mercredi 2 novembre 2011

LE MYTHE TRUDEAU




Je viens, tout en mangeant, d’écouter le Club des ex, qui dénonçait ( disons ) le virage monarchique, guerrier et unilingue du gouvernement Harper. Par comparaison, le même club magnifiait ( comme de juste ) l’héritage Trudeau, ce bilinguisme prétendument rigoureux, qu’aurait respecté par la suite le gouvernent Mulroney.

La blague est bonne. Parce que le gouvernement Trudeau n’a jamais appliqué un bilinguisme intégral, jamais. Souvenez-vous de la crise des gens de l’air, ces pilotes qui voulaient pouvoir travailler en français chez le transporteur national: Trudeau avait reculé face à Air Canada, comme il a reculé devant la fronde des fonctionnaires fédéraux unilingues. En fait, les services bilingues, assurés par l’État fédéral, sont rigoureusement... limités.  Souvenez-vous, surtout, de cette clause légale et constitutionnelle, parfaitement odieuse, dite du «là où le nombre le justifie», qui s’applique à toutes les provinces, sauf au Québec, ce qui leur permet de restreindre considérablement l’obligation qui leur est faite d’assurer le bilinguisme scolaire. Seul le Québec a l’obligation de fournir des services scolaires en anglais, partout sur son territoire, sans égard à la clause du «nombre qui le justifie». Le scandale reste énorme, l’injustice, criante.

( Par ailleurs, l’idée même d’un Canada davantage pacifiste durant l’ère Trudeau fait franchement sourire. Il y avait les mots, c’est vrai. Il y avait le « Viva Cuba, Viva Castro », c’est vrai. Mais qui, mais qui donc, pourtant, a autorisé, sur le territoire canadien même, l’essai des missiles Cruise, puissamment souhaité par l’administration Reagan ? L’Alberta en entend encore les sifflements ! Et ce n'est là qu'un exemple. )

Mulroney, c’est exact ( et Chantal Hébert l’a quelques fois rappelé, ) a tenté, avec l’Entente du Lac Meech, de traduire la réalité québécoise dans la constitution, juste contrepoids à la clause du « là où le nombre le justifie. » On sait tous comment nos compatriotes du Canada anglais ont pulvérisé l’Entente, guidé en cela par M. Trudeau lui-même. Cependant, M. Mulroney était parfaitement capable, lui aussi, de prendre ses libertés face à la loi sur les langues officielles, et face aux obligations découlant de la constitution canadienne elle-même. Il a nommé, par exemple, un gouverneur général, Ray Hnatyshyn, qui ne disait pas un mot de français. Aux journalistes qui s’étonnaient, M. Mulroney avait répondu que « c’était la valeur de l’homme qui comptait. » Et voilà pour le sacro-saint principe !

On a vraiment la mémoire courte. On aime entretenir des mythes. Celui de l’héritage intangible de M. Trudeau en est un, joyeusement mensonger. Mais quand on est bien élevé, ( et un peu aliéné, ) ce sont des choses qu’il est préférable de ne pas dire — ou même d’écrire.





1 commentaire:

Richard Patry a dit…

Je m'étais pourtant promis de ne plus parler politique sur ce blogue ! Pour un temps, du moins. Disons, à ma défense, que c'est surtout l'historien ( engagé ) qui a écrit ce court billet.