant, de l'action. L'assaut, cette fois-ci, n'est pas au Métropolis, comme au 4 septembre dernier — j'ai parlé de cet incident tragique, ici, sur ce blogue. Non, pour cette fois, les hostilités se déroulent rue Papineau, à Montréal, dans un emplacement où on ne fait que de la musique, entre gars, rien de terriblement délinquant. Pas de révolte générale en vue. Mais une (seule !) bouteille de bière trop visible de la rue, une policière qui a sauté une coche, et le spectacle a eu lieu, sans autre musique de fond que des cris terrifiés et des insultes grossières.  

Voyez-vous, au contraire de l'ancien ministre des Finances du Québec, M. Raymond Bachand, ça ne me dérange pas que le nouveau gouvernement du Québec «divise» la société par ses politiques de centre-gauche, parce qu'elle l'est fatalement, « divisée », la société, dès qu'il y a inégalité économique; elle l'est fatalement, dès qu'il y a enrichissement de quelques-uns par le moyen du travail, des impôts et de l'exploitation salariale du plus grand nombre. La société est inégale, elle est partagée. C'est la richesse qui ne l'est pas. L'inégalité «est». C'est comme ça. 

J'aime nettement moins, cependant, la haine que les tensions sociales génèrent, et que, de toute évidence, on attise dans certains milieux. La haine n'est jamais noble, la haine n'est jamais justifiée. La violence de l'agente 728 est haineuse et n'est pas, en aucun cas, un fait isolé, une dérive particulière. La policière hait les artistes, les carrés rouges, « toute cette marde-là » — entendons les étudiants, les agitateurs de casseroles, les manifestants, les contestataires et quant à faire, Mme Marois, actuelle Première ministre, Mme David, chef du parti de gauche Québec-Solidaire, les profs de cégep, les profs de l'UQAM, les centaines de milliers de personnes qui ont pris la rue le printemps dernier... Il faudrait être extraordinairement naïf pour penser que cette haine qui tourmente la gardienne de la paix, on ne le lui ait pas inculquée, quoi qu'il en soit de la personnalité fiévreuse de Stéphanie Trudeau. On la lui a apprise, et c'est affreusement troublant de le penser, parce que ça justifie les accusations souvent répétées, durant la crise sociale du printemps 2012, de politisation des forces policières. La violence de l'agente Trudeau est « politique » et sociale. Elle trouve une oreille attentive quand elle raconte son intervention, et profère ses insultes. Et elle sait parfaitement bien qui est l'ennemi. (On aurait presque envie de dire: l'ennemi de classe.) On le lui a décrit, nommé, ciblé, c'est évident.

En ces temps où un gouvernement de « gauche » nouvellement élu a échoué à faire adopter des mesures fiscales progressistes, parce que l'opposition (néo-libérale) s'est déchaînée, sans retenir la haine de ses attaques, la violence policière, bras armé des notables et des puissants (j'entends: des détenteurs de capitaux), devient très réellement inquiétante. Le ministre de la Sécurité publique devrait peut-être y regarder d'un peu plus près.