Keith Haring: l'artiste et l'oeuvre
Il y a en ce moment à New York, au Brooklyn Museum, une exposition consacrée à Keith Haring, trente ans exactement après la première galerie new-yorkaise qui l'a rendu célèbre - qui a reconnu le talent exceptionnel du jeune homme qui crayonnait dans le métro, et qui gravait sur les dalles des rues de l'East Village.
Haring est un artiste populaire, et un graphiste éminemment américain. Mais s'il n'a pas rompu avec l'héritage artistique laissé par le pop-art, il s'est radicalement dégagé d'Andy Wahrol, dont il reste un des rares, de sa génération, je pense, à ne pas avoir copié ce qui était à la mode, ce qui s'était imposé chez les acheteurs/collectionneurs, et dans les revues branchées de l'époque. Il y a un style Haring, immédiatement reconnaissable. Haring voulait la notoriété; il voulait être identifié, et populaire; il voulait vendre, et vivre de son art. Il s'entremêlait étroitement à son travail. D'où le collage, modeste, que je présente ici, de l'artiste, de quelques-unes de ses oeuvres, dont, au centre, la plus célèbre de toutes, le Bébé rayonnant, dont il avait fait sa griffe.
J'ai appris à aimer Haring. Peu pour les concessions qu'il a faites au patriotisme américain, malgré le racisme, la discrimination sexuelle, et la pauvreté qu'il a dénoncés comme il l'a pu. Ce qui me touche, chez Haring, ce sont les thèmes d'extrême détresse qui sont partout, récurrents, dans son oeuvre. L'amour est fêté, c'est vrai, mais les corps sont aussi défoncés, les coeurs arrachés; il y a un loup qui désire et s'attaque à des corps d'enfants, et menace leur vie; des grands se ferment les yeux, le nez, la bouche, ne souhaitent se rendre compte de rien; l'amnésie s'installe, devient sociale, les têtes sont crayonnées, vides et transparentes, elles disparaissent, absorbées les unes les autres, fusionnées, aliénées...
Je me trompe peut-être. Les spécialistes parlent plutôt de l'influence, énorme, qu'aurait eue la bande dessinée dans l'oeuvre de Keith Haring. Mais son oeuvre a trop de couleurs ( comme l'autre, tiens, à qui on aurait dit qu'il y avait trop de notes dans sa musique, ) pour tromper; pour faire croire à une conscience simple, espérant tout de la vie. Haring était inquiet, torturé, morbide. Il colorait violemment sa pulsion de mort. Pas étonnant, je pense, et sans sombrer dans le fatalisme, qu'il ait contracté le sida, et qu'il en soit rapidement décédé. C'était en 1990. Il n'avait que 31 ans, éblouissant météore.
Il vit encore. Il vit toujours. Ce gars-là, je l'aime.
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