( Source inconnue de l'image: désolé ! )
Douze semaines de grève, menée par des étudiants magnifiques, mais profondément divisés, et dont le mouvement de contestation, pour spectaculaire qu'il ait été, s'épuisait, de toute évidence, fatigué par son propre effort, trop long sans rien gagner, ruiné devant l'opinion publique par quelques militants extrémistes qui ont ravagé le rapport de force à coups de briques, de pierres, de boules de billard, de bâtons, de masques, de provocation policière et de folie.
Douze semaines de grève pour aboutir à une entente dont seuls, seuls l'État et le Parti libéral du Québec, sortent gagnants.
C'en est fait, à tout jamais, des droits de scolarité à bon compte, qui ont permis le formidable rattrapage scolaire que le Québec a accompli depuis plus de 40 ans. C'en est fait, en tout cas le risque est gros, de la mixité sociale en milieu scolaire, particulièrement universitaire. Les droits de scolarité font un bond spectaculaire, dès la session d'automne 2012. On ne reviendra jamais en arrière. Même le Parti québécois, dans l'hypothèse peu probable de sa victoire majoritaire aux prochaines élections générales, ne pourra annuler la hausse de ces droits, puisque le mouvement étudiant vient de les accepter, comme d'une réalité désormais permanente, irréversible, du financement des universités québécoises.
Acceptation en échange de quoi, au juste ? D'une sorte de moratoire sans le nom ( ce qui enlève tout crédit à la proposition péquiste de « moratoire », et il n’y a pas à dire là-dessus, les négociateurs gouvernementaux l'ont eue, l'affaire ! ), pour une session seulement, de ce qu'on appelle les droits afférents — les droits à payer pour les équipements sportifs, les photocopieuses et le papier à imprimerie, ce genre de truc, — droits que les étudiants n'ont la garantie de leur suspension que pour une session seulement, qu'une seule session, la prochaine. Par après ? On verra, on verra sur ce qu'on peut économiser des dépenses somptuaires des universités. Qui peut croire qu'il y a là quoi que ce soit d'une résolution au conflit, qui était éminemment moral, parce qu'il portait sur le principe fondamental de la démocratie scolaire ? Tout le monde sait parfaitement, en milieu collégial, que les droits afférents sont depuis toujours un moyen détourné pour augmenter les droits de scolarité, sans qu'il semble qu'on remette en question le principe de la gratuité scolaire.
Alors, alors, comment expliquer que les combattants magnifiques aient accepté une pareille entente, qui consolide la hausse des droits de scolarité sur 7 ans, plutôt que 5, même compensée par un régime de prêts et bourses légèrement plus généreux, régime qui sera vite piégé par un relèvement, d'ici deux ans, trois ans, des droits afférents ?
Parce que ces jeunes hommes, cette jeune femme, n'avaient plus le choix. Parce que le conflit s'éternisait, devant une opinion publique largement indifférente, quand elle ne devenait pas franchement hostile. Parce que le gouvernement a été le plus tenace, le plus manipulateur, et le plus fort, lui qui n'avait pas, soir après soir, à marcher dans les rues sous la menace d'une intervention policière. Parce que sous la pression, inouïe, de toute la société civile, les leaders étudiants ont cédé. Qu'aurait-on fait à leur place ? Nous sommes en économie néo-libérale. Nous sommes en période préélectorale. Nous sommes loin, archi loin, de toute révolution.
Ce qui restera, c'est le souvenir d'une crise sociale majeure. Ce qui restera, c'est le souvenir d'une jeunesse extraordinairement brillante, d'une élévation morale exemplaire. Mais ce qui restera, aussi, ce sont des droits de scolarité universitaires désormais très élevés, privilégiant une élite, qui déjà bénéficie d'un réseau privé d'enseignement que le bon peuple subventionne à hauteur de 80 %. ( Le réseau de la santé attend son tour ! Beaux revenus, belles cliniques, pour le beau monde ! )
La grève est tragiquement perdue. Mais je ne crois pas, honnêtement, qu'il aurait pu en être autrement. Sauf la violence, la casse, les blessés, les consciences meurtries, les jeux étaient faits d'avance, tout comme ça l'était fait, pour les Indiens, à qui on promettait naguère leurs droits pour aussi longtemps que couleraient les rivières.
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