Je hais l'hiver. Ce n'est beau qu'un court moment, à la première neige, quand l'hiver trompe, donne l'illusion de tout recouvrir à tout jamais, pour tout nier, pour tout remettre à neuf — nos saletés de vie, notre saleté de ville, l'effroyable saleté de notre misère sociale qui cesse de s'agiter, et pétrifie, le glaçon accroché au nez et à la barbe, respirant mal dans la poudrerie, tout près d'agoniser, — pour faire place nette, et propre, et blanche, pour espérer pouvoir tout recommencer dans un monde étrange et inédit. L'hiver est un moment vide. L'hiver est un trompe-l'oeil. L'hiver est un oubli. L'hiver tue. Et c'est au printemps, tous les Montréalais le savent, qu'on découvre la mort bien avant la vie, les déjections de toutes sortes que l'hiver n'a fait qu'entasser sans les putréfier. Durant une tempête de neige, les enfants courent, riant, criant, bouche ouverte et langue sortie, pour avaler le plus possible de flocons. Ils ignorent encore, se laissent illusionner. C'est quand ils pissent dans la neige qu'ils soupçonnent la vérité. La blancheur est de fait écoeurante. C'est un poison qui nous tombe dessus, et qui reste là, des mois durant, à nous narguer.
Je hais l'hiver.
13 commentaires:
Il faut donc retrouver l'enfant en toi mon cher Richard :).
Dis la dame qui revient de 45 min. de pelletage :S.
D'ici là, notre Dodo nationale le dit tellement bien !
http://www.youtube.com/watch?v=WuZd4Sao6so
Bonne journée :).
Annie, si tu savais à quel point l'enfant en moi reste présent... J'imagine que tu le sais. Ceci étant, je détestais l'hiver tout autant quand j'étais enfant. Je me souviens que je disais, horrifié: « On vit dans un congélateur ! » Faut dire que j'habitais Québec, plus impitoyable encore que Montréal, à faire baisser le thermomètre !
Sandro, tu as raison: ce billet aurait dû se retrouver sur mon ancien blogue. J'en prenais conscience quand je l'écrivais, la nuit dernière. Ce billet me parle, et parle de moi, bien évidemment. Tu as raison aussi d'aimer l'hiver en dehors des grandes villes. C'est tout autre chose. Là, l'illusion est tenace.
Oh, Annie, dis-moi, tu as amené tes enfants voir le Secret de la Licorne ? :-)
À Annie, encore: 45 minutes ? Mais tu es une as du pelletage ! Ça me prenait, les hivers passés, facilement une heure trente pour tout déneiger. Faut dire que j'avais encore Victor, et que lui adorait m'accompagner dans la neige, et courir après tous les passants qui ne manquaient jamais de le trouver « mignon » ! Mais cet hiver, tiens-toi bien, j'ai loué une place de garage intérieur, chauffé, pour l'auto: une merveille ! Au Québec, on devrait tous pouvoir disposer de nos voitures au sec et au chaud :-)
Oui, les enfants ont vu Tintin et ont adoré. Eux aussi m'ont recommandé d'aller le voir :).
Une as, non. Je n'ai fait que l'essentiel. Tout comme toi, la citadine que je suis, déteste l'hiver. La toune de Dodo est MON hymne national à moi de janvier à avril ;).
La toune de Dodo ne célèbre pas l'hiver comme celle de Gilles Vigneault, c'est le moins que l'on puisse dire ! ;-)
Va voir Le secret de la Licorne: ça c'est le bonheur de l'enfance retrouvée !
Une semaine avec moi l'hiver chez les indiens, la bouffe, les séances dans le teepee, se faire emboucanner et contempler les étoiles couché dans la neige à -25 ça, c'est faire la paix avec l'hiver.
Je suis triste de constater qu'il y a des gens qui détestent l'hiver. Ceci dit, tu écris tellement bien que je peux te pardonner le beauf.
M@L
J'aurais voulu faire la paix avec l'hiver ! J'imagine que je ne prends pas les bons moyens pour y arriver... ;-)
Pour aimer l'hiver, il faut l'embrasser. Courir dans la neige est mon plus grand bonheur. Le ski de fond, le patin, aller glisser. Le froid rend la chaleur précieuse, la vie plus vivante. J'aime même pelleter, faut dire que je n'ai pas d'auto.
Entièrement d'accord avec toi, Kevin ! C'est dire tout ce que j'ai à apprendre de toi :-)
Beau texte! ...et combien vrai!!! Tu pourrais peut-être ajouter ce lien a ton texte. Je pense que c’est tout a fait approprié.
http://www.youtube.com/watch?v=bhrn3_rTbck
A bientôt,
M
Héhéhé ! Vous êtes deux à avoir eu la même idée sur le même texte ! Merci pour le commentaire :-)
Où va la blanc de la neige quand elle fond?
Nos rivières sont pourtant brunes au printemps.
Mystère.
M@l sur le pad @ L
Judicieuse question ! Il y a, comme ça, d'insondables mystères dans la nature... ;-)
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