mercredi 2 avril 2014

L'INTOUCHABLE VERTU DE LA PRESSE



Source: http://fansdedisney.centerblog.net/rub-Pinocchio.html?ii=1

J’ai encore une fois eu honte, mais, vraiment, honte, de la manière dont la télévision de Radio-Canada traite de ce qu’elle met en ondes durant cette campagne électorale québécoise de 2014. C’était il y a peu, ce soir, au Téléjournal de Mme Céline Galipeau, celui de 22 heures.

À quelques jours du scrutin, l’entrevue avec la première ministre Marois était corsée, mais c’est de bonne guerre, si Mme Galipeau, la journaliste, a recours à la même agressivité avec les autres chefs de parti. Et de toute façon, Mme Marois est une admirable battante, qui répond avec aplomb.

Non, c’est le traitement de la toute première nouvelle qui m’a scandalisé. Mme Galipeau a commencé par qualifier de «révélations», ré-vé-la-tions, ce que contenait cette lettre anonyme assermentée dont la Société Radio-Canada avait fait grand bruit la veille. (Demandez à un croyant le sens précis du mot «révélation»: pas de doute, c’est ce que «vérité révélée» par Radio-Canada veut dire.)

Dès que la nouvelle de ce soir s’est un peu étoffée, voilà que Mme Galipeau a opéré un retrait stratégique (il y a des poursuites possibles, voyez-vous, à l’encontre de la révélation sensationnelle de la veille), et qu’elle est passée au conditionnel: «aurait», a-t-elle prononcé, les lèvres pincées, deux fois plutôt qu’une, «au-rait». Comme dans: le financement du Parti québécois aurait, peut-être, pu être ce que nous en avons dit, mais bon, c’est conditionnel à ce que soit vrai ce que nous avons dit...

Par la suite, on entend Mme Marois, en conférence de presse, poser des fameuses de bonnes questions: n’y aurait-il pas vengeance contre elle et son parti, pour avoir réclamé cette commission d’enquête sur le crime dans l’industrie de la construction, qui secoue tant et tant le petit monde interlope des complets vestons, y compris dans les cabinets de génie-conseil ? C’est une question pertinente, d’autant plus que Mme Marois dit ignorer complètement qui est derrière l’accusation qui l’atteint, elle, par le biais de son époux. Mais ça n’intéresse pas du tout Mme Galipeau. Détail secondaire. Billevesées insignifiantes. La SRC n’aurait quand même pas pu être manipulée par des vengeurs masqués, non ?  Alain Gravel, manœuvré par un anonyme, lui si bouffi de sa propre suffisance ? Allons donc, c’est d’un ridicule. Embarrassant. 

Révélation, au conditionnel, devient donc «information», et encore, nouveau glissement: M. Sébastien Bovet, autre journaliste chevronné qui se joint à Mme Galipeau pour parler de ces choses de la vie, spécifie que si tous les partis dénoncent le «crime» du PQ (et même Mme Françoise David, qui a la vertu de Robespierre, et qui fait de grands signes que, oui, elle dénonce), il n’en reste pas moins qu’ils restent prudents sur ces «allégations». A-l-l-é-g-a-t-i-o-n-s, prononce Bovet, prudemment, sciemment. Enfin.

Mme Galipeau s’accroche, c’est le moment, un regard attristé au visage: n’est-ce pas une campagne exceptionnellement sale, demande-t-elle ? Oui, répond Bovet, mais glisse-t-il, comme si un bout de vérité avait enfin le droit d’exister, «la télévision, avec ses clips de 15 secondes, adore ces attaques» vicieuses, et en remet. Nous voilà finalement au fait. La récupération a été magistrale - ou presque. Radio-Canada a dit, et s’est dédite. L’important, c’est que le message reste. Un juge, lui, saura bien comprendre les vraies affaires.

N’empêche, honte à Mme Céline Galipeau. Honte à l’équipe du TJ de Radio-Canada. 


(Et c’est vraiment la dernière fois que j’écris quelque chose sur toutes ces saloperies journalistiques, d’ici les élections. On en a marre d’être odieusement manipulés par des gens qui savent parce qu’ils lisent n'importe quoi, et parce qu’ils appartiennent au monde des importants, ceux qui se donnent des missions.)





5 commentaires:

Alcib a dit…

Bien sûr, une fois la « révélation » lancée, l'« information » jetée au public comme des morceaux de charogne aux hyènes affamées, tous les adversaires (et il n'en manque pas dans cette campagne électorale) veulent pouvoir « surfer » sur la vague de l'allégation, « faire du millage » sur la rumeur, en étant juste assez prudents pour éviter eux-mêmes les poursuites pour diffamation, atteinte à la réputation.
Françoise la pure, qui se donne des airs de Jeanne d'Arc, ne vaut pas mieux que Couillard qui se fait dicter ses répliques par cet autre sans scrupule qu'est l'ex-ministre Jean-Marc Fournier. Elle qui prétendait faire de « la politique autrement », elle a vite appris comment faire une campagne électorale à la façon des Fournier, Couillard, etc. Tout est bon, même les pires mensonges, pour discréditer l'adversaire.
Évidemment, bien des journalistes, sinon presque tous, jouent le jeu : ils s'assurent qu'il y aura toujours de la boue disponible pour ceux qui aiment en lancer.

À regarder le scandaleux étalage de résultats de sondages, ces derniers jours, je suis malade. J'ai une forte et constante envie de vomir.
La perspective de revoir sur les banquettes ministérielles quelqu'un comme Jean-Marc Fournier et ses confrères libéraux me fait vraiment vomir, au sens propre (si l'on peut dire) du terme.
Je songe même à demander à Julius Grey s'il ne m'aiderait pas à poursuivre les maisons de sondage et les médias pour harcèlement psychologique, Philippe Couillard pour atteinte à la cohérence, à l'intelligence et à la capacité de jugement, et toute l'équipe de manipulateurs dans l'ombre du Parti libéral (les Fournier et compagnie) pour atteinte à la dignité humaine.
Quelqu'un d'autre pour un recours collectif ? Je suis sûr que Julius Grey fera de notre cause une priorité, avant même la défense du droit de vote des Canadians Visitors.

Richard Patry a dit…

J'ai lu tout cela, sourire en coin... ;-)

Écoute, Alcib, c'est tellement brillant, ce que tu écris ici, que tu devrais le reprendre sur ton propre blogue.

Je suis déçu, triste. Mme Marois méritait mieux de nous tous.

Richard Patry a dit…

Oh, et puis à propos, renonce à Me Gray: il sera dans le camp de vainqueurs ! :-)

Alcib a dit…

Richard, tu es trop flatteur :o)
Mais c'est difficile de parler de politique québécoise chez moi ; la plupart de mes lecteurs ne sont pas québécois. Il me faudrait donc tout situer dans le contexte, ce que toi tu fais très bien merci. De ce fait, mon coup de gueule et mon sarcasme en sont dilués... Mais peut-être que si mes commentaires sont parfois un peu longs chez les autres, mes lecteurs préféreraient ces commentaires aux articles parfois plus longs encore que je publie. Avec le temps, des Québécois finiraient par aboutir chez moi et... approuver ou protester.

Récemment, j'ai parlé de Dieu et de la Lune ; tout le monde connaît Lune et l'Autre, même si leur signification et leur importance respectives n'est pas la même pour tous.

Richard Patry a dit…

Évidemment. Ce que tu écris, très beau, est un appel à la modestie - dans le sens exact de ce mot. Je le prends pour moi, comme on dit.

Merci !