(Statut publié sur Facebook, et qui a entrainé un grand nombre de réactions — j’imagine que ce n’est pas fini. Je publie ici, avec son accord, la réplique de Sonia Di Capo, commentaire qui a été très applaudi.)
Je suis toujours mal à l’aise relativement au déferlement d’éloges qu’on adresse à une célébrité qui meurt.
Je sais bien que ce sont les survivants qui se consolent, et qui font l’éloge, en fait, de ce qu’ils ont aimé.
Mais le fait est que Cohen est mort. Qu’il n’existe plus. Et que c’est désormais tout comme s’il n’avait jamais existé. Je parle de sa conscience d’être, bien sûr, bizarre émergence de la matière qui s’observe, un temps… Quand on n’est plus, qu’on est néant, on est néant de toute éternité. C’est la vie qui est un mystère, pas la mort. Bref, les éloges ne lui servent à rien. Cohen ne les entend évidemment pas. On ne les adresse qu’à un souvenir, une trace, un météore aussi brillant fût-il, mais qui s’est pulvérisé. Cohen est devenu un concept. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours eu beaucoup de difficulté à faire l’éloge de qui que ce soit qui a disparu. Parce que la mort n’est pas que présente, elle est aussi passée. La disparition, c’est, au sens exact, le rien, dont le sens de ce mot n’est toujours qu’imparfait quant à ce qu’il peut signifier…
Triste mort, triste décès.
Sonia Di Capo — On fait les éloges souvent pour nous-mêmes, pour nous consoler de ceux qui partent. Pour s’approprier en nous d’une partie de ce qui se volatilise, pour la laisser vivre en nous. Et en la communiquant, on se sent moins seul dans ce désir que quelque chose reste vivant, qu’il demeure l’héritage d’un souvenir partagé.
Nous aimerions que les morts nous entendent. Et nous ne savons pas vraiment ce qu’il advient. On peut avoir cette impression qu’il y a le rien après la vie, mais la réalité est que la mort est irreprésentable. Nous ne savons pas. Il n’y a aucune certitude de rien. Vivre en équilibre avec l’incertitude demande beaucoup de force. C’est pour ça qu’on décide de croire, soit qu’il n’y a rien, soit qu’il y a quelque chose. D’un côté comme de l’autre, on cherche à se rassurer. Mais nous ne savons pas. On a cette impression que la conscience ne peut vivre sans cerveau. Ça semble logique. Mais nous ne pouvons affirmer hors de tout doute qu’il ne reste rien d’une vie après le dernier souffle.