Pier Paolo Pasolini, Autoportrait, 1946
Je ne savais rien jusqu'à cette nuit, du talent de peintre de Pasolini. J'ai découvert cette toile par hasard, authentiquement par hasard. Et même si je n'avais rien su de l'identité de l'artiste, j'aurais quand même ressenti avec force l'intense beauté de cette toile. Un peintre majeur l'a-t-il seulement vue ? Quelqu'un a-t-il dit à Pasolini qu'il était un peintre véritable, à part l'immense cinéaste qu'il va devenir par la suite ?
La toile est belle, et ressemble étonnamment à Pasolini lui-même: l'autoportrait est très certainement narcissique. Il y a de quoi ! Pasolini serait de nos jours une figure emblématique de la beauté masculine. Regardez cette toile, attentivement; c'est du talent; mais c'est aussi l'absolue certitude que le personnage va séduire, que la jeunesse va s'y reconnaître et ira à sa recherche - un des propos majeurs de la vie et de l'oeuvre de l'artiste et de l'homme homosexuel. Il y a déjà, dans la forme même de cette toile, l'immense culture de Pasolini, un peu cubiste quand même, un peu Cocteau aussi, pourtant extraordinairement italienne, qui plonge ses racines culturelles jusqu'à la Renaissance, et même jusqu'à l'héritage grec qui a tant fait pour créer « l'Italie ».
Cette toile m'émeut, me séduit. Comme l'ont fait Oedipe-Roi, et Théorème, surtout, qui m'ont bouleversé à vie. Ces deux films restent encore pour moi des références essentielles sur « ce » qui m'a « fait ». Théorème, en particulier, a éveillé des souvenirs, des inquiétudes, une passion amoureuse que l'adolescent que j'étais ne pouvait pas encore comprendre. Sur le coup, j'en ai eu la nausée. Et dire que c'était un copain catholique ultra qui m'avait amené voir ce film ! Lui y a vu l'incarnation de Dieu; j'y ai vu la sexualité, et l'atroce douleur qu'est la privation d'un désir furtif et disparu, interdit et condamné, quand il se donne pourtant et se retire, qu'il désoriente et qu'il tue. J'avais, je crois, pas même 16 ans quand j'ai vu Théorème. Je n'ai jamais oublié. Je l'ai revu. Et j'ai su que ce film parlait de moi.
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