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mercredi 24 juillet 2013

HAÏR LA HAINE DE L'ANGLAIS


Picasso. La femme qui pleure. 



« De la même façon que les Québécois ne se définissent plus aujourd’hui selon leur pratique religieuse, les livres d’histoire écriront-ils dans quelques décennies qu’ils ont donné leur 4% à tous ces porte-voix (hargneux et souffrant d’une profonde détestation de l’anglais avec une lettre minuscule et avec une lettre majuscule) qui défendent mal le fait français en Amérique et qui font honte? Je me le demande. Je me le demande sérieusement. » - Joanne Marcotte, Journal de Montréal, 23 juillet 2013

J’ai eu envie, d’abord, lisant cela, de proférer quelques jurons. Et puis, de la retenue (que je me suis dit), un peu quand même, parce que quand la dame évoque cette détestation de l’anglais et des Anglais, je ne peux que me rappeler que plusieurs de mes compatriotes, prétendument moins à droite que Joanne Marcotte, et de beaucoup, pensent, sur cette question, strictement la même chose qu'elle. Combien de fois ai-je pu lire, sur Facebook, dans Voir, dans La Presse, dans d’autres journaux, ou sur des blogues, que la Charte de la langue française était le fruit d’un nationalisme anti-Anglais dépassé, et que l’affirmation de l’identité française du Québec procédait d’une haine viscérale, arriérée, de la communauté anglo-québécoise ? Combien de fois ai-je lu, des bien-pensants d'une certaine gauche, qu'il fallait être moderne, et progressiste, et qu'en conséquence il fallait redouter, en vrac, comme du vieux stock puant, l'identitaire, le drapeau, le racisme, l'ignorance de l'autre dont les subtilités de la pensée sont si souvent dites en anglais ?...

Personnellement, je crois encore, comme le Dr Laurin, que le Québec doit être aussi massivement français que l’Ontario est massivement anglaise. Je crois encore que c’est une question de libération, et de réussite, bien davantage qu’une question de dignité, encore que la dignité soit indispensable pour réussir sa vie (et ne pas courber le dos), de l’école au travail, du travail à la politique, du courage politique à l’assurance culturelle qui favorise, au moins un peu, l’expression d’une pensée complexe et de formes artistiques novatrices. C’était déjà ce qui se trouvait dans le Refus global, un texte fossile (comme de juste) remontant à 1949, un temps archi-lointain. Refuser ? Refuser globalement ? On parle bien de ça, oui, alors qu'il s'agit d'accepter l'autre, et de dénoncer «notre engeance nationaliste» qui se donne pour révolutionnaire alors qu'elle se «caractérise», en fait, et à voir les choses comme elles sont, comme typique de la «contre-révolution» souhaitée au nom de la «tribu». Passer «du confessionnalisme religieux au confessionnalisme linguistique obligatoire» ? Jamais ! (Pierre-Elliot Trudeau, Cité libre, 1964). 

Des intellectuels qui pensent comme ça, qui pensent, sur la langue et la nation, comme Joanne Marcotte et Pierre Elliot Trudeau, il y en a des tas. Sur cette question de la langue, c'est même la mode de cracher sur les saint-jean-baptisards fascisants. J’imagine qu’écrivant cela, avec un relent d'acrimonie, j’exprime là mon vieux nationalisme, et ma haine (bonasse, quand même) des Anglais. Dès demain, je m’abonne à The Gazette — pas au Journal de Montréal, je ne me convertis pas, dieu m'en garde, à tout ce que pense Mme Marcotte... Je deviens quelqu’un de bien. Je cesse, comme le dit Joanne Marcotte, de faire honte à tant détester ce que je ne suis pas. Je cesse d'être favorable à la «contre-révolution nationale-socialiste». (Trudeau, 1964, loc.cit.)

PS Comme quoi on radote depuis longtemps, au Québec, particulièrement dans les milieux de la droite anti-nationaliste, même maquillée en progressistes. Ce sont les seuls, pourtant, qui ont  ce triste privilège d'avoir tenté d'écraser la liberté les armes à la main.






vendredi 16 décembre 2011

JUSTIN TRUDEAU: L'HÉRITAGE

 
Justin Trudeau: caricature de Serge Chapleau, dans La Presse


La caricature est trop bonne ( trop exacte et trop vraie ) pour ne pas la publier à nouveau ici ! J'espère que M. Chapleau n'y verra pas d'inconvénient...

Il y a un destin qui pèse sur Justin Trudeau, sa vie, ses convictions, la richesse cavitaire de sa pensée. Il est l'héritier de l'Autre* ( qui savait, parfois, se révéler tel qu'il était, comme une véritable merde en complet-veston,** ) jusqu'à la caricature... caricature à peine chargée qu'on faisait de lui il y a ( déjà ! ) 40 ans: « T'as fait caca, Justin Trudeau ? »... Les Cyniques, à l'époque, ne croyaient pas, en prêtant ces propos à l'illustre papa, prévoir si bien les références culturelles fondamentales du fiston, devenu jeune homme, et ce qu'il allait libérer par la suite, à fréquence régulière, sa vie durant... ( Je me rappelle, tiens, d'un «tweet»/gazouillis - où Justin Trudeau réfléchissait, en 140 caractères, ( tout juste l'espace nécessaire, quoi ! ) sur les désagréments comparés des petits cabinets de train et d'avion... Bref, on ne change pas si facilement sa nature profonde ! L'homme, de par l'héritage de son père, est fait pour les cabinets, pas de doute là-dessus ! )

S'il y a une chose qui me console du résultat des dernières élections fédérales, c'est que le Parti libéral du Canada soit passé au rang de tiers parti, et que les chances que Justin Trudeau devienne un jour Premier ministre du Canada sont désormais microscopiques, bactériennes pour être précis...

Son père disait: « Just watch me ! », c'est resté ( sinistrement ) célèbre. On « watche » Justin, et on est ( disons-le ) très franchement soulagé qu'il ne veuille que « change the world » qu'un « little bit », chaque jour, en déposant en sol canadien les précieuses matières premières de sa pensée. Il y a là, par la fertilisation qu'il fait, en train ou en avion, de nos vastes contrées, un don gratuit de sa personne qui épate le badaud ( horriblement nationaliste ) que je suis...

* Pierre-Elliot Trudeau, Premier ministre libéral du Canada de 1968 à 1984, sauf un très court passage, en 1979, qu'il a fait sur les banquettes de l'opposition...

** L'image est empruntée et adaptée; mais elle est, en fait, de Napoléon, qui avait ainsi dessiné, d'un trait saisissant de justesse, le prince de Talleyrand...








mercredi 2 novembre 2011

LE MYTHE TRUDEAU




Je viens, tout en mangeant, d’écouter le Club des ex, qui dénonçait ( disons ) le virage monarchique, guerrier et unilingue du gouvernement Harper. Par comparaison, le même club magnifiait ( comme de juste ) l’héritage Trudeau, ce bilinguisme prétendument rigoureux, qu’aurait respecté par la suite le gouvernent Mulroney.

La blague est bonne. Parce que le gouvernement Trudeau n’a jamais appliqué un bilinguisme intégral, jamais. Souvenez-vous de la crise des gens de l’air, ces pilotes qui voulaient pouvoir travailler en français chez le transporteur national: Trudeau avait reculé face à Air Canada, comme il a reculé devant la fronde des fonctionnaires fédéraux unilingues. En fait, les services bilingues, assurés par l’État fédéral, sont rigoureusement... limités.  Souvenez-vous, surtout, de cette clause légale et constitutionnelle, parfaitement odieuse, dite du «là où le nombre le justifie», qui s’applique à toutes les provinces, sauf au Québec, ce qui leur permet de restreindre considérablement l’obligation qui leur est faite d’assurer le bilinguisme scolaire. Seul le Québec a l’obligation de fournir des services scolaires en anglais, partout sur son territoire, sans égard à la clause du «nombre qui le justifie». Le scandale reste énorme, l’injustice, criante.

( Par ailleurs, l’idée même d’un Canada davantage pacifiste durant l’ère Trudeau fait franchement sourire. Il y avait les mots, c’est vrai. Il y avait le « Viva Cuba, Viva Castro », c’est vrai. Mais qui, mais qui donc, pourtant, a autorisé, sur le territoire canadien même, l’essai des missiles Cruise, puissamment souhaité par l’administration Reagan ? L’Alberta en entend encore les sifflements ! Et ce n'est là qu'un exemple. )

Mulroney, c’est exact ( et Chantal Hébert l’a quelques fois rappelé, ) a tenté, avec l’Entente du Lac Meech, de traduire la réalité québécoise dans la constitution, juste contrepoids à la clause du « là où le nombre le justifie. » On sait tous comment nos compatriotes du Canada anglais ont pulvérisé l’Entente, guidé en cela par M. Trudeau lui-même. Cependant, M. Mulroney était parfaitement capable, lui aussi, de prendre ses libertés face à la loi sur les langues officielles, et face aux obligations découlant de la constitution canadienne elle-même. Il a nommé, par exemple, un gouverneur général, Ray Hnatyshyn, qui ne disait pas un mot de français. Aux journalistes qui s’étonnaient, M. Mulroney avait répondu que « c’était la valeur de l’homme qui comptait. » Et voilà pour le sacro-saint principe !

On a vraiment la mémoire courte. On aime entretenir des mythes. Celui de l’héritage intangible de M. Trudeau en est un, joyeusement mensonger. Mais quand on est bien élevé, ( et un peu aliéné, ) ce sont des choses qu’il est préférable de ne pas dire — ou même d’écrire.