Paul-Émile Borduas, Cimetière glorieux, 1948
Le règne de la peur multiforme est terminé.
Dans le fol espoir d'en effacer le souvenir, je les énumère:
peur des préjugés - peur de l'opinion publique - des persécutions - de la réprobation générale
peur d'être seul sans Dieu et la société qui isole très infailliblement
peur de soi - de son frère - de la pauvreté
peur de l'ordre établi - de la ridicule justice
peur des relations neuves
peur du surrationnel
peur des nécessités
peur des écluses grandes ouvertes sur la foi en l'homme - en la société future
peur de toutes les formes susceptibles de déclencher un amour transformant
peur bleue - peur rouge - peur blanche: maillon de notre chaîne
Paul-Émile Borduas, Refus global, 1948 ( extrait )
*
Le printemps québécois hésite. L'année 2012 est immobile, figée dans des certitudes contraires, paralysée par le poids terrible d'hypocrisies dogmatiques qui, pour se protéger, excitent la réprobation générale. Peut-être vaut-il la peine de relire Borduas, et se souvenir du long hiver qui fut le sien, en exil, sacrifice qu'il a fait de sa liberté pour la liberté. Borduas est mort le 22 février 1960. Il n'a rien vu de la Révolution tranquille, et de la fabuleuse jeunesse des années 60. La jeunesse actuelle est tout aussi fameuse. Elle n'a peur de rien. Elle transforme. Elle m'apprend. Elle est bel et bien la petite-fille de Borduas; lui en aurait été content.
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