Je n’avais pas regardé encore le dernier épisode de l’actuelle saison des Pays d’en Haut. C’est fait depuis ce soir. C’était, peut-être, le meilleur épisode de tous. Cette télésérie était excellente: la dramaturgie, les acteurs, les décors et les costumes — la saleté, la pauvreté, l’alcool, la proximité encore vivace avec les peuples amérindiens, — voire la trame historique qui sert de fond à la tragédie, tout dit vrai, y compris des roitelets provinciaux, spéculateurs, politiciens, — quoique j’aie là-dessus un léger désaccord avec un confrère historien. Lui trouve la série trop peu conformiste, si je l’ai bien compris. (Je me demande bien ce que mon autre confrère Jean-Charles Panneton a pensé, lui, de cette série.)
Je n’ai jamais cru que les Canayens français étaient devenus véritablement bondieusards (peut-être un peu tartuffes ?), entre 1840 et 1960. Je n’ai jamais cru que la prison idéologico-religieuse que Mgr Bourget a construite autour d’eux, contre eux — et contre le souvenir de la Révolution de 1837 — avait été efficace. Le fait est qu’il y a eu un capitalisme naissant, même en pays de colonisation, que ni Mgr Bourget ni le curé Labelle n’ont condamné au nom de valeurs arriérées qu’on a longtemps prêtées, faussement, à l’ancienne Nouvelle-France, et qui auraient miraculeusement survécu bien après 1760, malgré les « valeurs de progrès » amenés (supposément) par les Anglais… Le fait est que l’on sortait sur les perrons d’église pendant le sermon, histoire d’en fumer une bonne et de jaser billots et fumier, patrons, banques et prêteurs… Le fait est qu’il y a eu une sexualité de promiscuité, particulièrement en pays de colonisation… Le fait est que l’alcool coulait à flots, malgré les sociétés de tempérance: la famille Molson ne s’en plaignait guère, d’ailleurs…
Et le fait est, surtout, qu’il y a eu une fuite, quelque chose comme une grande évasion, de centaines de milliers de Canayens vers la Nouvelle-Angleterre, et même vers l’Ouest américain, qui s’ouvrait à l’époque aux colons de l’Est comme aux exploiteurs de tout acabit. Cette fuite, elle n’était pas le simple fait d’une recherche de jobs (ou d’or) que le Québec n’offrait plus aux trop nombreux enfants d’une paysannerie qui avait besoin de bras et qui voulait survivre, mais une évasion vers une liberté que l’on croyait encore possible et dont on avait encore le souvenir nostalgique, dans ces « grands espaces » devenus mythiques… Parce que, voyez-vous, « les pays d’en haut », avant 1760 - avant la Conquête parachevée, - ce n’était pas le pays des Laurentides, c’était le Sud-Ouest, les Grands Lacs, la vallée du Mississippi, territoires perdus qui ont tant et si profondément marqué l’imaginaire des Canayens qu’ils en ont inventé de nouveaux, sorte de Far West du Nord, dans ces Laurentides, terre de roches, de misère, de corruption et de politicaillerie — sans or, cependant, et sans usines… Les Canayens sont restés indociles, délinquants, blasphémateurs, indifférents aux feux de l’enfer dont on les a pourtant si abondamment menacés. Ils sont demeurés, surtout, proches de l’acculturation avec les nations indiennes dont ils ont si longtemps partagé le destin, au point que les Anglais, au lendemain de la Conquête, confondaient allègrement les deux peuples. (Voir là-dessus l’excellente étude de Denis Delâge, dans les Cahiers des dix.) De cette acculturation, on en trouve encore de nombreuses traces de nos jours.
Quand René Lévesque parlait de « liberté », il faisait vibrer les nôtres. Mais quand il parlait de l’effort inouï (et du « risque calculé ») nécessaire pour construire un nouveau pays, les Québécois lui tournaient le dos, sifflaient l’air de rien, et, le moment venu, votaient Non. La liberté, ici, n’a jamais été vraiment contraignante ni contrainte; la liberté est restée d’espace et d’échappée, sans connaissance réelle et marquante ni d’une religion asservissante ni de classes sociales écrasantes, humiliantes, quoi qu’elles aient été réellement. À l’encontre de ces carcans, les Québécois, ont gardé et gardent toujours cet esprit « égalitaire » (de tribu, de clan, réfractaire à tout encadrement juridique,) qu’on leur reproche, parfois, comme si c’était là une « faute » qu’ils devaient regretter…
M. Piere-Karl Péladeau, président du Parti québécois, tout comme Mme Française David, porte-parole parlementaire de Québec solidaire, se buteront encore longtemps sur cet inconscient collectif qui, comme tout inconscient, a des racines profondes, mais n’a pas de « temps » pour mourir.
Je n’ai jamais cru que les Canayens français étaient devenus véritablement bondieusards (peut-être un peu tartuffes ?), entre 1840 et 1960. Je n’ai jamais cru que la prison idéologico-religieuse que Mgr Bourget a construite autour d’eux, contre eux — et contre le souvenir de la Révolution de 1837 — avait été efficace. Le fait est qu’il y a eu un capitalisme naissant, même en pays de colonisation, que ni Mgr Bourget ni le curé Labelle n’ont condamné au nom de valeurs arriérées qu’on a longtemps prêtées, faussement, à l’ancienne Nouvelle-France, et qui auraient miraculeusement survécu bien après 1760, malgré les « valeurs de progrès » amenés (supposément) par les Anglais… Le fait est que l’on sortait sur les perrons d’église pendant le sermon, histoire d’en fumer une bonne et de jaser billots et fumier, patrons, banques et prêteurs… Le fait est qu’il y a eu une sexualité de promiscuité, particulièrement en pays de colonisation… Le fait est que l’alcool coulait à flots, malgré les sociétés de tempérance: la famille Molson ne s’en plaignait guère, d’ailleurs…
Et le fait est, surtout, qu’il y a eu une fuite, quelque chose comme une grande évasion, de centaines de milliers de Canayens vers la Nouvelle-Angleterre, et même vers l’Ouest américain, qui s’ouvrait à l’époque aux colons de l’Est comme aux exploiteurs de tout acabit. Cette fuite, elle n’était pas le simple fait d’une recherche de jobs (ou d’or) que le Québec n’offrait plus aux trop nombreux enfants d’une paysannerie qui avait besoin de bras et qui voulait survivre, mais une évasion vers une liberté que l’on croyait encore possible et dont on avait encore le souvenir nostalgique, dans ces « grands espaces » devenus mythiques… Parce que, voyez-vous, « les pays d’en haut », avant 1760 - avant la Conquête parachevée, - ce n’était pas le pays des Laurentides, c’était le Sud-Ouest, les Grands Lacs, la vallée du Mississippi, territoires perdus qui ont tant et si profondément marqué l’imaginaire des Canayens qu’ils en ont inventé de nouveaux, sorte de Far West du Nord, dans ces Laurentides, terre de roches, de misère, de corruption et de politicaillerie — sans or, cependant, et sans usines… Les Canayens sont restés indociles, délinquants, blasphémateurs, indifférents aux feux de l’enfer dont on les a pourtant si abondamment menacés. Ils sont demeurés, surtout, proches de l’acculturation avec les nations indiennes dont ils ont si longtemps partagé le destin, au point que les Anglais, au lendemain de la Conquête, confondaient allègrement les deux peuples. (Voir là-dessus l’excellente étude de Denis Delâge, dans les Cahiers des dix.) De cette acculturation, on en trouve encore de nombreuses traces de nos jours.
Quand René Lévesque parlait de « liberté », il faisait vibrer les nôtres. Mais quand il parlait de l’effort inouï (et du « risque calculé ») nécessaire pour construire un nouveau pays, les Québécois lui tournaient le dos, sifflaient l’air de rien, et, le moment venu, votaient Non. La liberté, ici, n’a jamais été vraiment contraignante ni contrainte; la liberté est restée d’espace et d’échappée, sans connaissance réelle et marquante ni d’une religion asservissante ni de classes sociales écrasantes, humiliantes, quoi qu’elles aient été réellement. À l’encontre de ces carcans, les Québécois, ont gardé et gardent toujours cet esprit « égalitaire » (de tribu, de clan, réfractaire à tout encadrement juridique,) qu’on leur reproche, parfois, comme si c’était là une « faute » qu’ils devaient regretter…
M. Piere-Karl Péladeau, président du Parti québécois, tout comme Mme Française David, porte-parole parlementaire de Québec solidaire, se buteront encore longtemps sur cet inconscient collectif qui, comme tout inconscient, a des racines profondes, mais n’a pas de « temps » pour mourir.