Je viens tout juste de terminer la lecture du tome 2 du Gouvernement de René Lévesque : Du temps des réformes au référendum de 1980, de l’historien (et collègue) Jean-Charles Panneton (Septentrion, 2017, 355 p.)
Je vais d’abord faire bref : excellent, et passionnant, même si l’auteur ne se départit jamais d’une écriture classique, caractéristique d’un essai qu’il veut rigoureux, et qu’il a abondamment documenté. N’empêche, malgré la tentation de l’objectivité, le lecteur sent bien que l’activité de sympathie a joué ici pleinement son rôle, et, loin de nuire à l’ouvrage, elle n’y en ajoute que davantage de crédibilité.
L’essai est spécialisé : nous ne lisons pas une histoire du Québec au temps de René Lévesque, mais bien une histoire de son gouvernement. C’est dire que la société réelle reste la grande absente de ce récit, à quelques exceptions près, entre autres sur le taux de chômage étonnamment élevé, endémique durant toute la période. Ainsi en est-il de l’affaire des Yvettes (mai 1980), parfaitement racontée, mais qui fait silence sur la force du conservatisme social qui n’avait pas trouvé, depuis 1960, de voies d’expression, et qui va là surgir, grâce à cette « gaffe » de Mme Lise Payette, avec une force, un rugissement incroyable : une véritable constellation d’oppositions diverses va se constituer, qui s’est braquée contre la souveraineté pour mieux bloquer, sinon rejeter, en vrac, l’avortement, l’égalité des sexes, la déchristianisation du système scolaire, la laïcité de la chose publique, la révolution sexuelle, la contre-culture elle-même dont les odeurs suspectes flottaient toujours dans les assemblées de masse du PQ d’alors !
Du reste, sur cette fameuse affaire des Yvettes, faut-il rappeler que Mme Payette s’inspirait d’une entrevue durant laquelle M. Claude Ryan, devenu chef du PLQ en 1978, déclarait avoir voulu se marier, à 33 ans, pour ne pas passer « pour une maudite tapette », fixant son choix sur une bonne chrétienne qui lui ferait des enfants — le même Claude Ryan qui, pour discréditer M. René Lévesque par le biais de sa vie privée, disait ne vouloir que des candidats libéraux disposant d’une adresse fixe !
Histoire, donc, du gouvernement de René Lévesque, dont l’originalité la plus marquée reste dans l’utilisation constante qu’a faite l’auteur des procès-verbaux du Conseil des ministres. Ainsi lit-on, surpris, captivé, les échanges, et parfois les déchirements d’une équipe ministérielle qui était loin d’être toujours au diapason. Passionnant, je vous dis.
Je parierais fort que l’ouvrage de Panneton restera comme une référence incontournable, et qu’on verra longtemps des professeurs d’histoire ou de politique, à qui des étudiants demanderont des suggestions de lecture sur l’époque référendaire, leur répondre: « allez donc lire Panneton, c’est l’ouvrage de base. »
Ce livre sera couronné, et il le méritera.
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