dimanche 12 mai 2013

REQUIEM MAYA AU GUATEMALA



Ronald Reagan, Président des États-Unis (1981-1989) et, au-dessus (dans la photo montage), Effrain Rios Montt, dictateur au Guatemala (1982-1983)



À Ronald Reagan, en 2004, on a fait d’immenses funérailles d’État. Et pourtant, il a été, lui et son gouvernement, parmi les responsables identifiés, de tout premier plan, dans les guerres civiles du Salvador, du Nicaragua et du Guatemala qui ont fait, dans les années 1980, des centaines de milliers de morts, particulièrement chez les Indiens. Reagan refusait d’admettre que l’agriculture d’exportation, gourmandes de terres, accaparées par une poignée de propriétaires, souvent étrangers, fréquemment états-uniens, dépossédait les Indiens et provoquait leur désespoir et leur révolte. Les É.U se sont, à l’époque, impliqués sans réserve dans les conflits armés d’Amérique centrale.  « Si nous ne pouvons régler la question d’Amérique centrale, avait expliqué un Henry Kissinger particulièrement cynique, en 1984, il nous sera impossible de convaincre les nations menacées dans le golfe Persique et ailleurs que nous sommes capables de préserver l’équilibre mondial. » D’où les dictatures, les ventes d’armes, les opérations génocidaires, les meurtres ciblés — celui, par exemple, de Mgr Romero, à San Salvador, spectaculaire, mais parmi d’autres.

Cette politique parfaitement criminelle a largement réussi, faut-il le dire, et s’est par la suite prolongée au Moyen-Orient, deux fois en Irak. Hugo Chavez avait compris la manœuvre, du tout au tout, s’en était radicalement indigné. Encore vivant, il se serait certainement réjoui de la condamnation du guatémaltèque Effrain Rios Montt à la prison (avec salle de bain privée, quand même) pour génocide documenté et prouvé d'Indiens mayas. Montt est un criminel, pas de doute là-dessus, un déprédateur, un malvat. Mais, dans la grande balance des faits justiciables, Chavez aurait mal compris que Guantanamo puisse encore exister; que George W. Bush puisse vivre une retraite riche et tranquille; et que Reagan, Ronald Reagan surtout, puisse être magnifié, déifié, considéré comme un héros national, précisément parce qu’il avait ordonné la tuerie de la vermine indienne qui s’était, un temps, agitée pour des terres fruitières qui étaient historiquement les siennes, et qui auraient dû la nourrir. En Amérique centrale, Reagan a été, tout comme Montt, un voyou de grande, de très grande envergure. J’imagine que ces jours-ci, dans sa prison, Montt doit renâcler un peu sur l’injustice qu’on lui fait, et rêver, pour lui aussi, d’un monument funéraire à la hauteur des services qu’il a rendus, parce qu’on les lui a commandés.