samedi 30 juin 2012

LES ÉTERNELS FEUX D'ÉTÉ DE MONTRÉAL


Feux d'artifice, Montréal, 30 juin 2012



On croirait à des photos de l'espace, prises par Hubble ! Ce ne sont que de modestes photos du ciel de Montréal, illuminé par les feux d'artifice, parfois spectaculaires, lancés par une compagnie japonaise. Chaque été, puisque ce concours de feux dure depuis tant d'années, je me jure que c'est fini, que je n'irai plus dans le Vieux-Montréal voir le spectacle. Mais l'attraction vaut ( presque ) toujours le déplacement. C'est beau, ça étonne, et le peuple est content, à bon compte. Pourquoi pas ?



dimanche 24 juin 2012

FÊTE NATIONALE DES QUÉBÉCOIS




« Nature pacifique, aisément content de son sort, le Canadien français de la présente génération, surtout des classes simples, n'est peut-être pas fait pour jouer les premiers rôles dans cette vie à outrance, de concurrence à tout rompre, d'affaires traitées au pas de course, de lutte impitoyable, qui est à la mode du jour. Son peu d'ambition personnelle, son goût pour la vie paisible, ses instincts domestiques, le caractère passif de son énergie même, tout le prédispose contre cette course à fond de train, contre ce culte affolé du veau d'or qui sont la marque distinctive de ce siècle ploutocratique. Il y a longtemps qu'il a appris ce salutaire précepte, qu'ayant le pain et le vêtement, il ne faut pas s'inquiéter du reste; ou plutôt il ne l'a pas appris, mais il l'a toujours su d'instinct. »

Nicholson Byron, Le Canadien français, 1904. [ L'auteur appartenait à la communauté anglo-montréalaise. À l'époque, il s'agissait d'une des minorités les plus riches, et les plus puissantes du monde. ]

Un tel portrait de notre peuple, suffisant, condescendant, et surtout, surtout méprisant, innocente l'exploitation à outrance qu'on en a fait, longtemps, et donne bonne conscience à ceux qui n'avaient pas honte du tout de vénérer le veau d'or: quelle sagesse admirable, quand même, chez ces pauvres gens sans ambition ! Ce genre de description n'est pas essentiellement différente de ce qu'un texte raciste aurait pu prétendre, comme d'absolues certitudes, des Noirs américains à la même époque. Et il s'en trouverait encore pour tenir des propos semblables sur nos compatriotes indiens d'Amérique.

Nous avons profondément ingéré cette image de nous-mêmes qu'on nous a renvoyée. Nous avons cru au petit pain, à la modestie, au misérabilisme comme une qualité enviable, bénie même par « Dieu ».

C'est fini. Nous ne sommes plus soumis. Nous ne  nous réjouissons plus de notre pauvreté. Mais, chassés du capitalisme conquérant, méprisé par le bourgeois,  nous restons critiques de la ploutocratie. C'est en masse, depuis des mois, que nous sortons, que nous manifestons, que nous protestons: nous n'avons plus rien de passif. Nous sommes résilients, résistants. La jeunesse québécoise fait, ces temps-ci, la démonstration éclatante que nous avons changé, qu'une nouvelle révolution nous transforme. Il y a de quoi être fier, il y a de quoi célébrer la fête nationale.

Bonne fête, Québec libre !





vendredi 22 juin 2012

IL Y A DEUX CENTS ANS: LA CAMPAGNE DE RUSSIE



Denis-Auguste Raffet, Épisode de la campagne de Russie
Source: http://www.histoire-image.org/pleincadre/index.php?i=316


On commémore beaucoup, en cette année 2012: le centenaire du naufrage du Titanic, la guerre anglo-américaine de 1812, dont une partie des combats se déroule en sol colonial, ici, dans ce qu’on appelle alors les Haut et Bas-Canada... En Europe, le 22 juin 1812, il y a deux cents ans aujourd’hui même, Napoléon déclare la guerre à la Russie; deux jours plus tard, il franchit la frontière, traverse le Niémen. Il a avec lui plus de 600,000 hommes, d’une vingtaine de nationalités, des hommes qui maudissent une guerre qui ne les concerne pas. Dans cette armée, gigantesque pour l’époque, il manque de nombreux soldats français, les meilleurs de l’armée impériale, des hommes qui, souvent, ont été recrutés à l’époque de la Révolution, et qui combattent toujours en Espagne, au moment où commence l’invasion de la Russie. 

Cette campagne, c’est un pari, un risque calculé, un défi énorme, fait à l’espace, au climat, aux approvisionnements, aux courriers, et Napoléon le sait. Personne, dans son entourage, personne qui compte, ne soutient l’entreprise. Fouché, semble-t-il, a tout prévu, décrit d’avance, à l’Empereur, la terrible fatalité qui l'attend. Lacuée de Cessac, l’excellent ministre de l’Administration de la guerre, s’oppose fermement à l’aventure, formule, lui aussi clairement, ses objections. L’ancien ambassadeur de France en Russie, Caulaincourt, fait tout ce qu’il peut, jusqu’à contredire publiquement l’Empereur, pour éviter le conflit. Napoléon croit sincèrement son ambassadeur trompé, manipulé. Il croit la victoire possible. Il croit, surtout, la guerre inévitable.

Elle est inévitable, malgré l’alliance contractée, il y a cinq ans seulement, entre le tsar Alexandre de Russie, et l’empereur des Français, à Tilsit, « là où j’ai été le plus heureux de toute ma vie », dira Napoléon exilé à Sainte-Hélène. L’alliance suppose l’acceptation, parfaitement inconcevable pour la Russie tsariste, du « système continental » d'architecture napoléonienne: la reconnaissance du royaume d’Italie, de la Confédération du Rhin, du Grand-Duché de Varsovie. Pour ceux et celles de mes lecteurs qui connaissent mal cette période de l'histoire, voici plus nettement encore ce que l’alliance impose: la Russie de l’autocrate Alexandre, Russie féodale, socialement arriérée, s'engage à reconnaître la transformation rapide de l’Europe par Napoléon, qui a fait naître l’Italie, l’Allemagne et la Pologne, comme de possibles États nationaux, cadre privilégié d’une fonction publique moderne, d’une législation nouvelle, de l’égalité civile et de l’abolition des privilèges, ceux de la noblesse et du clergé d'Ancien Régime. « Bah !, dira Napoléon au ministre russe, venu en catastrophe négocier un éventuel arrêt de l’invasion, plus personne n’est religieux de nos jours ». Le Russe aurait répondu: « Erreur Sire, on ne l’est peut-être plus en Italie et en Allemagne, mais on l’est encore en Espagne et en Russie ». De fait, la résistance contre l’occupation française reste acharnée en Espagne, résistance nationale, fanatisée par un clergé catholique, qui a beaucoup à perdre de la constitution libérale que Napoléon impose à l’Espagne en 1808 — quelque chose comme un traité de Versailles un siècle avant le vrai, avec les mêmes conséquences, tant la liberté ne s’impose pas par la force, encore moins par l’ennemi, surtout quand l’ennemi est l’Antéchrist. En Russie, Napoléon ne peut s’imaginer, ce 22 juin 1812, ce qu’allait être la résistance populaire. Elle devait être, pour les envahisseurs, tout autant que pour les Russes eux-mêmes, effroyable, dévastatrice, meurtrière, exaltée.

L’alliance de 1807 entre la France et la Russie implique par ailleurs que la Russie déclare la guerre à l’Angleterre, et adhère au Blocus continental: c’est là, avec l’affaire de Pologne, et plus encore que le «système continental», ce qui ruine d’avance, toute chance de succès à l’alliance franco-russe. Napoléon n’a jamais songé à stabiliser l’Europe — et la paix — après l’alliance; il a cru, vraiment, que la Russie ferait partie intégrante de sa machine de guerre. La Russie n’a jamais songé à autre chose qu’à refaire ses forces, qu’à reprendre éventuellement le combat, qu’à détruire la construction napoléonienne en Europe. Comment imaginer que la Russie allait intervenir, avec sérieux, et conviction, pour arracher à l'Angleterre une paix, au bénéfice d'un « allié » qui bouleversait toutes les structures existantes, même les plus sacrées ? La guerre totale entre la France et l’Angleterre se poursuit, en Espagne depuis 1808, en Autriche en 1809, et maintenant, en 1812, la lutte à mort franco-anglaise se déplace tragiquement en Russie, profitant du fait que l’empire français et l’empire russe cherchent et veulent, à nouveau, l’affrontement. 

L’attaquant, c’est Napoléon. Le contraire a pourtant failli arriver: un an auparavant, la Russie avait massé des troupes aux frontières de la Pologne, l’avait menacée d’invasion rapide, et d’un partage avec les puissances intéressées d’Europe centrale. L’Autriche, plusieurs fois saignée, occupée, ravagée par les troupes françaises, s’était montrée prudente, malgré l’envie... Faute d’une agression précipitée contre la Pologne, et d’une nouvelle coalition anti-française, le tsar insiste donc, répète plusieurs fois la même demande, exige de Napoléon qu’il s’engage à ne jamais ressusciter  une Pologne complète, à n’en jamais même prononcer le nom: lui proteste qu’« il lui faudrait être Dieu pour garantir que plus jamais la Pologne n’existerait ». En 1812, si les soldats de la Grande Armée vont à marches forcées jusqu’en Russie, c’est contre l’Angleterre qu’ils s’y rendent, c’en est la raison première; mais c’est aussi pour la survie de la Pologne qu’ils courent le risque de périr à la boucherie. 

Quant à Napoléon, il charge, mais comme par une fuite en avant; il répète que la guerre n’est que «politique», s’illusionne là-dessus tant et si bien qu’il s’appuie faiblement sur le nationalisme des Polonais, qui attendent de lui, depuis 1807, un État national reconstitué et leur libération. En entrant en Russie, Napoléon ne libère pas davantage les paysans russes du servage, malgré les supplications de son beau-fils, Eugène, qui croit que cette guerre ne peut être gagnée que si elle est révolutionnaire, légitimée, à nouveau, comme au temps de la Révolution, par l’émancipation des peuples et des opprimés. Et pourtant, en 1812, on acclame toujours frénétiquement l'empereur des Français, en Pologne, en Lituanie: on espère de lui la souveraineté nationale. Mais Napoléon connait trop bien la chouannerie espagnole, pour l’avoir vue, en personne, s’étendre, violente et sauvage, sur son flanc ouest. Pas question d’un pareil orage en Russie, incontrôlable, hasardeux. L’homme de guerre s’en remet donc à ce qu’il peut le mieux réussir: une victoire militaire rapide, écrasante, un nouvel Austerlitz, un nouveau Friedland, une victoire qui ramènerait dans l’alliance française un tsar désormais soumis, soulagé qu’on n’ait rien changé à l’ordre social de naissance et de sang, voulu par Dieu, de la sainte Russie, ni rogné son territoire.

Le 24 juin 1812, l’horreur commence, sans se laisser deviner. Aux environs de l’invasion française, les Russes ont déserté. Le pays immédiat est immense,  abandonné.

L’armée française avance, rapide. Elle prend des villes, mais perd des hommes, qu’on stationne là où il faut s’assurer du contrôle du pays occupé, là où il faut s’assurer des communications et des arrivages, souvent en retard de plusieurs jours. Des soldats, déjà, désertent. Et les Russes n’ont de cesse de reculer, de refuser le combat, de bruler, déjà, tout ce qui peut servir à l'ennemi. Napoléon reprend sa marche, inexorable. Le plan initial est abandonné; l’Empereur s’enfonce, rêve de Moscou, où il pourrait, sans doute, rencontrer enfin le tsar, rétablir l’alliance, conclure cette guerre « politique », fermer la Russie aux Anglais, dicter la paix à une Angleterre brisée par la fermeture complète du continent à son commerce. Le 7 septembre, à Borodino, tout près de la ville sainte, les Russes, enfin, font face; la bataille, dite de la Moskova, est atroce; Napoléon se prive d’une victoire complète, qui aurait détruit l’armée russe, en refusant, jusqu’à la fin de cette terrible journée, d’impliquer la Garde impériale dans la bataille frontale. Réserve prudente pour l'avenir. Les Russes reculent encore, Moscou est à portée d’une dernière marche: le 14 septembre, les Français entrent à Moscou.

Là l’incendie se déchaîne, c’est célèbre, dans cette ville construite de bois. Les pompes ont été évacuées, parfois détruites, les boyaux crevés. Les Russes eux-mêmes ont mis le feu, ont sacrifié Moscou. Dans ce qui reste encore debout, le cinquième de ce qu'était la ville avant l'incendie, l’armée impériale s’installe, pille, survit comme elle peut. Impossible d’envisager de passer l’hiver dans cet amas de ruines fumantes. Et pourtant, Napoléon s’obstine à attendre une ouverture du tsar, envoie à Saint-Pétersbourg un émissaire. Rien. Silence méprisant. Alexandre, horrifié, sûr d’être l’instrument de Dieu contre le « monstre », attend l'inévitable. Il sait l’armée française déjà très affaiblie. Le 19 octobre, une première neige, fondante, tombe sur Moscou. Napoléon quitte la ville, ordonne à l’armée de faire marche arrière. C’est un immense bazar ambulant que la ville expulse. Jusqu’où les soldats pillards pensaient-ils pouvoir traîner leur butin ? L’hiver frappe bientôt, durement. L’armée russe harcèle les survivants, misérables, de l’armée française. Fin novembre, la température est polaire. L’armée impériale doit réussir, et réussit à traverser la rivière Bérézina, pour éviter l’encerclement, l’anéantissement. La longue marche reprend, abandonnant derrière elle des hommes qu’on ne pouvait plus secourir, et qui, souvent, avaient déserté: des soldats, hagards, laissés à eux-mêmes, meurent de faim et de froid. Les survivants sont souvent massacrés. Des fosses sont creusées, des cadavres, pêle-mêle, y sont jetés. Le 3 décembre, Napoléon dicte un bulletin de guerre, qui sera expédié en France, et qui ne cachera rien de ce qui est devenu une retraite, confuse, une catastrophe difficilement réparable: « Dire que l'armée a besoin de rétablir sa discipline, de se refaire, de remonter sa cavalerie, son artillerie et son matériel, c'est le résultat de ce qui vient d'être fait. » L’Empereur sait que désormais, tout peut de se retourner contre lui, alliés européens de la veille, et peut-être ses plus fidèles appuis, en France même. Il quitte donc l’armée, le 5 décembre, pour regagner Paris le plus rapidement possible. Quand la campagne s’achève, deux cent mille soldats sont morts en Russie, au combat, par les privations de toutes sortes, par la maladie, singulièrement par le froid. Presque autant sont restés prisonniers de l’armée russe. À la mi-décembre 1812, lorsque l’armée française se regroupe, et fait le décompte de ce qui lui reste, les effectifs n’atteignent probablement pas trente mille hommes.

On a écrit, on l’écrit encore, que Napoléon a voulu «conquérir» la Russie. C’est ridicule, et c’est faux. Il a voulu fermer une dernière brèche, dans son «système» de guerre commerciale qu’il menait contre l’Angleterre, et que l’Angleterre menait de même, avec une férocité comparable, contre lui. Il a voulu protéger le Grand-Duché de Varsovie — pour l’essentiel, la Pologne — dont il garantissait le territoire et les frontières. Il a pensé qu’une victoire, la dernière, contre la Russie, consoliderait le réaménagement européen, où le «système familial» a joué un si grand rôle, et qui masquait, pour les peuples allemand, italien et espagnol, la modernité nationale et institutionnelle de l’action napoléonienne. Mais en Russie même, Napoléon a manqué à son propre destin: ne menant qu’une guerre « politique » qui a échoué, il a discrédité ses buts de guerre et l’ensemble pourtant révolutionnaire de son « oeuvre ». Les peuples se sont soulevés contre lui. La machine de guerre temporairement détruite, il a rendu possible une coalition de tous les pays d’Europe contre la France, ce qu’il avait toujours redouté comme un danger potentiellement fatal. La France, malgré la catastrophe, lui reste cependant fidèle: l’effort de guerre, en 1813, est remarquable, mais Napoléon subit les événements, il ne les contrôle plus. Il perd l’Allemagne, il perd la France, et des dizaines de milliers d'hommes, encore, meurent au combat. À Vienne, réunis en Congrès, les diplomates européens s’empressent de liquider l’héritage, et de restaurer l’ordre ancien des choses, à l’encontre des « idées du siècle », tant qu’ils le peuvent, partout: un inconcevable retour en arrière, une oppression inouïe contre les personnes et contre les nations, une négation, radicale, de la Révolution française et de la construction napoléonienne. La « guerre politique » perdue trouve à Vienne son parachèvement, mais libère Napoléon du poids moral de son attaque contre la Russie, de son refus d’y introduire l’égalité, et de l’atroce retraite, barbare, inhumaine, qui ponctue l’année 1812.  Comment le fin Metternich n’a-t-il pas compris l’erreur essentielle qu’il faisait faire au Congrès de Vienne ? Comment a-t-il pu penser, lui aussi, que « cela pouvait durer » ? L’autocratie et le servage maintenus en Russie, l’ancien régime rétabli en Allemagne, en Italie, et même en France, Napoléon redevient vite l’homme des peuples, des nations et des libertés, et c’est la dernière image qu’il voudra laisser de lui-même à la postérité. 


PS ( 2 août 2012): Il vient de me tomber sous les yeux cette remarque de Joseph de Maistre, à propos des traités de 1815: « une semence éternelle de guerres et de haines, tant qu'il y aura une conscience parmi les hommes ». On ne peut pas mieux dire. Notons au passage que de Maistre était favorable à la réaction. Son analyse en est d'autant plus percutante.





L'Europe napoléonienne, à la veille de la campagne de Russie: l'Italie existe, partiellement, mais elle existe, tout comme la Pologne, nommée, pour ménager les susceptibilités du Tsar, « Grand-Duché de Varsovie ». La Confédération du Rhin regroupe une multitude d'États allemands, à qui on impose l'égalité civile, le procès devant jury, l'égalité de tous devant la loi... Le Pape a perdu Rome. Les frontières de la France s'étendent le long des mers, conséquence directe de la guerre commerciale que mène la France contre l'Angleterre. 





L'Europe remodelée au Congrès de Vienne: la Pologne a disparu; l'Italie est à nouveau morcelée, le nord sous la coupe autrichienne, le centre à nouveau confié au Pape; la Prusse  devient le principal État allemand, la Confédération du Rhin a disparu. La France a perdu ses immenses frontières maritimes: l'Angleterre règne désormais sur les mers, sans contestation et sans partage. En France, Louis XVIII, frère de l'ancien roi Louis XVI, décapité sous la Révolution, est rétabli sur le trône de France. En apparence, mais en apparence seulement, il ne reste rien de Napoléon.
Source: http://lettres.histoire.free.fr/lhg/geo/geo_europe/cartes_europe/Europe_Vienne_1815.jpg








lundi 18 juin 2012

L'ACCESSION DES FEMMES À L'EXPLOITATION DE L'HOMME PAR L'HOMME


Source: http://www.bonjourdubai.com/modules/newbb/viewtopic.php?topic_id=4797




Depuis 1945, les races sont égales, on ne peut plus dire le contraire sans risquer de fâcheux problèmes. Heureusement d’ailleurs. L’histoire-science ( l’École des Annales, Fernand Braudel, et d’autres encore, nombreux, ) disait déjà cette égalité, et l’anthropologie aussi, remise de ses erreurs grossières du siècle avant-dernier.  L’horreur nazie l’a mieux dite encore, en a convaincu irréversiblement. Mais si les races sont égales, au point qu’il n’y ait même plus de races, à peine des peuples, difficilement des nations sans que certains inquiets sourcillent sévèrement, il y a encore de la marge de manœuvre attentatoire, pour les excités de la différence, du côté des « civilisations ». Ce sont les aires culturelles qui ne sont peut-être pas égales entre elles. C’est ce qui se propose, désormais, en toute modernité, dans tous les milieux. Il faut dire, là-dessus, que le débat est difficile, épineux, et que la Déclaration onusienne, dite universelle, des droits de l’Homme, telle qu’elle est depuis 1948, n’aide pas à simplifier le débat. Et pourtant, il n’est pas si complexe qu’il n’y paraît. Françoise Héritier, professeure au Collège de France, a accordé, là-dessus, au journal Le Monde, le 13 février 2012, une entrevue particulièrement éclairante :

« Le terme "civilisation" est un fourre-tout très vaste. Ce sont de grands ensembles à longue portée historique où se reconnaissent au long cours des schèmes de pensée et des manières d'être, d'agir, de se représenter le monde, identifiables selon de nombreux critères : grands groupes linguistiques, vêtements, habitats, dans leurs grandes lignes, mais aussi religions et cultes, systèmes politiques, systèmes artistiques. On a pu ainsi identifier de grandes civilisations, préhistoriques ou historiques : chinoise, hindoue, grecque, méso-américaine, judéo-chrétienne, bantoue, etc. De grands traits caractéristiques peuvent être catalogués et, à partir de connaissances sommaires, il est difficile par exemple de confondre un objet d'origine maya et un objet d'origine chinoise ou africaine. [ …Cependant ] l’exemple de portée (… qui soit vraiment) universelle (…), celui sur lequel ont été fondées [ toutes ] les sociétés [ c’est ] l'échange et le contrôle des femmes. [ C’est ] le seul trait universel (avec la prohibition de l'inceste) de toute l'humanité… »

Les femmes, les enfants ; l’asservissement sexuel, la possession de la progéniture, la consolidation de la propriété privée par l’identification génétique des biens, et leur transmission par héritage familial, à l’intérieur de classes sociales qui se reconnaissent des intérêts communs : voilà ce qui est bel et bien universel, voilà, en effet, ce qui garantit, au vrai, l’évidente égalité des civilisations entre elles. Elles ont toutes traité leurs femmes et leurs enfants également.

Des femmes, maintenant, parviennent à des rôles et des statuts sociaux historiquement réservés aux hommes. Les enfants sont dorénavant des personnes, les droits parentaux sont considérablement limités ; les enfants sont mieux protégés par la loi, le tabou de l’inceste est renforcé. La propriété privée reste ce qu’elle a toujours été. La richesse a un nom, toujours, mais il est désormais composé, maigre pitance en matière de changements sociaux essentiels. Les femmes aussi transmettent leurs biens par héritage à des enfants génétiquement identifiés. Les classes sociales restent intactes, tout comme l’organisation des pouvoirs. Il sont sexuellement bicéphales, c’est vrai, mais qu’y a-t-il autrement de changé ? Pour le reste, tout le reste, la propriété, l’exploitation, l’inégalité de développement, le partage inégal des ressources, la protection des zones vertes pour les riches, la souffrance humaine, la guerre, la mort, qu’est-ce donc qui a changé ? Rien. Absolument rien. De sorte qu’il nous faut bien admettre que l’asservissement et l’inceste restent les traits essentiels de toutes les civilisations. Seulement, à l’époque actuelle, des femmes sont partie prenante des réseaux de pouvoirs, qui maintiennent, prolongent, aggravent souvent l’écart entre ce qui n’a de cesse d’exister, les classes sociales. Des femmes asservissent des hommes, d’autres femmes. Des enfants connaissent toujours nettement leurs géniteurs, et savent d’avance leurs héritages, bagage génétique comme un autre, plus déterminant que tout autre. Le capital conserve des traits de ressemblance avec les deux parents, hommes et femmes. Dans un bon cours d’histoire, ou d’anthropologie, c’est ce qu’il faut, encore, faire connaître et comprendre : il y a eu une révolution des rôles sexuels, sans révolution. C’est indispensable à savoir.









dimanche 17 juin 2012

CET ÉTÉ, JE FERAI UN JARDIN



Ma cour arrière, transformée en jardin fleurie, en plein coeur de Montréal, sur une rue particulièrement pauvre, délaissée et cimentée... L'été est possible, radieux, partout. Heureusement.






samedi 16 juin 2012

RUE STE-CATHERINE, EN ROSE ET NOIR ( SUITE )


Rue Ste-Catherine, vue de haut, au soir du 15 juin 2012



Le 20 juin de l'an dernier, je me demandais, sur ce blogue, si c'était beau, si, la rue Ste-Catherine surplombée de rose, c'était une belle idée, un beau concept. Franchement, je n'en savais rien. Quelqu'un ( que j'aime beaucoup ) m'a laissé ce commentaire, anonyme. Il s'est fait (re)connaître par la suite:

« L'entrée du village est splendide, vue depuis l'UQAM. Ce toit rose suspendu, fait de boules de Noël en plastique... Ce magnifique tapis de roses légèrement suspendu au-dessus de nos têtes, alors qu'on entre dans la rue, et tout du long... Très aérien tout ça, je trouve que c'est une idée géniale. Mais je ne sais pas si ça va tenir longtemps... »

Cela a tenu tout l'été 2011. Cela tiendra sûrement tout l'été 2012. Vu de haut, la coiffure densifiée, le rose bonbon du Noël non-stop de l'été 2012 est franchement spectaculaire; le concept a pris du vieux, du mieux, du style, de l'affirmation. ( Comparez avec la photo du 20 juin 2011, vous allez constater que la rue, haut lieu de cruise gaie, s'est revampée sans aucune gêne, s'est donné des avantages, du sex-appeal... ) Tout aussi aérien que l'an dernier ? Peut-être pas; mais certainement plus tapissé, et plus soyeux qu'il ne l'était. Quelque chose comme un asile optimiste; comme le faîtage d'une cathédrale d'une ethnie longtemps sous-terraine, d'un peuple de la nuit, et qui découvre la vie en rose, heureux d'une liberté toute neuve, durement acquise.




vendredi 15 juin 2012

CONTRE LA CENSURE


Pastiche d'une toile célèbre de Delacroix: l'image ornait la cuisine de M. Amir Khadir, et le Journal de Québec, vrai Tartuffe, a fait de cette chose privée un scandale médiatique excité...



Tout le monde connaît maintenant – au Québec, tout au moins - le groupe musical ( anarchiste, dit-il de lui-même… ) Mise en demeure. Le premier ministre du Québec lui a donné ce matin un rayonnement particulier, en condamnant la présence du groupe aux festivités ( parallèles ) de la fête nationale du Québec, le 24 juin qui vient. Au motif du blâme, des paroles d’une de leurs chansons où ça dit : « Ah vous dirais-je, scie à chaîne, m'as te présenter Courchesne.* [...] M'as te la geler, ce sera pas ben long, d'un coup de masse dret à dret du front. » Ça s’entend sur l’air de la comptine Ah vous dirais-je maman… La discordance paroles et musique fait de l’effet. On steppe. Le propos n’est ni docile, ni gentil. Il faut y entendre de la poésie, semble-t-il. Ce lyrisme surréaliste, symboliste, épais comme un discours de taverne qui gueule, impuissant, qu’on va les lui casser, ses deux jambes, au patron qui force les piquets de grève, me rappelle les excès de langage violents d’André Arthur et autres animateurs répugnants de la radio poubelle. Il y a eu parfois procès contre ces apologistes d’une droite qui a fait sa notoriété quotidienne des ordures qu’elle renifle à plein nez. Arthur a été souvent condamné en Cour pour ses propos. Fillion aussi. On peut pourtant les entendre encore, même qu’Arthur a trouvé suffisamment de cons pour se faire élire, deux fois plutôt qu’une, au Parlement fédéral. À l’opposé de la liberté de parole des salauds, que personne n’a jamais osé censurer, Mise en demeure a rapidement cédé à la censure ; et décidé de ne pas participer aux festivités de la Fête nationale, à Québec. La « crise » déclenchée par le premier ministre, ( encore une ! ), n'aura duré que quelques heures. Personne, à Québec, pour faire une quelconque marche de la liberté, comme en 2004. La problématique soulevée par l'affaire est-elle pour autant terminée ? 

Eminem a été dénoncé pour ses aphorismes haineux, souvent homophobes, parfois sexistes, qu’il crachait dans certaines de ses chansons: « And I can't wait 'til I catch all you faggots in public I'ma love it.. (hahaha) » ( Il s'en est expliqué par après, a prétendu à une poésie inspirée de l’Américain moyen, imbécile et borné : on le croit ou pas, c'est selon... ) Il a été dénoncé ; mais il chante encore, partout, dans les galas les plus jet set. Il vend des millions d'albums. La haine est rapide à faire une belle carrière. Si le texte d'une chanson de Mise en demeure relève du Code criminel, la seule chose correcte à faire est d'engager une procédure judiciaire contre le groupe, au même titre que ce que fait le député de gauche Amir Khadir, qui songe, lui, à poursuivre le Journal de Québec pour diffamation – justement à cause d’une affiche du même groupe, Mise en demeure, qui plaisait dans le décor de la cuisine du député. M. Khadir n’a quand même pas demandé la fermeture du journal. Ce qui m'agace dans la déclaration de M. Charest, comme dans le questionnement du maire de Québec, c'est l'appel à la censure, c’est cette détermination à moraliser d'abord, à censurer par la suite : autrement dit, la répression bien réelle, l’usage d’une loi spéciale non écrite qui autoriserait à museler les mal élevés, surtout s'ils se disent « anarchistes ». En 1983, M. Lévesque n'a pas poursuivi, n'a même pas appelé à la censure quand la CSN l'a surnommé « Le boucher de New Carlisle », référence directe, violente et peu subtile au boucher nazi de Lyon, Claus Barbie. 

La censure m'exaspère. Elle ne cesse de menacer, toujours, la liberté d'expression elle-même. Elle est en soi un acte de violence publique, faisant partie essentielle de ce qu’on appelle, avec raison, la violence d’État. 

Le danger de la censure, c’est aussi le déchaînement d’un délire collectif, populaire, jamais très loin du bûcher vengeur. Le Théâtre du Nouveau-Monde a fait les frais, deux fois, de ce type de censure, en 1979 dans l'affaire « catholique » des Fées ont soif, en 2010 dans l'affaire Cantat. Peu importe le mobile, qu'il soit noble ( à l’exemple de l'affaire Cantat ) ou grotesque ( quand il fallait censurer une statue de la Vierge qui parlait ! ), la censure ne devrait jamais, jamais être un instrument politique légitime. M. Charest n'a pas tort quand il dit des personnalités politiques « qu'on a aussi nos familles ». Jun Lin, dépecé par on-sait-qui, avait lui aussi une famille, et des juristes l'ont rappelé à juste titre, sans appeler à la censure, mais plutôt à la retenue, et si possible, à l’intervention de la loi. Ce n'est pas la censure qui devrait protéger la famille de la ministre Courchesne, c'est la loi. Dans tous les cas, ce n'est jamais la censure qui devrait soutenir la dignité des personnes ou la hauteur d'une cause, mais la dénonciation des victimes d'abus, l'absence de public à un spectacle, et pourquoi pas le mépris. Quant à la loi, bien sûr, si nécessaire, quand la faute est incontestablement criminelle.

Nous sommes dans une époque qui flirte souvent avec la censure, proche parente du « politiquement correct ». En France, il s'en trouve pour vouloir censurer la Marseillaise, faut le faire ! Ceci étant, je crois, sans faire appel à quelque censure que ce soit, qu'une Fête nationale se doit être consensuelle. Décidant de s'abstenir d'y participer en tant qu'artistes, Mise en demeure a probablement pris la décision qui, hélas, s’imposait.


* Mme Courchesne est ministre de l'Éducation du Québec. Elle est donc au coeur de la tempête sociale qui secoue le Québec depuis quelques mois. C'est elle qui a piloté, à l'Assemblée nationale, la loi spéciale qui a restreint les libertés publiques au Québec.




mardi 5 juin 2012

SAINT-MARTIN, LA SUPERBE


Quelques photos prises à Saint-Martin, toutes prises au sud, dans la partie hollandaise, plusieurs à Philipsburg même, capitale des Indes néerlandaises occidentales, sauf la photo de droite, rangée du centre, qui montre la baie de Marigot, capitale de la partie française de l'île.



La pauvreté côtoie l'extrême richesse, les Antillais sont ( trop ) souvent au service des Européens d'origine... Mais malgré tout, Saint-Martin, toute petite île des petites Antilles, pas même cent mille habitants, extraordinairement multiculturelle, vaut le voyage, la visite, l'exploration. Il faut éviter ce que nous avons fait, Chum et moi, le grand hôtel 4 étoiles, et plutôt choisir un petit hôtel de bord de mer, de préférence dans la partie hollandaise de l'île ( mais c'est discutable ), plus jolie que le nord de l'île, français, du moins si l'on compare les deux capitales, Philipsburg et Marigot. Sinon, l'île est ce qu'elle est, un volcan escarpé, et se ressemble, partout, sauf encore, peut-être, la mer des Caraïbes, qui baigne la Grande Baie, naturellement aigue-marine, turquoise jusqu'à l'invraisemblable... Rien vu de plus beau depuis la Méditerranée, en Espagne - à Vinaros, sur la Costa Brava. L'amoureux de la mer que je suis a été servi, à plein: en hauteur, du fort Amsterdam, ou du fort Louis, d'anciens points de défense, devenus sites archéologiques, la vue sur la mer est hallucinante - j'avais un vertige obstiné, au point d'imaginer ne pas pouvoir redescendre ! Je rêvais des petites Antilles, depuis longtemps. J'ai vu, c'est fait. J'ai dit un jour à la jeune dame qui tenait à l’œil le passage vers le fort Amsterdam: « mais vous êtes au paradis, ici ! » Elle m'a souri, parce que bien sûr, elle le savait déjà. 




Source: Google Maps



lundi 4 juin 2012

LA RUE STE-CATHERINE EN ROSE ET NOIR



Rue Ste-Catherine, Village gay, Montréal, 3 juin 2012



C'était agréable, cet après-midi, sur la rue Ste-Catherine. Ça l'était d'autant plus que la décoration de la rue est mieux réussie que l'an dernier, pour simplement avoir diversifié la grosseur des boules roses, et en avoir complètement couvert la portion de rue piétonnisée. Il n'y avait pas foule, pas encore — même la manif étudiante de ce dimanche soir, qui a longé la rue Ste-Catherine, était modeste, à peine deux cents collégiens, des résistants, des tapageurs, des braves. 

C'était autre chose hier soir, à la nuit tombée, sur une rue sans aucune protection policière. Je m'y suis rendu me balader, malgré la pluie. J'y rencontre toujours des gens que je connais. J'y suis resté 20 minutes, le temps d'être agressé par un jeune homme, une armoire à glace, hurlant jusqu'à en baver, en plein délire haineux. Inquiétant, dérangeant. J'ai accéléré le pas, vers la rue St-Hubert. Là, des itinérants dormaient à même le trottoir, et c'était la nuée, pour ceux qui cherchaient encore de quoi faire un trip de nuit, des quêteux prêts à tout, qui résistent farouchement à l'indifférence, qui offrent leur cul, qui harcèlent, qui vont parfois jusqu'à menacer les passants peu portés à donner de leur petit change. Les toxicos sont dans le besoin, urgent. Ils sont chez eux, sur la rue, dans leur salon, dans leur dortoir à ciel ouvert. Il y a là, pour simplement passer son chemin, presque un péage. C'est potentiellement dangereux de l'ignorer. Je sais bien qu'on ne reviendra jamais à l'enfermement asilaire. Je comprends mal, pourtant, ce danger public permanent. Et je comprends mal, surtout, qu'on trouve normale l'itinérance, qu'on l'envisage comme un mal urbain inévitable, qu'on se fasse une conscience sociale pour l'innocenter. L'itinérance n'est pas innocente: c'est le produit scandaleux d'une ville indifférente, qui jette ses rebuts sur la seule rue dédiée aux marginaux en tous genres, c'est le fantasme d'idéologues qui s'illusionnent de droits et libertés inaliénables, y compris cette étrange faculté érigée comme un libre choix de s'abîmer à l'extrême, désespérante quand il s'agit de personnes en détresse aigüe, violente et souffrante. Personne, pas même la gauche anarcho-marxiste, n'a réussi à me convaincre qu'il y avait là un progrès de civilisation à respecter. L'itinérance est un crime social, un abandon insouciant qui nourrit la colère des ravagés et des pouilleux. L'itinérance est un cortège de morts-vivants. Dans l'immédiat, elle a chassé le bourgeois, et c'est ce que j'ai fait, hier soir, je suis parti, je me suis éloigné d'un lieu interdit.

Je suis donc retourné sur mes pas, vers l'est, pensant rentrer chez moi. Je me suis fait couper cinq fois, dix fois par des cyclistes qui roulaient à fond, serpentant entre les piétons, sûrs de leur bon droit, puisque tout le monde, tout ce qui compte de penseurs dans cette ville, qui parlent et qui écrivent pour être bien cotés, leur dit qu'ils sont l'avenir, facteur premier de dépollution, énergie verte par excellence, nouveaux révolutionnaires qui ont jeté aux poubelles de l'Histoire ce combat dépassé pour la justice sociale ou la liberté nationale, bien évidemment absurde quand la Terre se meurt. Quand tu roules pour une cause pareille, la vie, la terre, le ciel et la mer, tu fonces, tu méprises les archaïsmes, tu n'as que faire des vieux débris qui encombrent la voie publique. Coin Panet et Ste-Catherine, un piéton, hélas pour lui, a pourtant eu l'idée stupide de protester, de rappeler à un cycliste qu'il n'avait aucun droit à rouler comme un dément. Pardon, pardon ? Un tour de roue, le vélo préalablement bien stationné, et là, une claque sur la gueule au protestataire rétrograde, au petit baveux, au prétentieux de merde qui a osé remettre en question le privilège absolu, sans réserve, hors la loi, de tout cycliste montréalais qui se respecte, surtout en ce week-end des deux merveilleux tours de l'île. J'entendais le bruit sec et clair que font les coups en plein visage. Il y a eu des cris, une intervention de passants courageux. Quant à moi, je suis décidément rentré chez moi.


La rue Ste-Catherine, piétonnière, déjà tue le commerce, sauf les restaurateurs et autres vendeurs de bière. Elle tue, et se meurt. Dommage, l'initiative était belle de la rendre aux citadins, aux gens du quartier. Mais tant qu'il y aura l'indifférence maquillée en conscience sociale pour les miséreux sans domicile fixe, tant qu'il y aura l'impunité totale, et irresponsable, pour les champions rouleurs — sans papiers — du verdoiement, la rue Ste-Catherine restera désagréable à fréquenter, sauf le rose qui invite à ne rien voir, à tout nier, et à se promener dans l'insignifiance.