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jeudi 10 janvier 2013

L'HOMOSEXUALITÉ EST UN CRIME CONTRE L'HUMANITÉ






Je viens tout juste de regarder cette vidéo, tirée d’une émission de la télé camerounaise, et opposant la militante des droits de la personne, Alice Nkom, à un représentant de la jeunesse du Cameroun. C'est Rue89 qui, dans son édition du 9 janvier, fait référence à cette vidéo, à propos de meurtres homophobes, commis, semble-t-il, dans la joie. Je connais un tout petit peu Me Nkom; je l’ai déjà rencontrée. J’en ai parlé ici, sur ce blogue: c’était au mois d’août 2011. Elle était la présidente d’honneur des Festivités de la Fierté — pour mes amis français, la Gay Pride de Montréal.

Me Nkom mène un combat qui l’expose aux pires dangers. On le comprend d’autant mieux que dans cette vidéo, son contradicteur lui assène, sans rire du tout, que l’homosexualité est un crime contre l’humanité, et que la Déclaration universelle des droits de l’homme est un produit du seul Occident, immoral, décadent, mais en position de force pour imposer — temporairement — ses valeurs. Et que penser d’Obama, maintenant, qui prône l’égalité de tous devant le mariage ? Il se trompe; il se déshonore; qu’il reste chez lui. 

Je suis doublement interpellé. Je suis occidental, et je suis gay. Et je me demande, fatalement, je doute, je m’interroge, vous savez, comme à la confesse, dans le temps: est-ce que je dois me sentir coupable d’être occidental ? Est-ce que je dois reconnaître une valeur partielle, circonstancielle, et géographiquement variable, à la Déclaration universelle des droits de l’homme ? Est-ce qu’il y a des accommodements raisonnables et nécessaires qui doivent être acceptés, quant à l’application de la Déclaration, au point de vue de certaines parties du monde ?

Ce sont des questions très complexes. Mais si on doit répondre par l’affirmative à ces questions, parce qu’on est progressiste, par exemple, antiraciste, et de cette gauche puritaine que j’exècre, je ne sais plus dès lors si je suis digne de quoi que ce soit, et j’ignore dorénavant si le Droit, à défaut d’humanisme, me protège intégralement; me faut-il alors m’accuser, et me reconnaître comme un criminel contre l’humanité, un décadent, et un pervers, du reste qu’en sursis, puisque l’Occident, impérialiste, sera tôt ou tard vaincu, et que la morale naturelle sera de ce fait rétablie ? Est-ce que le concept de loi commune pour tous et toutes a encore un sens, maintenant, pas dans dix ans, pas dans cent ans, mais maintenant, partout sur terre ? Est-ce j’ai raison de croire que la loi est d’autant plus commune à tous et toutes qu’elle doit protéger les minorités ? Peut-on se permettre de croire qu’il y a une loi commune pour l’humanité tout entière, avant même de pouvoir parler de crime contre l’humanité ?

Parfois, parfois, j’en ai vraiment assez d’être un sous-homme. Parfois, j’en ai vraiment assez de faire honte, et d’avoir honte. Parfois, j’en ai vraiment assez de tous ces hypocrites défenseurs de la justice internationale, et du respect des civilisations, qui ne diraient pas un mot, pas un seul mot, pour s’insurger qu’il y ait encore, sur cette terre, des partisans avoués d’espèces supérieures, de genre et d’orientation, qui soient à protéger contre ces animaux corrupteurs que sont les hommes et les femmes gaies. Parfois, j’en ai vraiment assez.


PS (du 11 janvier 2013)
À un ami qui s'inquiétait que je me fasse du mal, à force de me mortifier, de prendre trop à coeur, j'ai répondu ce qui suit:


« Mon ami, je vais bien, t'en fais pas pour ma santé mentale ! Je suis en amour, et je vis dans une société où ma sécurité, tout comme mes droits, est encore à peu près équitablement protégée. 

Je ne me fais donc pas souffrir, mais je souffre pour de vrai, je suis humilié pour de vrai, quand je lis qu'il y a encore des emprisonnements, de la torture, de la violence sociale, des meurtres et des condamnations à mort pour homosexualité. Je souffre pour de vrai quand j'entends un homme dire que je participe (bien malgré moi, parce que je n'ai pas choisi ce que je suis,) à un crime contre l'humanité. Je souffre pour de vrai quand je constate l'indifférence générale face à la violence faite aux personnes gaies, si je compare, par exemple, à la violence faite aux femmes, qui elle, scandalise, avec raison du reste. 

Je ne suis pas surpris que personne, ou à-peu-près, n'aient réagi à mon texte, sur Facebook, ou directement sur mon blogue. Ça reste un sujet embarrassant, honteux, qu'on préfère ne pas voir.

Et puis, surtout, il y a cette question du droit international, de la Déclaration universelle des droits, et du Protocole qui l'opérationnalise - qui est contraignant, théoriquement, pour les pays membres de l'ONU. J'ai, comme beaucoup, cru au travail du temps. J'ai cru au respect des cultures, des croyances et des civilisations. J'ai cru qu'il ne fallait pas que nos droits, à nous occidentaux, soient brandis comme des instruments d'impérialisme nouveau genre à l'endroit des pays en voie de développement durable. Et puis, voilà que j'écoute cet hurluberlu qui parle de crime contre l'humanité, et qui justifie sa haine par le rejet d'une Déclaration universelle qui ne serait que le produit de l'occident et de ses «valeurs». Et je sais bien qu'il y a, ici, chez nous, au Québec, des militants de gauche qui pensent la même chose, et qui opposent à la défense universelle des droits égaux pour tous le même argument «anti-impérialiste» que ce monsieur camerounais. Ça m'a heurté, scandalisé. Ça a été, pour moi, un moment de rupture idéologique. Et je pose à nouveau la question essentielle: combien de morts, d'emprisonnements, de torture, de discrimination faut-il encore endurer, et pour combien de temps, dix ans, cent ans, avant que la déclaration des droits ait un sens réel pour tous et toutes, partout sur la terre entière ? Me Nkom est engagée mondialement dans la lutte pour l'égalité. Elle a l'appui (entre autres!) d'Hillary Clinton. En écrivant mon billet, je fais ce que je peux, de loin, pour l'appuyer. On sait jamais, ça peut, peut-être, aider. »



lundi 28 mars 2011

À PROPOS DE LA GUERRE POUR LA PAIX



Eleanor Roosevelt présente la Déclaration universelle des droits de l'homme: 1948




Bernard-Henri Lévy publie aujourd’hui, à la une de son blogue, l’intégralité d’une entrevue qu’il a accordée au journal allemand Der Spiegel. Il s’avère encore une fois tel qu’il est depuis la tragédie bosniaque, engagé, passionné, par ailleurs politiquement influent, et aux yeux de plusieurs qui le liront, certainement compromis, de fait, avec la droite néolibérale, et guerrière. Il s’est, dit-il, entretenu plusieurs fois au téléphone avec Nicolas Sarkosy. Le Président l’a écouté, et s’est laissé convaincre, de la nécessité, pour la France, de s’engager dans un « devoir d’ingérence » de type militarohumanitaire. Question d’honorer le drapeau français. Ce n’est pas rien. J’imagine que Sarkosy a aussi écouté d’autres types d’arguments. Ceci étant, BHL sait pertinemment bien que sa position rejoint celle de la droite néolibérale pour qui la guerre faite au nom de la démocratie est toujours menée dans l’intérêt objectif du grand capital, et que la démocratie confondue avec les droits de la personne est toujours indissociable de la mondialisation et des bénéfices nets de l’occident. D’où cet extrait de l’entrevue, crucial, où BHL se sépare des intérêts de l’industrie pétrolière, et conséquemment des intérêts non avoués des États-Unis d’Amérique en Afrique du Nord et au Moyen-Orient :

« Je ne suis pas certain que l’Occident avait tellement envie que ça que le printemps arabe aille jusqu’en été. Je ne suis pas certain, du tout, que l’administration américaine était unanime à vouloir se débarrasser de ce bouffon sanglant [ Kadhafi ] . Est-ce qu’il n’y avait pas, dans toute une partie de l’establishment US, l’idée qu’il y en avait marre, justement, de ce vent de révolte, qu’il était temps de siffler la fin de la récréation démocratique et qu’il fallait tout faire pour éviter que la contagion n’arrive jusque dans le Golfe et dans la ô combien stratégique Arabie saoudite ? C’était la position du Pentagone, par exemple : la Libye comme une porte coupe-incendie évitant que le feu des révoltes ne se propage jusque dans le Saint des Saints. Et c’est [la] raison pour laquelle il ne faut pas parler de « guerre occidentale » : l’occident était divisé, vraiment, sur cette affaire ; vous aviez ceux qui pensaient que la démocratie [était] la meilleure garantie de bonnes relations futures avec le monde arabe et ceux qui, raisonnant à court terme, se sentaient plus à l’aise, plus en pays de connaissance, avec les vieux dictateurs. »

Je n’ai pas d’objection théorique à penser ( humblement ) comme BHL. Mais le suivre, et soutenir la légitimité des opérations de guerre de la Coalition en Libye, obligent à réfléchir sur les responsabilités internationales dans l’après guerre. BHL parie que ce lendemain de guerre sera démocratique, tel que nous l’entendons dans le droit international. Mais si ça ne devait pas être le cas, que devrions-nous faire en suite logique à cette première ingérence  ? C’est là que j’ai des doutes, que je m’éloigne ( je le répète, bien humblement, ) de BHL : les entreprises, les « personnes morales », les intérêts transnationaux, ne sont jamais, jamais indifférents; ce sont, toujours, et précisément, des groupes d’intérêts ; ils ne se servent des nations que pour mieux servir leurs profits ; ils sont capables, aux États-Unis, de puissantes manipulations de l’opinion publique, et parfois formulent exactement les choses telles qu'ils les conçoivent : « ce qui est bon pour General Motors est bon pour les États-Unis, et vice-versa. » En bref, contrairement à BHL, j’ai peur des lendemains de l’affaire libyenne, j’en ai suffisamment peur pour avoir été, malgré le risque de massacres énormes, de gigantesques crimes contre l’humanité, assez froid ( dans la tranquillité de mon salon ) au déclenchement d’opérations de guerre contre un pays arabe et pétrolier.

Conscient de cette critique possible, et d’évidence pas si stupide, de la décision d’intervenir en Libye, BHL précise plus loin : 

« (…) Que la Ligue arabe demande une intervention alliée dans un pays de son périmètre c’est un événement majeur, y compris dans l’histoire des idées. (…) C’est la première fois, du coup, que notre « devoir d’ingérence » se voit pris en charge, mis en œuvre, avalisé dans son principe et dans ses modalités d’application, par des pays non occidentaux. On ne pourra plus en parler comme avant. On ne pourra plus nous faire le coup de la sombre manœuvre de l’Empire et du néocolonialisme déguisé… (…) On a fait un grand pas, là, vers l’idée que l’humanité est une, qu’elle n’est pas segmentée en blocs civilisationnels étrangers les uns aux autres et justiciables de droits différents.  »

C’est là la grande, la très grande question, la problématique première concernant l’avenir de l’humanité, et sa pacification. Je connais des gens, intelligents, sensibles aux autres, militants à leur manière, et qui croient que le respect des libertés individuelles passe d’abord par le respect des différences culturelles, qui transcendent, par exemple, le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes, tel qu’on le met en pratique quotidienne en Amérique du Nord, et ici même, au Québec. Il y a des gens, nombreux, pour qui la femme voilée n’est pas inférieure, mais différente, et qu’on ne peut pas juger à partir de critères occidentaux, même traduits dans une loi prétendument commune à tous et toutes, personnes, cultures, États, nations, civilisations. C’est le multiculturalisme qui est la grande règle de droit, qui garantit au mieux la paix entre toutes les différences.

Je ne partage pas ce point de vue. Je crois, comme BHL, qu’il ne peut pas y avoir des libertés fondamentales « justiciables de droits différents », ni dans la législation nationale, ni dans le droit international. Admettre des droits différents, maintenant, c’est comme naguère établir des « écoles séparées » ; ça ne peut évidemment pas générer une égalité commune entre tous et toutes. Et l’égalité ne peut être vraie qu’à l’intérieur de ce principe fondamental, datant de 1789, que la loi est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.

La loi est la même pour tous. On s’imagine le bordel, le chaos terrible, meurtrier, que déclencherait l’application rigoureuse de ce principe, en relations internationales, dès aujourd’hui  ? C’est la raison pour laquelle ce seront les railleurs, les puissants, les intéressés qui finiront par imposer leur solution en Libye, avec la bénédiction timide parce qu’impuissante de l’ONU, et que BHL, quant à lui, n’aura pas fini son combat, tant s’en faut.