Discours de T.C. Douglas, en 1944.
En cinq minutes, amusantes, essentielles, le tout premier chef du NPD, Thomas Clement Douglas, définit parfaitement ce qu’est le rapport de force entre les importants et les asservis, entre les profiteurs et leurs victimes, entre les bêtes humaines carnivores et les êtres humains mangés à belles dents.
La métaphore explique aussi, mieux qu’un discours idéologique, rigoureux, pourquoi la bourgeoisie capitaliste s’est opposée si longtemps au suffrage universel, a été terrifiée à l’idée d’accorder le droit de vote à la classe laborieuse, classe dangereuse, qui risquait de faire comme la bourgeoisie, de voter pour ses propres candidats et pour ses propres intérêts. C’est ce qui est pourtant le mobile fondamental de voter à gauche, de voter pour la justice, de voter pour le plus grand nombre, de voter pour soi, au sens le plus noble que l’on puisse donner à ces mots. La droite répète souvent que les temps ont changé, que les anciennes réalités, extrêmes, ne sont plus. Ce n’est pas vrai. Ce sont les moyens de l’exploitation qui ont changé. Mais l’exploitation, elle, toute crue, existe toujours, est même pire que jamais. L’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé ; la concentration de la richesse est telle qu’elle nous ramène aux conditions qui régnaient à la toute fin du 18è siècle, au moment des grandes révolutions.
Nous savons tous, bien sûr, que le droit de vote a fini par être élargi, aux hommes de toutes conditions, aux femmes, aux jeunes. Nous célébrons ces « victoires », et pourtant, l’expérience répétée montre que les travailleurs, les femmes, les jeunes votent comme la bourgeoisie, à l’exemple de la bourgeoisie. Le système ( j’entends la classe dirigeante ) a appris à conditionner, à asservir le vote – à créer des partisans, qui se haïssent entre eux, et qui laissent tranquilles les vrais profiteurs du système. La gauche a perdu beaucoup de son sens. Elle a compris que pour gagner, elle devait jouer le jeu, tel qu’il est, se rapprocher du centre politique, ne plus faire peur, ne parler que de réformes et de « progrès » : la gauche a appris l’électoralisme.
C’est la réalité que le NPD a fini par digérer, hier, lors de son congrès à la direction. Il a choisi comme chef un ancien d’Alliance-Québec, un ancien ministre libéral provincial, partisan de la « réingénierie de l’État », élément prioritaire du programme du Parti libéral du Québec en 2003, composante cruciale de la thèse économique néo-libérale de Milton Friedman. Le NPD a choisi de gagner des élections, et d’abord d’enraciner la vague sentimentale, irrationnelle, qui lui a donné tant de succès en 2011, particulièrement au Québec.
Je ne sais si M. Thomas Mulcair parviendra à supplanter, définitivement, le Parti libéral fédéral, à réussir là où les travaillistes britanniques ont si bien réussi, et de la même manière. Mais choisissant l’électoralisme, la gauche canadienne est morte, le NPD a perdu de sa vertu : il est devenu un parti comme les autres, noir ou blanc, ou gris, ou tacheté. T. C. Douglas, j’en suis convaincu, n’aurait jamais voté pour M. Mulcair. Il aurait quitté le plancher du congrès. De toute façon, on en a chassé hier l’ombre même de son fantôme.
2 commentaires:
Bien dit. Excellent résumé des dernières heures.
g.
Merci, g. !
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