jeudi 27 octobre 2011

TEMPS D'ALIÉNATION

 Source: Archives publiques du Canada

De loin ( de Paris, accroché à un temps de printemps qui persiste ), je ne lis que très épisodiquement les nouvelles en provenance du Québec.

Mais il y a deux choses qui m'étonnent quand j'y jette un œil, parce qu'elles sont récurrentes, toujours, ce qui ne veut pas dire résiliantes, tant s'en faut. Ça me semble plutôt malsain, pour tout dire.

M. Charest n'apparait plus du tout capable de décision, non pas juste et équitable - ce qui est toujours complexe - mais plus simplement évidente et consensuelle. Il n'a plus le sens politique. Tout se passe comme s'il ne comprenait plus rien, qu'il perdait ses repères, qu'il était carrément confus. La chose est franchement inquiétante. C'est le premier ministre.

Mme Marois s'accroche, se bat et se débat, dans un combat dont l'issue n'intéresse plus personne, tant le knock-out semble inévitable. Pourquoi ne part-elle pas ? Sa résistance n'a plus rien d'héroïque, même si elle semble s'appuyer sur la loyauté et l'honneur d'un dernier carré de fidèles; cette volonté de durer à tout prix devient franchement avilissante, pour elle, pour ses proches, pour la cause à laquelle elle croit. Et pourtant, ce n'est quand même pas de sa faute si les Québécois ont, le 2 mai dernier, tourné la page, et renoncé, une fois pour toutes, à leur propre liberté collective. 

L'effondrement du mouvement souverainiste trouve son explication dans des strates historiques bien plus significatives que la personnalité de Mme Marois elle-même. La loi 101 a beaucoup fait pour casser la dynamique indépendantiste. La Charte fédérale de 1982, et le renversement consécutif de la perception, comme du sens historique même, de l'existence de la minorité anglaise de Montréal, a fait beaucoup plus encore pour affaiblir et discréditer le mouvement de libération nationale. On s'est mis à le soupçonner d'être oppresseur, fascisant. Les Anglo-Montréalais, très combattifs, et jamais gênés de l'être, ont eu la partie belle là-dessus, drapés dans les droits et libertés de la personne, magnifiés par la Charte - on aurait presque envie de dire: la grande charte. 

L'image de Mme Marois est bien peu de choses, en regard de ces tendances lourdes, qui sont du reste plus que des tendances, mais bien des institutions. Elle n'y peut rien, ni elle, ni son successeur, ni M. Duceppe, ni Mme David, ni M. Khadir, ni même le trop brillant M. Aussant.

C'est l'Histoire qui est coupable, l'histoire qui a vu perdre M. Lévesque et gagner M. Trudeau, perdre M. Parizeau et gagner M. Chrétien. Ce n'est pas vrai que l'histoire soit juste. L'impopularité de la Cause n'est pas une indignité. Mais nier l'évidence jusqu'à l'extrême, mettant son nom propre - Pauline Marois - sur la fosse commune qui se creuse, et qui ne tient pas à elle, relève, cependant, de l'indignité la plus injuste, et la plus désolante qui soit. Partez, Mme Marois. Il n'y a pas de honte à y avoir.







POST-SCRIPTUM (  ... fait d’extraits d’interventions que j’ai écrites, ce dimanche 30 octobre, sur Google +, parlant politique avec d’autres passionnés, pas nécessairement d’accord avec mes propos. Mes arguments ne prétendent en rien - ou presque ! - à l’objectivité. Mais c’est ce que je crois, et je les reproduis ici, parce qu’ils étoffent ce que j’ai déjà écrit, dans ce billet sur ces Temps d’aliénation, il y a quelques jours. ) :

- Quant au sondage qui donne M. Duceppe gagnant contre tous ses adversaires possibles, y compris M. Legault, s’il devenait chef du Parti québécois:

« Intéressant... Mais j'y crois peu. Ce tangage de l’opinion est aussi superficiel et éphémère que le vote du 2 mai dernier. Non pas que M. Duceppe ne soit pas un politicien intègre, engagé à gauche, et fermement indépendantiste. Mais passer de Legault à Duceppe, comme ça, sur un trip, je n'y crois pas, pas plus que de passer, sur un trip, de Duceppe à Layton. C'est pas sérieux, même si les conséquences du vote du 2 mai dernier seront, elles, sérieuses. Cela aura un effet dévastateur sur les projets de société propres au Québec, entre autres et surtout sur la question nationale. Le 2 mai dernier, nos compatriotes ont congédié une des meilleures équipes parlementaires de l'histoire de la Chambre des communes. Sans raison. Sans reproche spécifique. Il y a eu l'effet « trip », bien entendu. L'effet moustache sympathique. Mais il y a eu plus profond que ça aussi. Il se peut, oui c’est possible, que Gilles Duceppe soit le prochain Premier ministre. Mais lui aussi sera prisonnier du dilemme d'être souverainiste face à une population qui a fait un choix ultime, le 2 mai dernier. Et les déchirements continueront. »

- Quant à l’avenir, pour moi douteux, du mouvement indépendantiste québécois:

... « Ouais, c'est moi qui ai parlé d'ordures et de méchants, parce que pour moi, il faut l'être pour tromper et manipuler l’électorat, entre autres avec le fric. Le comportement de l'État fédéral, en 1980 tout autant qu'en 1995, a été parfaitement odieux, illégal et immoral. Le plus grave de tout, c’est que l’État fédéral ne s’est pas gêné pour jouer avec le droit de vote lui-même, en violant sa propre loi sur la citoyenneté, et ce, à quelques jours du référendum du 30 octobre 1995.

Je pense, c’est exact, que les électeurs reconnaissent, parfois, qui leur dit vrai et porte en lui ( ou en elle ) leurs espoirs et leurs blessures. C'était certainement le cas de René Lévesque. Félix Leclerc disait qu’il avait, accusé dans les traits de son visage, toute la souffrance d'un peuple. Mais malgré tout, en ce qui concerne l'avenir du mouvement souverainiste, je n’y crois plus depuis le 2 mai dernier. ( J'en ai assez d'avoir de la peine et d'être humilié, faut dire ! ) C’est vrai que les choses ne s'évaluent correctement qu’à long terme. Le prof d'histoire que je suis ne va certainement pas nier ça. Il faudrait donc refaire l'histoire des 50 dernières années, et y déceler une constante possible, et en croissance. Mais... ( je vais me faire détester, c'est sûr, ) je n'y crois pas, je n'y crois plus. Les causes sont complexes. La Charte de 1982 a joué un rôle considérable, a donné des moyens légaux et moraux au Canada anglais, a transfiguré le rôle historique de la minorité anglo-montréalaise de façon radicale, essentielle. Et puis, je crois que les Québécois sont plus Canadiens qu'on ne le croit. Il y a de l'attachement bien réel pour ce pays qu’est le Canada. Et il y a surtout, cependant ( et ce, à mon humble, très humble avis, ) une aliénation profonde, aliénation au sens sociologique du terme, dont les causes sont multiples, et remontent à la Conquête elle-même.

Quand j'ai vu des citoyens de Louiseville, après le 2 mai, trouver leur nouvelle députée fédérale « cute » et « charmante », et qu'elle allait certainement « bien les représenter », tout cela sous l'oeil goguenard de l'ex d'Alliance-Québec Thomas Mulcair, je me suis déconnecté de mon rêve, irréversiblement, définitivement. Cette niaiserie collective, cette absence d'engagement réel, qui persiste et dure, ce n'est pas la faute de Mme Marois si ça se réalise finalement comme ça, en 2011. Mme David elle-même n'y pourrait rien. La faute, s’il en est une, elle est le fait de nos compatriotes qui ne veulent plus de leur libération nationale. Nous ne sommes vraiment pas les Irlandais, ni même les Américains de 1776.

Et pourtant, nous aurions tant à gagner de notre libération collective, ne serait-ce qu'au niveau du décrochage scolaire des garçons, par exemple.

Nous préférons Céline, Las Vegas, le fric, les torrents de paires de souliers. Ce n'est pas simplement de la manipulation. C'est aussi notre choix, notre identité. »


- Quant au suffrage universel, et ce qu’on en fait, au Québec, allègrement:

« Bien sûr que les électeurs peuvent se tromper. Bien sûr que les électeurs peuvent avoir tort. Affirmer que les électeurs ne se trompent, par essence, jamais, est une grossière illusion narcissique. Rappelons-nous ( je prends un exemple extrême ) janvier 1933. Il y a de nombreuses études historiques, bien faites, qui montrent à quel point le suffrage universel a été dénaturé et perverti, et cela, dès le 19ème siècle. Quand Madison, dans les Federalist Papers, disait à ses contemporains de ne pas redouter le suffrage universel, parce qu'il masquerait, grâce à l’aveuglement partisan, les intérêts bien réels qui se jouent et se révèlent au cours d’une élection, je crois qu'il avait parfaitement raison, et les cousus d’or de l’époque l’ont parfaitement compris. Il ne faut pas voter avec son coeur. Encore moins avec son instinct. Il faut voter pour ses intérêts ( de classe, de catégories d'âge, de régions, de sous-groupes, de nation, et que sais-je... ). Mais les électeurs, partout en Occident, et sauf de rares exceptions, ont rapidement cessé de voter en fonction de leurs intérêts. Ils votent, conditionnés par des machines bien huilées qui parviennent à leur faire considérer comme « ennemis » leurs propres compatriotes, de nation, ou de classe. C'est triste, mais c'est comme ça, et c’est voulu comme ça. Madison avait bien vu.

Le droit de vote va avec des obligations, non seulement de voter comme tel, mais de se renseigner, au-delà des images et des impressions. Il y a un devoir d'électeur. Si l'électeur vote sur un trip, pour « essayer autre chose », parce qu'il ou elle est sympa, parce qu'il ou elle a une face à claque, alors ça ne vaut pas la peine de voter. Et bien sûr, les puissants, les établis, les vrais détenteurs de pouvoir rigolent de ce bon peuple qui vote sans sens ni raison. ( J'ai eu de l'espoir, il y a quelques semaines, du côté des Indignés. Mais de toute évidence, ici comme ailleurs, ça ne va nulle part. Dommage. Comme l'expliquait récemment M. Parizeau, le scandale du comportement des banques est pourtant colossal. Ça justifie la colère. Et c'est autrement plus important que la tenue vestimentaire de Mme Marois. Mais ça ne mène nulle part. Pas davantage pour l’indépendance que pour la remise en question d’un système devenu scandaleux, crapuleux. »








mercredi 12 octobre 2011

DEUX FAÇONS DE « VOIR » LE FUTUR


Nébuleuse de la Bulle ( NASA )

À propos de l'Univers, et de la télé, perçus comme deux « espaces » en expansion accélérée...

J'ai publié quelques fois des photos éditées par la NASA, provenant la plupart du temps de pures visions célestes captées par Hubble. La NASA colore « scientifiquement » - dit-elle - ces photos, comme celle-ci, de la Nébuleuse dite de la Bulle: c'est un peu dommage que la coloration ait une intelligence scientifique, une probabilité matérielle; on voudrait que la NASA possède le talent d'un Chagall. ( Mon prochain billet, il portera sur Nice, tant qu'à faire. C'est à Nice que se trouve le musée Marc Chagall. Heureux hasard, j'y serai ! )

Si le grand historien américain Daniel Boorstin devait réécrire son chef-d'oeuvre, Les Découvreurs, un des plus grands livres d'histoire jamais écrits, Hubble y trouverait maintenant sa place, fabuleuse, poétique, pour un temps pacifique, poursuivant l'exploration amorcée et agrandie par Christophe Colomb, ou Sigmund Freud. Il y a de l'Amérique et de l'inconscient dans ces images révélées par Hubble; on s'étonne que des artistes aient pu les « voir », bien avant que Hubble en prouve l'indéniable existence, et en montre l'extraordinaire beauté. ( Encore que cette « beauté » s'ignore complètement, détail qu'on ne peut quand même pas négliger...  )

Qu'est-ce que la science apprend réellement des données qu'envoie docilement Hubble vers la Terre ? J'imagine que les découvreurs en apprennent beaucoup, et qu'ils théorisent sans cesse, passionnés, pour en arriver, par exemple, à cette découverte radicalement différente de tout ce de nous avions tenu pour acquis depuis un siècle: l'Univers s'agite sous l'action d'une énergie sombre, noire, inconnue jusqu'à présent, pas même supposée, et que son éclatement va toujours s'accélérant... L'hypothèse, devenue certitude et prix Nobel, est folle, parait-il. Elle est probablement, aussi, riche d'avenir. Reste à voir, comme on dit: mais peu probable qu'on « voit » à l'échelle d'une vie humaine.

De la même manière, il était sûrement fou de prévoir tout ce qui allait découler de cette nouvelle technologie, majeure dans l'histoire du XXè siècle, et qui allait changer nos vies, au moins autant que les découvertes beaucoup plus récentes de M. Steve Jobs : en 1947, la télévision commençait à peine à diffuser des images, et à ce que je sache, que dans la région immédiate de la capitale des États-Unis. Et pourtant, un cinéaste français intuitif, ou bien informé, en tout cas talentueux, a imaginé, dans un court film d'à peine quatre minutes, ce que pourraient être les retombées de la boite à images dans la vie quotidienne des gens. Ce petit film, je vous l'assure, vaut le coup d'oeil. On rigole, stupéfié. Mais quel est donc le génie qui a pu si bien prévoir.. ? Et on se rappelle que, contrairement à l'homme dont l'intelligence n'est que chaos, la science, elle, est largement prévisible, et qu'elle est, parfois, admirablement bien servie par le talent de qui la devine. 






mercredi 5 octobre 2011

LES INEPTIES DE MONSIEUR FRANÇOIS LEGAULT







J'ai publié ce texte sur Twitter en début d'après-midi. J'en ai fait une saisie d'écran. Un moment de colère qui s'est apaisé depuis... Mais je crois que mon petit texte vaut quand même une lecture rapide... et un moment de réflexion. Lecteurs, commentez si ça vous chante: le sujet n'est surtout pas banal.




dimanche 2 octobre 2011

DOUCE FRANCE





Encore quelques jours, et nous y serons !
En attendant, on en parle, on en rêve, on en discute, on en explore à l’avance les infinies beautés, on s’informe l’un l’autre de nos trouvailles - à ne pas rater, comme de juste... Il faudrait y mettre des mois, à ce voyage ! On aura quelques semaines.  Mais comment ne pas être heureux de planifier un séjour dans ce pays qui a vu «entrer» au monde tant de personnes exceptionnelles - pour agir et transformer, et puis créer, illustrer, écrire, composer, jouer, - tant d’artistes à leur manière, tant de talent cherchant secours en France, tant d’ampleur aussi, que la France, parfois, a confondu avec la grandeur. La France, disait de Gaulle, c’est aussi « une certaine idée de la France », essentiellement séduisante. L’idée qu’on se fait de la France est charismatique. Le monde entier en bave, et l’Amérique tout particulièrement, qui sait que la France reste la première référence culturelle d’importance... Il y a ( vraiment ) quelque chose de doux, en France, un certain plaisir d’y vivre. Ça tient un peu au climat, probablement; il est pourtant instable, plein de sautes d’humeur: j’ai déjà vu neiger, grêler à Paris, au mois de mai, pendant un froid quasi polaire. Ça tient certainement à un sens du beau qui traverse deux millénaires et qui façonne chaque centimètre carré de l’espace et de l’habitat. Pour un Nord-Américain, cet aménagement serré du territoire tient de l’inconcevable. Le premier coup d’oeil est fasciné, inévitablement. Ça tient, dans ce pays d’énervés, à la multiplicité des terrasses, et au désir d’être dehors, dans la rue, à profiter du temps, des gens, des monuments, d’un idéal de vie facile et égal.

On disait jadis: « Tout homme a deux pays: le sien, et la France. » Ça reste encore vrai. La tour Eiffel, élégante, raffinée, reste un bien patrimonial universel.

P.-S. : La France étant aussi le pays, par excellence, des « conflits de travail » dans « une certaine catégorie de personnel », on se souhaite, quand même, de ne pas avoir à trop mesurer notre solidarité de classe !