samedi 14 avril 2012

QUAND LE QUÉBEC DONNE DES LEÇONS DE DÉMOCRATIE


Photo-montage personnel



Nous connaissons aujourd’hui, 17 ans après les faits, le projet de constitution que le Québec pensait se donner dans l’hypothèse d’une victoire souverainiste au référendum d’octobre 1995. 

Passionnant. Exemplaire. Je sais bien, d’avance, que, dans certains milieux, on ne lui accordera aucun crédit. Et pourtant, le profil de société que le gouvernement de M. Parizeau dessinait, et projetait, par cette constitution, était éminemment démocratique, en rien revanchard, reconnaissant plutôt des droits collectifs qui ont été systématiquement refusés au Québec depuis 1834, l’année des Quatre-Vingt-Douze Résolutions. Cette constitution, ne serait-ce que par la forme républicaine de gouvernement qu’elle propose, surpasse et de beaucoup le bienfait constitutionnel octroyé par M. Trudeau en 1982 – véritable coup de force contre le Québec. Là-dessus, d’ailleurs, quand, je vous le demande, mais quand le Québec a-t-il pu engager librement, et surtout réussir, une négociation constitutionnelle qui fixe son statut sans un intermédiaire impérieux qui le contraigne ? Et pourtant, le projet du gouvernement du Québec, en 1995, garantit ce droit collectif de négociation à la communauté anglophone, et aux peuples indiens du Québec, préalable absolu à tout changement constitutionnel qui pourrait les concerner. Demandez donc à M. Mulcair, tiens, s’il est d’accord pour reconnaître une garantie constitutionnelle de ce genre pour le Québec d’aujourd’hui… Le projet de 1995, voilà qui est incomparable, irréprochable. Sur les questions essentielles, il ne peut s’amender en tordant le bras des récalcitrants. Pas question, ici, de quelque chose s’apparentant à la formule constitutionnelle canadienne dite du « 7/50 », qui permet si facilement d’isoler le Québec, et de lui imposer ce dont il ne veut pas, qu’il signe ou qu’il ne signe pas.

J’ai résumé, dans un quasi mot pour mot, et pour qu’on sache le plus possible, le projet constitutionnel du Québec de 1995. Dans ses grandes lignes, voici ce que ça donne :

Le peuple québécois est souverain. L’État souverain du Québec est laïc, pacifiste, démocratique et d’expression française. L’État du Québec est une république parlementaire. La séparation des pouvoirs et le droit d’appel constituent des garanties démocratiques et constitutionnelles prépondérantes du Québec. Les valeurs fondamentales du Québec sont la liberté, la tolérance, la solidarité, la responsabilité, l’égalité des chances et la coopération entre les peuples. Les droits de la personne de tous les citoyens du Québec constituent la règle d’interprétation première de la Constitution du Québec. La communauté anglophone a le droit de préserver, de maintenir et de faire progresser son identité et ses institutions. Elle a droit à sa langue dans les institutions publiques, les services scolaires et de santé. Rien de ce qui la concerne ne peut être modifié sans son accord. Il en va de même des nations autochtones, qui sont des peuples ayant des droits souverains sur leurs terres, en prolongation de leurs droits ancestraux, et  des anciens traités les concernant ; ces nations ont le droit  de tenir un référendum et de négocier avec le Gouvernement du Québec : les ententes d’autonomie gouvernementale qui en découlent sont constitutionnalisées. Le Gouvernement est responsable de la sécurité publique et des relations internationales. L’Assemblée nationale seule décide des questions relatives à la guerre et à la paix.

Il s’en trouvera encore pour répéter que, faute de s’être révolutionné pour acquérir ses droits, le peuple du Québec demeure profondément ignorant, et peu fiable quant à ses convictions démocratiques. Il s’en trouvera encore pour parler du Parizeau xénophobe. Et pourtant, c’est le Québec qui, le premier, s’est doté d’une Charte des droits et libertés supra législative. C’est lui qui a donné l’exemple en matière de financement des partis politiques, et du système démocratique lui-même, en assurant aux partis reconnus une part de financement public. Ce néanmoins, il nous faut toujours démontrer aux autres que nous sommes capables de respecter les individus, les groupes, les communautés, les droits et les libertés de chacun. Ça en devient, souvent, exaspérant.

Par ailleurs, et pour terminer, comment expliquer que des documents historiques d’une pareille importance soient restés inconnus depuis si longtemps ?

Source: Paul Journet:






2 commentaires:

RAnnieB a dit…

La xénophobie de M. Parizeau était celle de l'homme et non du politicien. Il en allait de même pour sa misogynie.
Si je me permets de l'affirmer c'est que je l'ai vue de mes yeux vus et qu'elles ne laissaient de doute à personne qui étaient présents dans cette salle de cours.
L'homme était, par contre, suffisamment intelligent pour reconnaître ses biais et s'assurer qu'ils ne nuisent pas à ses aspirations.

Richard Patry a dit…

Je parle de l'homme d'État que fut M. Parizeau. Je n'ai pas d'opinion sur l'homme privé: je ne le connais pas du tout. J'imagine que l'homme marié à Alice Parizeau, puis à Lisette Lapointe, devait quand même avoir quelques qualités !

Ce qui est renversant, dans ce projet constitutionnel, c'est son caractère éminemment progressiste. Il le serait encore en 2012, et la constitution canadienne, dont on nous vante tant la qualité intrinsèque absolue, est loin d'avoir la générosité, et les protections, qui se retrouvent dans le projet élaboré quand M. Parizeau dirigeait le Québec.

M. Parizeau a été, de tous les Premiers ministres du Québec, sans exception, le plus ouvert à la cause des femmes. Et je suis sûr, sûr et certain, que Françoise David, organisatrice de la marche « Du Pain et des Roses » de 1995, ne me contredirait pas sur ce point.