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mardi 21 juin 2011

QUAND LA JUSTICE PORTE À DROITE

Cyberpresse, extraits, lundi 20 juin 2011.





La Cour suprême des États-Unis a utilisé les mêmes arguments, à l’encontre de la plainte de milliers de femmes accusant l’entreprise multinationale Walmart de discrimination salariale, exactement la même logique juridique, appuyée par le même type d’arguments constitutionnels, que ceux qui l’avaient amenée, il y a 11 ans de cela, à accorder la Présidence à George W. Bush.
En décembre 2000, la Cour n’avait pas contesté, en soi, la victoire démocratique de Al Gore à la présidentielle; ce détail était secondaire; elle avait jugé que de recompter les votes dans les seuls districts où les résultats étaient contestés, dans le sud-est de la Floride, allait établir une inégalité de fait entre tous les électeurs américains, d’où qu’ils viennent, ce que la Cour jugeait contraire à la Constitution des États-Unis et au Bill of Rights. Ou bien, disait-elle, on recomptait tous les votes, de tous les électeurs, dans le pays tout entier, ou bien on n’en recomptait aucun. Au restant, précisait la Cour, c’est à l’État de Floride de juger de sa mécanique électorale. 
On connait la suite des choses. On en subit encore les conséquences désastreuses: la concentration de la richesse n’a jamais été aussi scandaleuse, l’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé, la classe moyenne s’est dangereusement effritée, la guerre ( et la haine ) est devenue un instrument privilégié de politique étrangère.
La Cour suprême des États-Unis en a-t-elle tiré quelque leçon, un ou deux pincements au coeur ? Pas du tout. Dans le jugement qu’elle a rendu public ce lundi 20 juin 2011, dans l’affaire Women vs Walmart ( j’invente !), la Cour reste fidèle à la logique néolibérale que les conservateurs américains attendent d’elle, pour y avoir nommé la plupart des juges qui s’y retrouvent. La Cour ne conteste pas la discrimination salariale; ce détail est secondaire; elle juge le recours collectif irrecevable, que parce que la discrimination ne peut pas avoir été exactement la même, partout, dans le pays tout entier ! Il n’y a pas de redressement de tort possible si le correctif établit l’inégalité entre les citoyennes. Tant pis s’il y a tort, mais l’égalité passe avant tout.
Voilà qui s’appelle gouverner. Ce qu’ils sont bien, quand même, ces juges, à protéger les puissants de ce monde contre la démagogie démocrate !
Il ne faut pas croire qu’au Canada, «notre» Cour suprême fasse preuve d’un peu plus de générosité sociale. Elle est aussi colonisée que le reste de la société canadienne, aussi aliénée au justificatif américain que ceux qui ont nommé les honorables juges actuellement assis sur le banc. Rappelons-nous le jugement Chaoulli (2005): la Cour suprême du Canada a complètement, et radicalement changé le sens du droit collectif garantissant l’égalité d’accès aux services sociaux, tel que prévu dans la loi, pour privilégier une interprétation parfaitement aberrante, en fait typiquement néolibérale: ainsi la Cour a-t-elle réussi à faire croire que ce droit, de justice sociale, appelé parfois droit de seconde génération, garantissait en fait le droit d’un citoyen, quel qu’il soit, et riche de préférence, à payer pour des services privés si l’État n’était pas assez rapide pour assurer un véritable droit d’accès, non plus pour tous, mais pour chacun des citoyens considéré isolément, et la nuance est capitale ! Comprenons bien, ici, et très exactement, ce que cela veut dire: cela signifie que le droit collectif destiné à protéger les plus démunis est devenu un droit collectif perverti, destiné à protéger le droit d’accès ( rapide ! ) des plus riches au système de santé, qui peut se privatiser pour y pourvoir ! Ce qu’on doit à M. Trudeau et consorts est incommensurable, et dit-on, fait le Canada. Il fait tout au moins des riches heureux, c’est toujours ça de pris.
Voilà ce qui s’appelle répondre aux vrais besoins: entendons les besoins des riches cousus d’or, toujours de plus en plus riches, ici comme aux États-Unis, et qui n’entendent plus partager avec les pauvres, toujours de plus en plus pauvres, l’égalité d’accès aux programmes collectifs, et gratuits, de santé.
Ce n’est pas de la démagogie que de dire que les plus hauts tribunaux, américain comme canadien, savent parfaitement bien servir de marionnette juridique aux puissants de ce monde, quand l’urgence de les soigner avec célérité devient d’une navrante gravité. Quant aux autres, la multitude, le petit peuple bêlant, hé bien, qu’ils attendent, et à la limite, qu’ils crèvent gratuitement. Ça ne sera jamais autant scandaleux que l’élection de Bush, ou le jugement Walmart, incroyable rappel d’une justice dont on ne croyait plus qu’elle pouvait, aussi aveuglément, servir sans état d’âme le capitalisme sauvage. 




lundi 28 mars 2011

À PROPOS DE LA GUERRE POUR LA PAIX



Eleanor Roosevelt présente la Déclaration universelle des droits de l'homme: 1948




Bernard-Henri Lévy publie aujourd’hui, à la une de son blogue, l’intégralité d’une entrevue qu’il a accordée au journal allemand Der Spiegel. Il s’avère encore une fois tel qu’il est depuis la tragédie bosniaque, engagé, passionné, par ailleurs politiquement influent, et aux yeux de plusieurs qui le liront, certainement compromis, de fait, avec la droite néolibérale, et guerrière. Il s’est, dit-il, entretenu plusieurs fois au téléphone avec Nicolas Sarkosy. Le Président l’a écouté, et s’est laissé convaincre, de la nécessité, pour la France, de s’engager dans un « devoir d’ingérence » de type militarohumanitaire. Question d’honorer le drapeau français. Ce n’est pas rien. J’imagine que Sarkosy a aussi écouté d’autres types d’arguments. Ceci étant, BHL sait pertinemment bien que sa position rejoint celle de la droite néolibérale pour qui la guerre faite au nom de la démocratie est toujours menée dans l’intérêt objectif du grand capital, et que la démocratie confondue avec les droits de la personne est toujours indissociable de la mondialisation et des bénéfices nets de l’occident. D’où cet extrait de l’entrevue, crucial, où BHL se sépare des intérêts de l’industrie pétrolière, et conséquemment des intérêts non avoués des États-Unis d’Amérique en Afrique du Nord et au Moyen-Orient :

« Je ne suis pas certain que l’Occident avait tellement envie que ça que le printemps arabe aille jusqu’en été. Je ne suis pas certain, du tout, que l’administration américaine était unanime à vouloir se débarrasser de ce bouffon sanglant [ Kadhafi ] . Est-ce qu’il n’y avait pas, dans toute une partie de l’establishment US, l’idée qu’il y en avait marre, justement, de ce vent de révolte, qu’il était temps de siffler la fin de la récréation démocratique et qu’il fallait tout faire pour éviter que la contagion n’arrive jusque dans le Golfe et dans la ô combien stratégique Arabie saoudite ? C’était la position du Pentagone, par exemple : la Libye comme une porte coupe-incendie évitant que le feu des révoltes ne se propage jusque dans le Saint des Saints. Et c’est [la] raison pour laquelle il ne faut pas parler de « guerre occidentale » : l’occident était divisé, vraiment, sur cette affaire ; vous aviez ceux qui pensaient que la démocratie [était] la meilleure garantie de bonnes relations futures avec le monde arabe et ceux qui, raisonnant à court terme, se sentaient plus à l’aise, plus en pays de connaissance, avec les vieux dictateurs. »

Je n’ai pas d’objection théorique à penser ( humblement ) comme BHL. Mais le suivre, et soutenir la légitimité des opérations de guerre de la Coalition en Libye, obligent à réfléchir sur les responsabilités internationales dans l’après guerre. BHL parie que ce lendemain de guerre sera démocratique, tel que nous l’entendons dans le droit international. Mais si ça ne devait pas être le cas, que devrions-nous faire en suite logique à cette première ingérence  ? C’est là que j’ai des doutes, que je m’éloigne ( je le répète, bien humblement, ) de BHL : les entreprises, les « personnes morales », les intérêts transnationaux, ne sont jamais, jamais indifférents; ce sont, toujours, et précisément, des groupes d’intérêts ; ils ne se servent des nations que pour mieux servir leurs profits ; ils sont capables, aux États-Unis, de puissantes manipulations de l’opinion publique, et parfois formulent exactement les choses telles qu'ils les conçoivent : « ce qui est bon pour General Motors est bon pour les États-Unis, et vice-versa. » En bref, contrairement à BHL, j’ai peur des lendemains de l’affaire libyenne, j’en ai suffisamment peur pour avoir été, malgré le risque de massacres énormes, de gigantesques crimes contre l’humanité, assez froid ( dans la tranquillité de mon salon ) au déclenchement d’opérations de guerre contre un pays arabe et pétrolier.

Conscient de cette critique possible, et d’évidence pas si stupide, de la décision d’intervenir en Libye, BHL précise plus loin : 

« (…) Que la Ligue arabe demande une intervention alliée dans un pays de son périmètre c’est un événement majeur, y compris dans l’histoire des idées. (…) C’est la première fois, du coup, que notre « devoir d’ingérence » se voit pris en charge, mis en œuvre, avalisé dans son principe et dans ses modalités d’application, par des pays non occidentaux. On ne pourra plus en parler comme avant. On ne pourra plus nous faire le coup de la sombre manœuvre de l’Empire et du néocolonialisme déguisé… (…) On a fait un grand pas, là, vers l’idée que l’humanité est une, qu’elle n’est pas segmentée en blocs civilisationnels étrangers les uns aux autres et justiciables de droits différents.  »

C’est là la grande, la très grande question, la problématique première concernant l’avenir de l’humanité, et sa pacification. Je connais des gens, intelligents, sensibles aux autres, militants à leur manière, et qui croient que le respect des libertés individuelles passe d’abord par le respect des différences culturelles, qui transcendent, par exemple, le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes, tel qu’on le met en pratique quotidienne en Amérique du Nord, et ici même, au Québec. Il y a des gens, nombreux, pour qui la femme voilée n’est pas inférieure, mais différente, et qu’on ne peut pas juger à partir de critères occidentaux, même traduits dans une loi prétendument commune à tous et toutes, personnes, cultures, États, nations, civilisations. C’est le multiculturalisme qui est la grande règle de droit, qui garantit au mieux la paix entre toutes les différences.

Je ne partage pas ce point de vue. Je crois, comme BHL, qu’il ne peut pas y avoir des libertés fondamentales « justiciables de droits différents », ni dans la législation nationale, ni dans le droit international. Admettre des droits différents, maintenant, c’est comme naguère établir des « écoles séparées » ; ça ne peut évidemment pas générer une égalité commune entre tous et toutes. Et l’égalité ne peut être vraie qu’à l’intérieur de ce principe fondamental, datant de 1789, que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.

La loi est la même pour tous. On s’imagine le bordel, le chaos terrible, meurtrier, que déclencherait l’application rigoureuse de ce principe, en relations internationales, dès aujourd’hui  ? C’est la raison pour laquelle ce seront les railleurs, les puissants, les intéressés qui finiront par imposer leur solution en Libye, avec la bénédiction timide parce qu’impuissante de l’ONU, et que BHL, quant à lui, n’aura pas fini son combat, tant s’en faut.







mercredi 9 mars 2011

Aperçu critique d’une des pires présidences de l’histoire états-unienne



Paul Wolfowitz au Bureau Ovale: un proche collaborateur du Président



Note: L. m'a demandé un petit résumé de ce qu'ont été les Années Bush. Je me suis amusé à reprendre mes notes de cours, à les résumer, à les proposer ici en lecture - après tout, je suis historien de formation. Ces années 2001-2009 rappellent de bien mauvais souvenirs. Mais j'espère que la lecture de ce billet, pour ceux et celles que le sujet intéresse, présentera quand même quelque intérêt ! J'ai eu, moi, du plaisir à le remettre en forme, à l'écrire.




Candidat du parti républicain, G. W. Bush est « élu » en novembre 2000 par une minorité de voix. Il obtient 50 459 211 votes (47,9 %) contre 51 003 894 pour Al Gore, le candidat démocrate et vice-président sortant (48,4 %).
La Cour suprême des États-Unis valide son élection, en infirmant un jugement de la Cour suprême de l’État de Floride qui avait déclaré que le vote était « paramount », ordonnant en conséquence le décompte des votes, mais que dans les districts électoraux où le résultat était contesté. Il s’agissait de districts à majorité noire, et donc à très probable majorité démocrate. C’est là, précisément, ce que la Cour suprême des États-Unis juge comme une erreur en droit, et voilà pourquoi elle considère la mesure comme une violation de l’égalité, garantie dans le Bill of Rights, de tous les citoyens américains. Au regard de la Cour suprême, il faut recompter le vote de tous les électeurs américains, ou n’en recompter aucun. Plus encore, elle ordonne de respecter la juridiction de l’État de Floride dans le processus électoral de son choix : or le propre frère de Bush est gouverneur de Floride, et le parlement de l’État est à majorité républicaine… Sitôt le jugement du plus haut tribunal du pays connu, la Floride s’empresse de stopper le décompte des votes, et d’accorder ses Grands Électeurs au candidat Bush. C’est ainsi que Bush gagne la majorité au collège électoral, et donc la Présidence. L’affaire a toutes les allures d’un véritable coup d’État constitutionnel. Il faut cependant rappeler qu’il y a des précédents, pas toujours honorables : on pense par exemple aux ignobles tractations qui avaient mené à l’élection de Hayes, un autre républicain, en 1877, désignation qui avait facilité l’organisation de la ségrégation raciale dans les États du sud américain.
George Bush est cependant réélu le 2 novembre 2004, par plus de 62 millions d’électeurs, obtenant une courte majorité absolue de 50,7 % du corps électoral. Il fait un gain de 12 millions de votes depuis 2000.
Cette réélection, finalement assez facile, était pourtant imprévisible quelques mois auparavant. Comment dès lors l’expliquer ? On parle d’effets combinés,  de la guerre en Irak, de la politique fiscale adoptée par l’administration républicaine, et de l’impact de débats sociaux majeurs à l’époque: sur le mariage, sur la laïcité, sur l’avortement, sur la peine de mort, sur les armes à feu… Le candidat démocrate s’enferre sur toutes ces questions. Bush a l’avantage de n’avoir jamais à nuancer ses positions : elles ont le mérite d’être claires.
En politique intérieure, l’Administration Bush ne dévie jamais d’orientations à la fois néolibérales — sur le plan économique —, mais néo-conservatrices, pour tout ce qui concerne les droits et libertés de la personne et la moralité publique.
Ainsi, l’avortement ne peut et ne doit plus être un droit constitutionnel garanti aux femmes américaines. Cela découle de convictions religieuses, bien sûr, mais aussi de l’instrumentalisation politique de la religion et des Églises, y compris catholique, ce qui a beaucoup fait pour le renforcement continu du parti républicain.

L’Administration est défavorable au mariage entre personnes de même sexe, et envisage même une modification constitutionnelle pour bloquer, à jamais, cette hypothèse.

Cependant la présidence Bush défend-elle le statu quo constitutionnel quant aux armes à feu, et encore là, reçoit l’appui des segments les plus conservateurs de la population états-unienne, souvent au sud de ladite Bible Belt.

Après les tragiques attentats du 11 septembre 2001, Bush décide que les terroristes ne relèvent plus du droit international ou des Cours fédérales américaines, mais du seul Code militaire américain et du Military Order du 13 novembre 2001. Il faut attendre jusqu’au 8 novembre 2004 pour qu’un tribunal de NY juge illégales les procédures contre les prisonniers de Guantanamo, jugement confirmé par la Cour suprême des É-U, la même qui, en août 2006, a jugé certaines mesures du Patriot Act, dont l’écoute électronique, comme anticonstitutionnelles. Bush a aussi autorisé la CIA à créer des prisons secrètes et à pratiquer certaines formes de torture, même déguisées. Il fait adopter, par un Congrès docile, le Foreign Intelligence Surveillance Act, qui accorde l’immunité aux entreprises de télécommunications qui ont participé aux écoutes électroniques sans mandat judiciaire...

Néolibérale, l’Administration Bush s’illustre notamment par des diminutions d’impôts, dont 60 % des baisses profitent à ceux qui gagnent plus de 100 000 dollars. Bush rejette le Protocole de Kyoto, et réactive les productions massives d’énergie à partir de pétrole, de charbon et de centrales nucléaires. Les milieux d’affaires, en particulier dans le secteur de l’énergie, acclament le Président.

Mais c’est en politique étrangère que Bush fait sa marque la plus profonde, les critiques diront même la plus sinistre. Depuis 2001, les États-Unis augmentent considérablement leurs dépenses militaires. En atteignant plus de 400 milliards de dollars, dès 2002, ces dépenses sont désormais plus importantes que celles, additionnées, de tous les États du monde, réunis. Or, cette militarisation n’est pas le fait des Événements du 11 septembre, qui ne servent ici que d’accélérateur. Dès le milieu des années 1990 se prépare une reformulation de la politique extérieure américaine et de ses objectifs; au cœur de cette redéfinition s’illustre l’universitaire Paul Wolfowitz, théoricien, depuis 1969, du bouclier antimissile, du rejet des contrôles en armements, et de la théorie de la « construction de la menace », dans le but – avoué ! — d’agir selon le bon vouloir américain dans le monde et de bloquer l’émergence de compétiteurs potentiels. (Chine, Japon, Allemagne.)

Dès 2001, Bush amène Wolfowitz à la Maison-Blanche, en tant que sous-secrétaire d’État à la Défense. La communauté internationale, stupéfaite, doit désormais compter avec une superpuissance qui entend mener une politique de cas par cas, identifiant des États Voyous, l’expression est célèbre, avec repli en regard des organisations internationales contraignantes : la Maison Blanche ne souhaite désormais que des « alliances conjoncturelles ». Après le Onze septembre, Bush trouve les mots pour traduire explicitement la politique étrangère de son pays : « ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes contre nous ». Cet unilatéralisme radical provoque rapidement la fragmentation du monde relativement à la « guerre contre le terrorisme », parce que cette guerre prend trop évidemment en obligation les avantages objectifs des États-Unis, entre autres ce que Bush appelait le « vent du pétrole ».
La guerre contre l’Irak se prépare, exemple cynique, illégal et crapuleux d’une « construction de la menace » typique de la thèse de Wolfowitz. La planification du conflit exige de Bush de le relier à la problématique du Proche-Orient. Bush adopte la thèse du premier ministre israélien Ariel Sharon, qui prétend mener la guerre contre le terrorisme dans les territoires palestiniens occupés. L’incroyable ignorance des enjeux locaux amène même Bush à songer à une solution extrême au conflit israélo-palestinien : ainsi propose-t-il de donner la nationalité américaine à tous les réfugiés palestiniens qui espèrent une solution à leur situation désespérée depuis 1949 !

En mars 2003, la guerre contre l’Irak éclate, l’Irak accusé de tous les dangers, mais possédant 10 % des réserves pétrolières du monde, au moment où la Chine émerge et a d’énormes besoins énergétiques…

Quelques mois auparavant, en décembre 2002, l’Administration Bush relance officiellement le programme de « bouclier antimissile », déjà projeté sous Reagan : le bouclier exige l’abandon du traité ABM, signé en 1972 avec l’ancienne URSS ; il a pour but de protéger l’entièreté du continent nord-américain par un système multicouche, combinaison de radars, de missiles intercepteurs, au sol, en mer, du ciel, et même de l’espace… (D’où la colère américaine quand le Canada, en 2004, refuse de participer au projet, pour cause de militarisation de l’espace, militarisation interdite par le droit international.)

Conséquence inévitable de cette politique internationale: l’illégalité des opérations de guerre, et l’effondrement du système de sécurité collective mis en place depuis 1945. Très révélateur est là-dessus le refus de l’administration Bush de reconnaître la Cour pénale internationale, créée en 1998 pour juger des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. En 2002, le Congrès adopte, tout au contraire, une loi autorisant le Président à prendre tous les moyens, y compris militaires, pour libérer quelque Américain qui pourrait être traduit, hypothétiquement, devant la Cour…

dimanche 30 janvier 2011

ALIÉNATION TRANQUILLE


Milton Friedman: économiste, prix Nobel 1976, principal concepteur ( et de loin ! ) de la très actuelle, et très vantée théorie dite « néolibérale »



J'ai trouvé, ce matin, sur un blogue souvent fabuleux, [ http://bernard-o.blogspot.com/ ] le texte suivant: cynique, percutant, et surtout, responsabilisant, quant à nos valeurs dans le monde économique et social dans lequel nous vivons. Je ne sais pas qui est l'auteur premier de ce texte. Mais il n'en reste pas moins ma Chose vue ( et lue ) du jour. Voici. Amis lecteurs, délectez-vous :


« 1) J'accepte la compétition comme base de notre système, même si j'ai conscience que ce fonctionnement engendre frustration et colère pour l'immense majorité des perdants.

2) J'accepte d'être humilié ou exploité à condition qu'on me permette à mon tour d'humilier ou d'exploiter quelqu'un occupant une place inférieure dans la pyramide sociale.


3) J'accepte l'exclusion sociale des marginaux, des inadaptés et des faibles car je considère que la prise en charge de la société a ses limites.


4) J'accepte de rémunérer les banques pour qu'elles investissent mes salaires à leur convenance, et qu'elles ne me reversent aucun dividende de leurs gigantesques profits (qui serviront a dévaliser les pays pauvres, ce que j'accepte implicitement). J'accepte aussi qu'elle prélèvent une forte commission pour me prêter de l'argent qui n'est autre que celui des autres clients.


5) J'accepte que l'on congèle et que l'on jette des tonnes de nourriture pour ne pas que les cours s'écroulent, plutôt que de les offrir aux nécessiteux et permettre à quelques centaines de milliers de personnes de ne pas mourir de faim chaque année.


6) J'accepte qu'il soit interdit de mettre fin à ses jours rapidement, en revanche, je tolère qu'on le fasse lentement en ingérant ou en inhalant des substances toxiques autorisées par les États.


7) J'accepte que l'on fasse la guerre pour faire régner la paix. J'accepte qu'au nom de la paix, la première dépense des États soit le budget de la défense. J'accepte donc que des conflits soient créés artificiellement pour écouler les stocks d'armes et faire tourner l'économie mondiale.


8) J'accepte l'hégémonie du pétrole dans notre économie, bien qu'il s'agisse d'une énergie coûteuse et polluante, et je suis d'accord pour empêcher toute tentative de substitution s'il s'avérait que l'on découvre un moyen gratuit et illimité de produire de l'énergie, ce qui serait notre perte.


9) J'accepte que l'on condamne le meurtre de son prochain, sauf si les États décrètent qu'il s'agit d'un ennemi et nous encouragent à le tuer.


10) J'accepte que l'on divise l'opinion publique en créant des partis de droite et de gauche qui passeront leur temps à se combattre en me donnant l'impression de faire avancer le système. J'accepte d'ailleurs toutes sortes de divisions possibles, pourvu qu'elles me permettent de focaliser ma colère vers les ennemis désignés dont on agitera le portrait devant mes yeux.


11) J'accepte que le pouvoir de façonner l'opinion publique, jadis détenu par les religions, soit aujourd'hui aux mains d'affairistes non élus démocratiquement et totalement libres de contrôler les États, car je suis convaincu du bon usage qu'ils en feront.


12) J'accepte l'idée que le bonheur se résume au confort, à l'amour, au sexe, et la liberté d'assouvissement de tous les désirs, car c'est ce que la publicité me rabâche toute la journée. Plus je serai malheureux et plus je consommerai: je remplirai mon rôle en contribuant au bon fonctionnement de notre économie.


13) J'accepte que la valeur d'une personne se mesure à la taille de son compte bancaire, qu'on apprécie son utilité en fonction de sa productivité plutôt que de sa qualité, et qu'on l'exclue du système si elle n'est plus assez productive.


14) J'accepte que l'on paie grassement les joueurs de football [ de hockey ] ou des acteurs, et beaucoup moins les professeurs et les médecins chargés de l'éducation et de la santé des générations futures.


15) J'accepte que l'on mette au banc de la société les personnes agées dont l'expérience pourrait nous être utile, car étant la civilisation la plus évoluée de la planète (et sans doute de l'univers) nous savons que l'expérience ne se partage ni ne se transmet.


16) J'accepte que l'on me présente des nouvelles négatives et terrifiantes du monde tous les jours, pour que je puisse apprécier a quel point notre situation est normale et combien j'ai de la chance de vivre en Occident. Je sais qu'entretenir la peur dans nos esprits ne peut être que bénéfique pour nous.


17) J'accepte que les industriels, militaires et politiciens se réunissent régulièrement pour prendre sans nous concerter des décisions qui engagent l'avenir de la vie et de la planète.


18) J'accepte de consommer de la viande bovine traitée aux hormones sans qu'on me le signale explicitement. J'accepte que la culture des OGM se répande dans le monde entier, permettant ainsi aux trusts de l'agroalimentaire de breveter le vivant, d'engranger des dividendes conséquents et de tenir sous leur joug l'agriculture mondiale.


19) J'accepte que les banques internationales prêtent de l'argent aux pays souhaitant s'armer et se battre, et de choisir ainsi ceux qui feront la guerre et ceux qui ne la feront pas. Je suis conscient qu'il vaut mieux financer les deux bords afin d'être sûr de gagner de l'argent, et faire durer les conflits le plus longtemps possible afin de pouvoir totalement piller leurs ressources s'ils ne peuvent pas rembourser les emprunts.


20) J'accepte que les multinationales s'abstiennent d'appliquer les progrès sociaux de l'Occident dans les pays défavorisés. Considérant que c'est déjà une embellie de les faire travailler, je préfère qu'on utilise les lois en vigueur dans ces pays permettant de faire travailler des enfants dans des conditions inhumaines et précaires. Au nom des droits de l'homme et du citoyen, nous n'avons pas le droit de faire de l'ingérence.


21) J'accepte que les hommes politiques puissent être d'une honneteté douteuse et parfois même corrompus. Je pense d'ailleurs que c'est normal au vu des fortes pressions qu'ils subissent. Pour la majorité par contre, la tolérance zéro doit être de mise.


22) J'accepte que les laboratoires pharmaceutiques et les industriels de l'agroalimentaire vendent dans les pays défavorisés des produits périmés ou utilisent des substances cancérigènes interdites en Occident.


23) J'accepte que le reste de la planète, c'est-à-dire quatre milliards d'individus, puisse penser différemment à condition qu'il ne vienne pas exprimer ses croyances chez nous, et encore moins de tenter d'expliquer notre Histoire avec ses notions philosophiques primitives.


24) J'accepte l'idée qu'il n'existe que deux possibilités dans la nature, à savoir chasser ou être chassé. Et si nous sommes doués d'une conscience et d'un langage, ce n'est certainement pas pour échapper à cette dualité, mais pour justifier pourquoi nous agissons de la sorte.


25) J'accepte de considérer notre passé comme une suite ininterrompue de conflits, de conspirations politiques et de volontés hégémoniques, mais je sais qu'aujourd'hui tout ceci n'existe plus car nous sommes au summum de notre évolution, et que les seules règles régissant notre monde sont la recherche du bonheur et de la liberté de tous les peuples, comme nous l'entendons sans cesse dans nos discours politiques.


26) J'accepte sans discuter et je considère comme vérités toutes les théories proposées pour l'explication du mystère de nos origines. Et j'accepte que la nature ait pu mettre des millions d'années pour créer un être humain dont le seul passe-temps soit la destruction de sa propre espèce en quelques instants.


27) J'accepte la recherche du profit comme but suprême de l'Humanité, et l'accumulation des richesses comme l'accomplissement de la vie humaine.


28) J'accepte la destruction des forêts, la quasi-disparition des poissons de rivières et de nos océans. J'accepte l'augmentation de la pollution industrielle et la dispersion de poisons chimiques et d'éléments radioactifs dans la nature. J'accepte l'utilisation de toutes sortes d'additifs chimiques dans mon alimentation, car je suis convaincu que si on les y met, c'est qu'ils sont utiles et sans danger.


29) J'accepte la guerre économique sévissant sur la planète, même si je sens qu'elle nous mène vers une catastrophe sans précédent.


30) J'accepte cette situation, et j'admets que je ne peux rien faire pour la changer ou l'améliorer.


31) J'accepte d'être traité comme du bétail, car tout compte fait, je pense que je ne vaux pas mieux.


32) J'accepte de ne poser aucune question, de fermer les yeux sur tout ceci, et de ne formuler aucune véritable opposition car je suis bien trop occupé par ma vie et mes soucis. J'accepte même de défendre à la mort ce contrat si vous me le demandez.


33) J'accepte donc, en mon âme et conscience et définitivement, cette triste matrice que vous placez devant mes yeux pour m'empêcher de voir la réalité des choses. Je sais que vous agissez pour mon bien et pour celui de tous, et je vous en remercie. »


J'aurais beaucoup à commenter ! Je me bornerai, pour enforcir et élargir le débat possible autour du point 10, de rappeler ce que James Madison, dans les Federalist Papers, disait de la démocratie, dont il affirmait qu'on n'avait rien à en craindre: que c'était là une invention merveilleuse, parce que l'élection d'une majorité artificielle et temporaire allait détourner le regard public du vrai problème, de la vraie question sociale, pour toujours et à jamais, celle de l'inégale répartition des fortunes et de l'injustice fondamentale de l'homme qui nait pour être exploité et ne rien avoir. Quel bonheur que cet homme devienne ( par exemple ) un républicain ou un démocrate, et qu'il en oublie ainsi sa condition ! Madison a convaincu là-dessus nombre de ses contemporains. Et de la révolution américaine jusqu'à maintenant, la démocratie a pu progressivement s'installer, les puissants apprenant à ne plus considérer les masses laborieuses comme une classe dangereuse, mais plutôt comme des votants aliénés. Le bonheur !