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Depuis 1945, les races sont égales, on ne peut plus dire le contraire sans risquer de fâcheux problèmes. Heureusement d’ailleurs. L’histoire-science ( l’École des Annales, Fernand Braudel, et d’autres encore, nombreux, ) disait déjà cette égalité, et l’anthropologie aussi, remise de ses erreurs grossières du siècle avant-dernier. L’horreur nazie l’a mieux dite encore, en a convaincu irréversiblement. Mais si les races sont égales, au point qu’il n’y ait même plus de races, à peine des peuples, difficilement des nations sans que certains inquiets sourcillent sévèrement, il y a encore de la marge de manœuvre attentatoire, pour les excités de la différence, du côté des « civilisations ». Ce sont les aires culturelles qui ne sont peut-être pas égales entre elles. C’est ce qui se propose, désormais, en toute modernité, dans tous les milieux. Il faut dire, là-dessus, que le débat est difficile, épineux, et que la Déclaration onusienne, dite universelle, des droits de l’Homme, telle qu’elle est depuis 1948, n’aide pas à simplifier le débat. Et pourtant, il n’est pas si complexe qu’il n’y paraît. Françoise Héritier, professeure au Collège de France, a accordé, là-dessus, au journal Le Monde, le 13 février 2012, une entrevue particulièrement éclairante :
« Le terme "civilisation" est un fourre-tout très vaste. Ce sont de grands ensembles à longue portée historique où se reconnaissent au long cours des schèmes de pensée et des manières d'être, d'agir, de se représenter le monde, identifiables selon de nombreux critères : grands groupes linguistiques, vêtements, habitats, dans leurs grandes lignes, mais aussi religions et cultes, systèmes politiques, systèmes artistiques. On a pu ainsi identifier de grandes civilisations, préhistoriques ou historiques : chinoise, hindoue, grecque, méso-américaine, judéo-chrétienne, bantoue, etc. De grands traits caractéristiques peuvent être catalogués et, à partir de connaissances sommaires, il est difficile par exemple de confondre un objet d'origine maya et un objet d'origine chinoise ou africaine. [ …Cependant ] l’exemple de portée (… qui soit vraiment) universelle (…), celui sur lequel ont été fondées [ toutes ] les sociétés [ c’est ] l'échange et le contrôle des femmes. [ C’est ] le seul trait universel (avec la prohibition de l'inceste) de toute l'humanité… »
Les femmes, les enfants ; l’asservissement sexuel, la possession de la progéniture, la consolidation de la propriété privée par l’identification génétique des biens, et leur transmission par héritage familial, à l’intérieur de classes sociales qui se reconnaissent des intérêts communs : voilà ce qui est bel et bien universel, voilà, en effet, ce qui garantit, au vrai, l’évidente égalité des civilisations entre elles. Elles ont toutes traité leurs femmes et leurs enfants également.
Des femmes, maintenant, parviennent à des rôles et des statuts sociaux historiquement réservés aux hommes. Les enfants sont dorénavant des personnes, les droits parentaux sont considérablement limités ; les enfants sont mieux protégés par la loi, le tabou de l’inceste est renforcé. La propriété privée reste ce qu’elle a toujours été. La richesse a un nom, toujours, mais il est désormais composé, maigre pitance en matière de changements sociaux essentiels. Les femmes aussi transmettent leurs biens par héritage à des enfants génétiquement identifiés. Les classes sociales restent intactes, tout comme l’organisation des pouvoirs. Il sont sexuellement bicéphales, c’est vrai, mais qu’y a-t-il autrement de changé ? Pour le reste, tout le reste, la propriété, l’exploitation, l’inégalité de développement, le partage inégal des ressources, la protection des zones vertes pour les riches, la souffrance humaine, la guerre, la mort, qu’est-ce donc qui a changé ? Rien. Absolument rien. De sorte qu’il nous faut bien admettre que l’asservissement et l’inceste restent les traits essentiels de toutes les civilisations. Seulement, à l’époque actuelle, des femmes sont partie prenante des réseaux de pouvoirs, qui maintiennent, prolongent, aggravent souvent l’écart entre ce qui n’a de cesse d’exister, les classes sociales. Des femmes asservissent des hommes, d’autres femmes. Des enfants connaissent toujours nettement leurs géniteurs, et savent d’avance leurs héritages, bagage génétique comme un autre, plus déterminant que tout autre. Le capital conserve des traits de ressemblance avec les deux parents, hommes et femmes. Dans un bon cours d’histoire, ou d’anthropologie, c’est ce qu’il faut, encore, faire connaître et comprendre : il y a eu une révolution des rôles sexuels, sans révolution. C’est indispensable à savoir.
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