Photo: Ariel Schalit Associated Press
Au premier coup d’œil, jeté, pourtant avec attention, sur l’article de Mme Zazaa: décourageant. Une invite à un effroyable retour en arrière, maquillée en « libre disposition de son corps », et donc en un féminisme de cape et d’épée... Mais comme je suis un homme, j’imagine que je ne comprends rien à rien, et que même gay, je participe au désir des hommes d’imposer un comportement aux femmes, alors qu’elles veulent tellement pouvoir choisir librement ce qu’elles sont et ce qu’elles portent, tout comme elles veulent tant et tant réclamer haut et fort cette liberté fondamentale à l’encontre de ce féminisme rétrograde des années 1970 — qui parlait d’égalité plutôt que de complémentarité…
Parce que, bien sûr, elles sont libres, ces femmes qui réclament, dans le cas présent, un vêtement de plage particulièrement couvrant. Ce sont les Louise Mailloux, les Djemila Benhabib, les Waleed Al -husseini de ce monde (et les hommes bornés dans mon genre, qui les admirent), qui se trompent et qui sont aliénés.
Moi, j’ai toujours cru que, la religion, c’était l’opium du peuple, et que les Églises stratifiaient les rapports de pouvoir. J’ai toujours cru que la laïcité d’État était une désintoxication essentielle, et donc un progrès considérable, parce qu’elle assurait très réellement l’intégration, l’égalité, la paix, la protection des acquis — j’entends par exemple les mariages mixtes ou neutres, le divorce, la liberté sexuelle, l’acceptation des diversités de genre, l’égalité dans l’emploi et les salaires, la liberté des consciences et de la vie privée…
Il faut « croire » que je me trompais… La laïcité publique constitue bel et bien une sécularisation forcée qui viole l’égalité en droit et de choix. Je n’ai donc pas à être découragé. « La différence de l’autre est une richesse », nous rappelle, à moi et aux autres incorrigibles laïcs, Mme Zaazaa: les jeunes femmes, maintenant, « dépoussièrent les visions archaïques » et « décolonisent le féminisme ».
Décolonisation ! Le grand mot est lâché ! Je veux bien, moi, que le féminisme soit décolonisé. Mais comment je fais pour décoloniser mes convictions les plus profondes quand je pense, par contre, et sans vouloir dépoussiérer cette conviction, que c’est précisément le colonialisme qui a provoqué, et qui provoque encore l’exploitation, la pauvreté, la guerre, le raidissement des cultures et la sauvegarde illusoire des hommes et des femmes dans les valeurs passéistes ?
Je suppose que je dois me taire, et voter, désormais, aveuglément, pour Québec Solidaire.
Références (et pour se faire une meilleure idée du débat):
L’article d’Amel Zaazaa, qui s’en prend vigoureusement à celui de Mme Louise Mailloux: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/479451/la-replique-burkini-une-lecture-feministe-arrogante-et-cavaliere
… Mais, prenez le temps de lire aussi celui de Mme Louise Mailloux: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/479194/le-burkini-version-aquatique-du-hidjab