Le touriste se porte bien. Il est sous le charme de la vieille Havane, protégée au titre de patrimoine mondial par l’UNESCO. Des travaux de restauration, nombreux, ressuscitent les symboles anciens de la ville coloniale, du vieux quartier d’époque de Batista, du temps de l’impérialisme, et de la corruption, qui ont si essentiellement justifié la guérilla castriste, et la révolution qui a suivi.
Le touriste se porte bien, mais c’est une façade, tout comme l’est cette portion de ville, rafraichie, restaurée, pensée comme un vaste trompe-l’oeil, traitée que pour n’être photographiée, et visitée à la va-vite, le regard en l’air, vissé au luxe architectural des «palacios». C’est un décor, une vitrine. L’épatement du touriste est sincère, mais l’oubli de ce que cachent la couleur et le vernis, impossible. Parce que tout juste avant l’instant de cette photo, et longtemps après, le visiteur est pris d’assaut par une pauvreté agressive; il est harcelé par des survivants qui manquent de tout, qui ont faim, et qui parfois se vendent eux-mêmes, pour obtenir ce que l’embargo américain prétend leur interdire tant et aussi longtemps que Cuba résistera. Sur cette belle rue Obispo, où la photo a été prise, un homme, encore jeune, demande du feu. On s’arrête, mon chum et moi, on lui tend un briquet. Et tout de suite, dans un anglais approximatif, le message, lui, est très clair: des jeunes femmes sont disponibles, et il nous en présente une, sourire rougissant, prétendument excitée. Quoi, quoi, nous ne sommes pas intéressés ? Mais alors, par autre chose, un autre sexe, peut-être ? Et c’est comme ça que ça se négocie, l’offre et la demande, sauvages, désespérées, dans toutes les rues de la vieille et magnifique Havane. À l’hôtel, de vieux dégueulasses paradent avec leurs «conquêtes», de quarante ou cinquante ans leurs cadettes. Ils friment, se tiennent entre eux. Tout le monde est témoin. L’«amour» dure un jour ou deux, et puis c’est la porte pour la jeune dame, une poignée de pésos convertibles à la main, quelques «cadeaux» autrement inaccessibles. Un trésor, à Cuba. Alors on oublie, parce que le tourisme est indispensable à l’économie de Cuba, et surtout, à sa balance des paiements. Le décor a joué son rôle, à plein.
Une Chilienne, parlant français, et qui a travaillé longtemps dans des organismes de solidarité avec le peuple cubain, m’explique que Fidel ne sait rien de tout ça. Quand il sort, il le fait en voiture noire, vitres teintées; les rues qu’il emprunte sont soigneusement choisies, et préalablement nettoyées. Fidel est isolé. On lui cache même la prévarication, qui ne dépend, pour se perpétuer, que de la longévité du Lider Maximo, et de sa foi. L’illusion est effroyable.
L’UNESCO redonne vie à la vielle Havane, et elle a bien raison de le faire: la Habana Vieja est superbe, et elle retrouve, avec les symboles de son ancienne splendeur, la réputation sulfureuse qui a longtemps été la sienne. Curieux retour de l’Histoire. C’est à désespérer de l’humanité.
Le touriste se porte bien, mais c’est une façade, tout comme l’est cette portion de ville, rafraichie, restaurée, pensée comme un vaste trompe-l’oeil, traitée que pour n’être photographiée, et visitée à la va-vite, le regard en l’air, vissé au luxe architectural des «palacios». C’est un décor, une vitrine. L’épatement du touriste est sincère, mais l’oubli de ce que cachent la couleur et le vernis, impossible. Parce que tout juste avant l’instant de cette photo, et longtemps après, le visiteur est pris d’assaut par une pauvreté agressive; il est harcelé par des survivants qui manquent de tout, qui ont faim, et qui parfois se vendent eux-mêmes, pour obtenir ce que l’embargo américain prétend leur interdire tant et aussi longtemps que Cuba résistera. Sur cette belle rue Obispo, où la photo a été prise, un homme, encore jeune, demande du feu. On s’arrête, mon chum et moi, on lui tend un briquet. Et tout de suite, dans un anglais approximatif, le message, lui, est très clair: des jeunes femmes sont disponibles, et il nous en présente une, sourire rougissant, prétendument excitée. Quoi, quoi, nous ne sommes pas intéressés ? Mais alors, par autre chose, un autre sexe, peut-être ? Et c’est comme ça que ça se négocie, l’offre et la demande, sauvages, désespérées, dans toutes les rues de la vieille et magnifique Havane. À l’hôtel, de vieux dégueulasses paradent avec leurs «conquêtes», de quarante ou cinquante ans leurs cadettes. Ils friment, se tiennent entre eux. Tout le monde est témoin. L’«amour» dure un jour ou deux, et puis c’est la porte pour la jeune dame, une poignée de pésos convertibles à la main, quelques «cadeaux» autrement inaccessibles. Un trésor, à Cuba. Alors on oublie, parce que le tourisme est indispensable à l’économie de Cuba, et surtout, à sa balance des paiements. Le décor a joué son rôle, à plein.
Une Chilienne, parlant français, et qui a travaillé longtemps dans des organismes de solidarité avec le peuple cubain, m’explique que Fidel ne sait rien de tout ça. Quand il sort, il le fait en voiture noire, vitres teintées; les rues qu’il emprunte sont soigneusement choisies, et préalablement nettoyées. Fidel est isolé. On lui cache même la prévarication, qui ne dépend, pour se perpétuer, que de la longévité du Lider Maximo, et de sa foi. L’illusion est effroyable.
L’UNESCO redonne vie à la vielle Havane, et elle a bien raison de le faire: la Habana Vieja est superbe, et elle retrouve, avec les symboles de son ancienne splendeur, la réputation sulfureuse qui a longtemps été la sienne. Curieux retour de l’Histoire. C’est à désespérer de l’humanité.