dimanche 6 avril 2014

LA BELLE MARCHE PRINTANIÈRE DU CRIPHASE



À Montréal, le dimanche 6 avril 2014



Je me suis secoué un peu, ce midi, pour aller à une manifestation, celle organisée par le CRIPHASE (le Centre de ressources et d’intervention pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance), qui se tenait pour l’essentiel dans les rues du Vieux-Montréal, du Palais de justice au Cégep du «Vieux». C’était, à ce que je sache, la troisième manifestation du genre, après celles de 2010 et 2011. J’avais participé aux précédentes: il était hors de question que je rate celle de cette année, même si le hasard l’a placée à la veille des élections générales, au Québec, et qu’il y aurait eu d’autres promenades possibles — plus partisanes.

Les hommes qui se rendent à la démonstration publique du CRIPHASE, qui portent des pancartes, des banderoles, et qui font publiquement la marche, telle qu’elle est prévue, font aussi la marche de l’Histoire, de ça j’en suis profondément convaincu. Ils vont à visage découvert, dignement, courageusement, souvent accompagnés de leurs épouses, parfois de leurs enfants, et bien sûr, de femmes solidaires, elles-mêmes victimes, dans la majorité des cas, de violences sexuelles. Il y avait, cette année, deux femmes autochtones. Je les voyais là pour la première fois.

Nous étions peu nombreux, comme d’habitude, à peine plus d’une centaine: les hommes qui parlent et qui révèlent ce qui leur est advenu, c’est encore l’exception. Mais la révolution de la parole spécifiquement masculine viendra; elle sera; et ça fera partie d’une lente, mais irréversible redéfinition des genres, des couples, des identités sexuelles, des «maladies» mentales et des actes criminels, quand cette problématique des abus sexuels au masculin, sans présumer du sexe du prédateur, sera prise plus au sérieux, autrement que dans le seul rapport de domination vraiment respecté, celui qu'on dit «phallocrate». Nous étions peu nombreux, mais des hommes et des femmes de tous âges, de bonne humeur, heureux d’avoir survécu, heureux du printemps.

J’ai rencontré là — détail extraordinaire, quand même ! — un ancien étudiant, très impliqué dans ce mouvement d’aide aux hommes en détresse: belle conversation, généreuse et soutenue.  Et j’ai jasé un petit moment avec Sébastien Richard, cet homme qui a mené, presque seul, m’a-t-il semblé, le combat contre l’Église catholique et la Congrégation des Pères et Frères de Ste-Croix. Je lui ai dit: « Certains se butent sur le déni familial, ou l’indifférence incompétente et un peu cruelle du milieu de travail; mais vous, en plus de tout ça, vous avez affronté les caméras, une puissante congrégation, et l’opinion publique. À mes yeux, vous avez fait montre d’un courage inimaginable, et parfaitement exemplaire. » Je crois que c’est son épouse qui se tenait à ses côtés: en tout cas cette femme me regardait-elle avec un sourire radieux, évidemment complice. Un beau moment.


P.-S. Merci, André, meilleur ami, de toujours m’accompagner dans ces trucs un peu difficiles, toujours fortement émotifs. 







2 commentaires:

Alcib a dit…

« André, meilleur ami », au « sourire radieux, évidemment complice », vaut bien celui de la compagne de Sébastien Richard :o)

J'avais trop de travail pour mettre le nez dehors. Ma petite évasion : un petit article « partisan » ; c'est la moindre chose que je pouvais faire pour conjurer l'hécatombe annoncée de ce lundi soir

Richard Patry a dit…

... «partisan», peut-être, au sens où on l'entendait durant la Seconde Guerre mondiale... :-)

Parce qu'il nous faudra peut-être résister, suite à l'hécatombe...

Merci, Alcib.