mardi 31 décembre 2013

2013: L'ANNÉE DE DIEU




Il s’est passé quelque chose d’extraordinairement important, cette année, au Québec. Le gouvernement a proposé de laïciser l’État, d’obliger une sécularisation quasi complète de ses services. Les employés de l’État, tous les employés de tous les services publics, si jamais la Charte des valeurs de la laïcité devait être adoptée par le parlement, devront attester de ce passage extraordinaire dans l’histoire de la chose publique, l’avènement de la neutralité religieuse de l’État, qui fera désormais le pari audacieux d’assurer son autorité sans s’habiller de Dieu.

On mesure mal la rupture historique et culturelle que cela représente, tant l’État a vite appris l’importance de cloîtrer et de nourrir ses prêtres, pour mieux mystifier la multitude et rendre tolérable la propriété du sol, des grains, des femmes, des travailleurs dépossédés d’eux-mêmes, de la valeur calculée des avoirs, des capitaux, des fortunes. Quel pari ! L’humanité des citoyens singulièrement affirmée et renforcée, il en arrivera, tôt ou tard, que tous les êtres humains seront plus égaux que jamais entre eux ; qu’ils auront droit à la même urgence de vivre, le mieux et le plus longtemps possible ; qu’ils pourront faire obligation à l’État d’assurer l’égal accès aux ressources qui sont fondamentalement l’affaire de tous ; et qu’ils auront la liberté d’imposer le respect dû à ce bas monde, cette Terre qui seule les a produits et qui seule pourra, de longtemps, les nourrir encore.

Ce n’est pas désespérant de ne croire en rien. Subsistera longtemps dans cet espace privé qu’est la conscience de chacun, cet espoir insensé d’un monde meilleur, ailleurs qu’ici-bas parce qu’impossible ici-bas. C’est précisément cette croyance qui est démoralisante. Ne rien croire de ce qui nous vient de l’obscurité des temps anciens, c’est se désaliéner, c’est se libérer : Dieu n’a jamais rien vengé, ne fera jamais justice. «Nous finissons [enfin] par comprendre comment s’est formé le monde qui est le nôtre au début du XXIe siècle. C’est un monde dans lequel la richesse peut être produite à une échelle dont nos grands-parents n’auraient pas osé rêver, et pourtant c’est un monde dans lequel les structures de domination de classe, d’oppression et de violence semblent plus fermement enracinées que jamais.» (Chris Herman) Rendons-nous bien compte, même si ça reste désagréable encore d’en prendre conscience, que ce sont la science et la connaissance qui font comprendre comment s’est formé le monde : ce sont elles qui en assureront la transformation. Les chrétiens ont longtemps supplié Dieu : «dis seulement une parole…» : il ne l’a jamais dite. Dieu, de quelque religion qu’il soit, n’est désormais plus du contrat. Et pourtant...

Et pourtant, je sais bien qu’une partie considérable de la gauche québécoise a refusé radicalement le projet de Charte de la laïcité du gouvernement québécois. Certains l’ont fait par cynisme politique, par calcul électoral sec : une migration espérée, et massive, de votes, d’un parti décrié vers un autre, nouveau et plus progressiste. C’était un peu consternant de voir ces militants, prêts à tout, s’exercer à la tolérance religieuse, feindre de croire qu’une coiffe facilitait la fréquentation du troisième type avec l’Au-delà, apparaître stupéfaits de la sensibilité sociale du nouveau pape, un allié, de toute évidence, pour la juste cause et la révolution…

D’autres, sincèrement, je n’en doute pas, ont cru voir, dans le projet gouvernemental, une dérive raciste effroyable, sacrifiant spécifiquement les femmes de confession musulmane au besoin de construire un État-nation sur base d’exclusion. Ceux-là ont crié haut et fort contre la rupture d’un contrat social majeur, cette Charte canadienne des droits, enchâssée dans la constitution de ce pays, et qui garantit toute une liste de droits individuels, mais que ces droits individuels;  ces résistants, qui s’imaginaient parfois revenus au bon vieux temps des années 30, prenaient le risque grave, mal calculé, que le droit à la liberté de religion, érigé en valeur absolue, ne fasse qu’affermir un système appuyé sur les droits individuels, ceux que l’on considère comme les «droits de…» (de faire, par exemple, ce que je veux, de penser ce que je veux, de croire à ce que je veux, parce qu’on est dans un pays libre, et que j’en ai bien le droit), au détriment, inquiétant, des «droits à…» ( à voir, par exemple, aux besoins essentiels de tous, irrécusables et pressants,) ces droits sociaux, ces droits communautaires et ce droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, ce qui n’est quand même pas rien. C’est Fourier qui disait, de ces droits individuels organisés en système idéologique exclusif, qu’ils faisaient du peuple un plaisant souverain, que ce peuple souverain qui a des droits, mais qui manque de tout, sinon qu’il meurt de faim… Autrement dit, les droits collectifs sont aussi des droits inaliénables: pourtant ils n’apparaissent nulle part, dans la constitution canadienne, et pour cause.

Au Canada, en 1982, le keynésianisme était rejeté dans les poubelles de l'Histoire. L'avenir, l'avenir final, inhérent à la nature même des choses, aussi bien dire la fin de l'Histoire, c’était ce monétarisme que les puissants allaient désormais nous présenter comme la nouvelle bible, s’accommodant du reste parfaitement bien de l’ancienne, pourvu qu’elle serve, comme de juste, à la croissance, et qu’elle n’entrave rien des libertés de qui que ce soit. Le fait est que les croyants s’en sont parfaitement accommodés, de cette idéologie nouvelle, même si les Églises renâclaient un peu, pour la forme, quand il s’agissait d’avortement, d’homosexualité. S’inscrivant dans la mouvance idéologique de Madame Tatcher, de Ronald Reagan, et de ce Milton Friedman qui devait causer tant de ravages de par le monde, de ce Friedman qui concevait la démocratie que dans la seule pratique, sans restrictions, des libertés individuelles, voilà pourquoi un Trudeau enthousiasmé a fait adopter la Charte canadienne des droits et libertés — et que dans la même logique, Mulroney a fait adopter, lui, le traité de libre-échange avec les États-Unis. Il fallait démanteler l’État, déréglementer, privatiser, mondialiser, considérer que la personne, tout comme l’entreprise privée, toujours, résolvait mieux les problèmes de marché que les gouvernements, incapables et voleurs d’impôts… L'erreur de la gauche, là-dessus, d’une gauche qui n’a de cesse d’expier Staline, Mao, Castro, les prisons d’État et les déportations sauvages, est de s’être liée si étroitement, et avec tant d’humilité souffrante,  au système des droits individuels, alors que la modernité impose de relativiser les plus contestables d'entre eux, et de considérer l'urgence des droits de solidarité et des droits d’accès aux biens communs de l’Humanité et pour l’humanité... La gauche se faisant de Trudeau, s'est aussi faite du néolibéralisme : c’est là une réalité navrante ; la gauche, une partie du moins, s’est dégagée de ce qui a toujours fait ses idéaux et sa noblesse.

2013 a été l’année de Dieu. Aussi bien dire un danger. Un sérieux recul. Et nous voilà, en 2014, toujours confronté à ce défi, qui a traversé tout le dernier siècle, de concilier la science et le progrès social, les droits individuels et davantage d’État dans la vie collective, et pour mieux faire, un État neutre, pacificateur, premier responsable de tous, générateur de droits nouveaux. On y arrive peut-être, au moins à une première étape, fondamentale, la neutralité religieuse de l’État. Mais «Rien n'est jamais acquis à l'homme, Ni sa force ni sa faiblesse, ni son cœur. Et quand il croit ouvrir ses bras Son ombre est celle d’une croix.» (Louis Aragon) Rien n'est jamais acquis: l'ombre reste encore celle d’une Croix, de signes religieux lourds, contrariants, ostentatoires.  





samedi 21 décembre 2013

TEXTE, iPad ET NUAGE : CE QU’IL Y A DE MIEUX




Je me sers beaucoup du «nuage» d’Apple : en fait, je trouve que c’est une merveille technologique – qu’un de mes amis prévoyait déjà, il y a longtemps, quand il disait que viendrait le temps de la désuétude des ordinateurs domestiques, des disques durs et des logiciels personnels, et que tôt ou tard, tout ce que pourrait faire l’intelligence artificielle s’exécuterait et se conserverait en ligne. Viendrait donc le temps où les ordinateurs personnels ne seraient plus que des silhouettes et des relais, que des écrans et des claviers.
De toute évidence, c’est vers ça que l’on s’en va, et vite. Déjà la mémoire flash et le SSD modifient considérablement le rôle traditionnel du disque dur, le limitent, le menacent. Les claviers eux-mêmes risquent de disparaître, au profit d’écrans tactiles, et de commandes vocales. Faudra s’y faire, tout se fera dans un monde virtuel de haute altitude, à partir d’applications à l’usage commun, et c’est dans une réserve fractale, démentielle et infinie que l’on stockera. C’est Dieu, en fait, réinventé, et désormais bien réel, c’est l’immense horloge de Voltaire, c’est la Providence projetée par l’homme, tout comme l’était le Dieu des temps anciens, mais un Dieu qui désormais répondra enfin à la demande, qui fera de vrais miracles, un Dieu accessible de partout, qui emmagasinera et connaîtra réellement tout des pensées des êtres humains de la terre entière. Ce Dieu, très nette créature humaine, révélera de nouveau son humanité, sans avoir besoin cette fois de se réincarner : il lui arrivera de se tromper ; il révélera ses vulnérabilités ; il servira les puissants, fouillera les consciences, et punira les méchants, tout comme faisaient les autres dieux, ses ancêtres. Le jeune Edward Snowden a déjà prévu la manœuvre, dénoncé l’usurpation du pouvoir de Dieu : rien n’y changera, pourtant. Dieu est à nouveau partout, ostentatoire comme jamais, luminescent, souvent bleu ciel. Il sert au savoir, à l’enseignement. Il est dans les bureaux de police et de fonctionnaires, dans les officines gouvernementales, dans le sac à main de la Première ministre. Dieu s’appelle Nuage, iCloud, Informatique dématérialisée, InfoNuage.
Ce Dieu existe, et je l’aime. Il écoute mes dictées vocales, entend mes pensées, les traduit, les transporte, les exécute. Et comme un ecclésiastique nouveau genre, me voilà qui m’essaie à l’écriture sacrée !
Disons tout de suite, au lecteur éventuel de ce blogue, que je suis du bord du vrai Dieu, que je professe la vraie religion, bref, que j’appartiens tout entier au monde d’Apple. Les hérétiques trouveront peut-être quelque utilité à mes suggestions, et c’est ce que je souhaite, bien sûr, des conversions de masse. Rien de mieux qu’une religion dont les fidèles sont nombreux : à la base, ils paient, ce qui est un pur bonheur pour Apple, mais on leur donne, pour faire illusion, quelques facilités gratuites, et c’est ce que je m’apprête à faire ici.
J’ai découvert la merveille du Nuage, par le biais d'un petit logiciel tout simple, Notes, apparu sur l’iPad avec l’iOS5, et sur nos machines en même temps que Lion : c’est dans Notes que j’ai pris l’habitude, très vite, de coller ce que j’avais copié et voulais retenir, extraits transcendants de lectures numériques rendues possibles grâce à cette autre petite merveille technologique qu’est l’iBooks, l’insurpassable lecteur d’Apple. J’ai commencé par transmettre mes notes, d’un appareil à un autre, par courriel ; c’était antédiluvien, je le savais, mais comme pour l’homme préhistorique qui avait vécu l’expérience de la grande inondation, le Nuage me faisait peur. Et puis, un jour, j’ai osé : et miracle, tout ce que j’avais noté, patiemment, au fil de lectures attentives, se trouvait désormais sur mon Mac : une authentique apparition !
Comme tout converti de fraîche date, je me suis lancé fervemment dans le cloud computing. J’ai à peu près tout activé ce qui pouvait l’être des réglages de l’iCloud. Mais le besoin de prosélytisme est fort, il me travaillait la conscience : partage, Richard, aide ton prochain, aime-le comme toi-même…
Quand on parle de Dieu, qu’on prêche la vérité nouvelle, on va à l’essentiel, on fait l’économie des tâtonnements. L’App Store pullule, pour le iPad et autres «devices», d’applications qui permettent de prendre des notes et de les partager en ligne, par courriel, ou sur les réseaux sociaux. Plus rares sont les bons logiciels d’écriture ; exceptionnels sont ceux qui téléportent vers le Nuage, textes, images, graphiques, et autres mystères de la science et de la vie.
Commençons donc par ce qu’il y a de mieux – à mon humble avis. Ce logiciel, superbe, solide concurrent du célèbre logiciel de bureautique de Microsoft, cependant plus simple, plus épuré, et plus facile d’utilisation, c’est Pages, un prodige qui se synchronise, textes, images, graphiques, comme par enchantement, par l’entremise de l’iCloud. Pages se vend 20 dollars sur Mac, 10 dollars sur iPad, mais encore, pour celles et ceux qui ont acheté tout récemment leur appareil mobile équipé de l’iOS7, Pages est gratuit pour ledit appareil. Certains esprits chagrins diront : mais que croire de l’iCloud, justement, qui ne stocke, gratuitement, que 5 Go de nos précieuses données ? La critique est juste, le doute, fondé. Mais Pages s’adapte ; il sait être multiconfessionnel. Autrement dit, on peut stocker un volume considérable de textes sur d’autres «nuages», plus gros et tout aussi gratuits que l’iCloud : l’affaire est bonne à savoir, quand on a l’idée d’écrire – par exemple - une saga de mille pages. (Sur Mac: Enregistrer sous, et choisir le «nuage» qui fait notre affaire. Sur iPad: Sélectionner Envoyer une Copie, Connexion WebDAV, et choisir à nouveau le même «nuage». Dieu est infini !)
J’y vais donc de mes suggestions, en matière de cumulus généreux, peu regardant sur la forme et les limites des fichiers qui lui sont transférés. C’est là que vous pouvez déverser vos surplus d’écriture. (Et j’aimerais, comme de juste, lire les suggestions d’autres prêtres, éclairés quant à la nouvelle théologie.)
Copy (excellent) offre jusqu’à 20 Go gratuits (et ça peut s’étendre, pour peu que vous ayez des amis intéressés) :
Box (excellent) propose 10 Go gratuits, tout aussi extensibles que le cloud précédent:
SugarSync a aussi quelque intérêt, bien qu’il limite sa gratuité à 5 Go, et qu’il organise au préalable la disposition des données transmissibles dans trois dossiers prédéfinis. Une contrainte.
L’excellent, et très connu DropBox n’offre, pour le stockage gratuit, qu’un maigre 2 Go. Mais on ne se privera quand même pas de DropBox, trop utile, par ailleurs, pour d’autres fonctions de télécommunication.
Remarquez, chers amis tout près désormais de me croire inspiré par le Très-Haut, qu’il y a là déjà 42 Go d’infonuage à libre disposition : iCloud, Copy, Box, SugarSync, DropBox. Le nouveau Dieu est infiniment aimable dans son avènement – infiniment, ou presque. Et ce n’est pas fini !
Il y aura celles et ceux, bien sûr, qui m’objecteront que toute religion se doit d’être totalement gratuite. À ceux-là qui ne voudront pas de Pages, parce qu’il faut l’acheter, je conseillerai deux alternatives plus limitées comme traitement de texte, mais tout de même bien conçues, et certainement suffisantes quand il s’agira de favoriser l’expression adéquate d’une imagination même débridée : Google Drive, bien sûr, qui synchronise textes, photos et vidéos, et qui peut, détail non négligeable, être utilisé hors connexion sur iPad, et Quickoffice, qui rend disponible, gratuitement, l’essentiel des éléments (documents, tableaux et présentations Power Point) de la suite Microsoft – un petit piège que les vendeurs du Temple de Google ont tendu à Microsoft, semble-t-il… Dans les deux cas, c’est sur le site en ligne de Google Drive que l’écrivain retrouve son travail, à reprendre, correctement, sur un ordinateur digne de ce nom ; mais bien sûr, mieux vaudrait, dans cette perspective, disposer des logiciels coûteux de Microsoft Office. Rien n’est jamais totalement gratuit. Les chapelles de l’informatique, ça se paie. Google Drive offre tout de même 25 Go d’espace gratuit en ligne, ce qui n’est pas rien ! On rejoint le site Internet de Google Drive par le lien suivant :
On trouve aussi, sur l’App Store, une énorme application gratuite (qui fait plus de 260 Mo à télécharger), Microsoft OneNote pour iPad, synchronisée avec le site en ligne SkyDrive :

Il s’agit là d’un programme intéressant d’abord les étudiants munis de tablettes, pour la prise de notes de cours, par exemple; mais le logiciel est complexe, peu maniable, quoiqu’il synchronise tout de même textes et photos, et qu’il propose les options de base du traitement de texte. Skydrive donne à l’abonné un premier 7 Go de gratuité. Mais tout comme l’application du mobile, le site est difficilement manipulable, sauf, j’imagine, pour les habitués des machines Windows : le nouveau Dieu a mis là son purgatoire, dont, au fond, on pourrait bien se passer.

À mes lecteurs malheureux qui n’auraient qu’un iPad (ou qu’un iPhone), sans avoir le Mac, le vrai, avec qui se mettre synchro, il y a une belle application gratuite de prise de notes, aussi longues que l’on veut, aussi nombreuses que l’on veut, et qui peut donc servir à écrire, d’autant plus que l’application est coordonnée avec son propre site Internet, qui jouit, lui, d’un moteur de recherche interne pour l’ensemble des notes qu’un auteur exalté y aurait versées. L’application s’appelle – la chose semblera à tous parler d’elle-même – Simplenote. C’est à cette adresse que l’on peut retrouver toutes ses notes synchronisées :


Conclusion :
Ce n’est plus ni par le bois en croix ni par la pudeur du tissu que l’on peut désormais faire une expérience spirituelle. Ce Dieu ancien, qui se faisait prier, longtemps, souvent, pour n’entendre finalement que très peu de ce qu’on lui demandait, faute d’exister, a été remplacé par l’homme de science, qui l’a recréé à son image et à sa ressemblance. Ce Dieu nouvelle mouture, il écoute si on l’active. C’est ce que j’ai fait quand j’ai réveillé l’iCloud dans mes réglages d’iPad et d’iMac. Je sais bien que je suis désormais, comme tout un chacun qui a choisi de vivre dans son temps, sur écoute perpétuelle. Rien n’empêche d’écrire des bravades. Et puis, comme disait Umberto Eco, tout cela qui devient si formidable et si massif, devient aussi, et pour beaucoup, un simple bruit. C’est peut-être cela, ce bruit, que Dieu a toujours été, de toute éternité.
J’espère avoir rendu service : le mot «gratuit» apparaît onze fois dans mon texte : c’était le but.

PS (en date du vendredi 3 janvier 2014)


Il vaut quand même la peine de signaler, pour les détenteurs de la suite Microsoft, que vous pouvez enregistrer (Ficher, Enregistrer, Emplacement) vos textes directement dans le «cloud», entendons ici Google Drive, Box, Copy ou Dropbox, pour autant que vous soyez abonnés à l’un ou l’autre de ces services de stockage en ligne, et que vous ayez les applications de ces fournisseurs à la fois sur votre machine, et sur votre tablette. De votre tablette, vous pourrez ensuite ouvrir et traiter vos textes  avec Google Drive, Quickoffice ou même Pages. Magnifique !


PS (en date du mercredi 15 janvier 2014)

Il y a tant d’espaces de stockage, gratuits, en ligne, qui s’offrent à nous, qu’il arrivera bientôt que le Ciel sera pleinement accessible, vaste et gratuit, pour tous et toutes !

Je signale donc aux intéressés deux autres sites de stockage que je viens de découvrir:

pCloud, (belle interface, facile d’usage, pas du tout contraignant) qui offre 10 Go gratuits, extensibles, au moyen d’invitations expédiées aux heureux élus de son Carnet d’adresses (dans un esprit de partage, comme de juste):

Loom, qui ne sert à rien pour la préservation de textes, mais qui propose quand même 5 Go gratuits (extensibles, invitez, invitez !) pour le stockage de photos ou de vidéos. Le site vaut le coup d’oeil: sublime ! Et bien sûr qu’il peut être utile:








vendredi 29 novembre 2013

LE PLAIDOYER DE JOHN IRVING POUR LA LIBERTÉ DES GENRES




Je ne participe plus jamais au débat virulent qui porte sur la Charte québécoise des valeurs de la laïcité. J’ai dit ce que j’avais à dire, en fait je l’ai écrit, ici sur ce blogue, ailleurs aussi. Je trouve simplement que les incroyants (agnostiques ou athées) sont étonnamment absents de ce débat, comme s’il y avait encore, à l’ère de Hubble, de la génétique et de la physique des hautes énergies, un scrupule à affirmer sa non-croyance, à rejeter du revers de la main (et de l’intelligence) l’incroyable bêtise de pratiques religieuses héritées de l’Histoire, de temps anciens dont les craintes et les questionnements nous sont devenus totalement étrangers.

Pour le «reste», qui peut savoir ce qui nous est radicalement inconnu ?

J’ai terminé, il y a quelques jours, la lecture du plus récent roman de John Irving, À moi seul bien des personnages, véritable plaidoyer - passionné, attendrissant, humaniste avec ferveur, amoureux du genre humain au-delà des genres - plaidoyer en faveur des diversités sexuelles, et du besoin  irrépressible qu’elles ont de leur liberté pleine et entière, à l’encontre de tous les obscurantismes, de toutes les religions, de tous les endoctrinements, qui n’hésitent pas, s’il le faut, à recourir à la punition violente, à l’humiliation irréparable. Je suis gay; il me semble que je me suis ouvert, depuis longtemps, à toute espèce de genre humain. Et pourtant, le roman de John Irving pousse si loin le récit de l’incontrôlable variété des personnes et des sexualités qu’il a bousculé, souvent, mes préjugés encore tenaces. Irving a mieux compris, et plus profondément que bien des auteurs gays, ce que veulent dire la liberté d’être, et le courage  qu’il faut pour y parvenir. J’ai été conditionné, moi aussi, bien sûr, et il m’a fallu toute une vie pour me donner le droit de me dire et de me montrer tel quel, spécifique et marginal. Alors je reste froid, très froid, vous comprenez, à toute idée, toute possibilité d’intoxication mystique ou de bourrage de crâne par de supposés maîtres penseurs.

Il y a, à Montevideo, Uruguay, où je m’en vais en décembre qui vient, un monument élevé à la diversité sexuelle. Il nous faudrait débattre d’un pareil monument, à Montréal: ça nous changerait des débats antédiluviens qui sont, hélas, trop souvent les nôtres, par le temps qui court… 





dimanche 20 octobre 2013

UNE PLACE POUR CHAQUE FEMME, ET CHAQUE FEMME À SA PLACE







Sidérant. 

Un concept publicitaire remarquable imaginé par Christopher Hunt, pour Femmes ONU/UN Women. 

Le designer a simplement interrogé le moteur de recherche Google, sur ce que les femmes devraient ou ne devraient pas faire, ou pire encore, sur ce dont elles auraient vraiment besoin - dans l'hypothèse où le genre masculin voudrait se pencher sur leurs urgences spécifiques et distinctives.

Ce n’est ni d’égalité juridique ou civile, ni de salaires justes et équitables, ni de libre disposition de leurs corps et de leur sexualité dont il est prioritairement question sur Internet. Non.

Les propositions du célèbre moteur de recherche (en fait, ici, les réponses à des suggestions de recherches volontairement initiées) vont toutes dans le sens des pires préjugés, des clichés les plus crasseux qu’on puisse imaginer. Qui pouvait supposer que ce qu’on désirait des femmes, à la grandeur du monde, du moins le monde qui interroge Google en anglais, était encore à ce point arriéré ? Ces listes de suggestions, faut-il le rappeler, sont générées à partir de questions similaires déjà fréquemment formulées, et des cooccurrences les plus courantes combinées au mot « femmes » par la « littérature » en ligne les concernant.

Le résultat est sidérant, percutant, révélateur: le constat, navrant. Cette pub devrait faire le tour du monde, devrait être vue par tous.

PS J’ai testé «men need to»: le résultat est parfaitement cohérent avec ce que l’on vient de constater... À «gay men need to», Google restait estomaqué, un peu scandalisé, et sans rien à suggérer... 








mercredi 16 octobre 2013

MARIE-ANTOINETTE, OU QUAND ON PERD LA TÊTE...


Croquis de David, 1793



Il y a 220 ans, aujourd’hui même, Marie-Antoinette, ci-devant reine de France, veuve Capet depuis l’exécution de Louis XVI, son époux, avec qui elle était mariée selon le rite catholique le plus strict, se dirigeait (un peu forcée) vers l’échafaud, pour apprécier à sa juste mesure l’efficacité du grand «rasoir national»... Le peintre Louis David s’était placé sur son chemin, et s’était rendu ensuite (en courant ?) Place de la Révolution (devenue depuis Place de la Concorde) pour voir, de ses yeux vus, la lame trancher le cou royal. (Comme tout mécréant, David était de ceux qui ne croyaient que ce qu’ils touchaient, ou presque...) D’où, les deux dessins qu’il a rapidement tracés, hyper célèbres, mais qui, selon certains, ne sont pas vraiment de beaux dessins...

La reine était devenue presque aveugle: elle n’y voyait plus rien, ce qui explique, peut-être, qu’elle écrasa le pied du bourreau, par inadvertance, et qu’elle s’en excusa, pleine de politesse et de sainte componction. Elle avait 38 ans. Elle en avait l’air du double, tant elle avait vieilli prématurément, mais on lui interdisait de porter quelque maquillage dissimulant ou crème qui masque... Elle n’avait plus le cheveu blond, mais blanc, et ne pouvait plus se faire coiffer à sa guise, chaque matin, comme toute femme libre de son corps pourrait le faire, une misère - bien que le matin de son exécution, on lui ait fait une petite coupe rafraichissante, que sa servante, tant bien que mal, avait cachée d’un simple bonnet sans ostentation... Les dessins de David sont là-dessus sans pitié. Ce sont les seules «photographies» de l’événement dont nous disposons. On peut leur supposer la bonne foi...

Durant son procès, la reine avait été odieusement calomniée, citée hors contexte, traînée dans la fange et dans la boue, accusée (sans preuve aucune) de félonie péquiste, toutes choses qui, de nos jours, seraient absolument impensables - particulièrement de journalistes intègres et chevronnés, s’exprimant sur les réseaux sociaux (le peuple hurlant et braillant des insultes, c’était, en ces temps de barbarie vulgaire, évidemment autre chose...) On avait privé la reine, dans son cachot sombre et froid, de tout signe religieux ostentatoire: l’époque était à l’incroyance militante, et l’esprit fort que je suis (athée, en plus) est embarrassé d’avoir à révéler pareille confiscation ignominieuse, avec ce qui n’était, après tout, que manière de bouts de tissus insignifiants, de morceaux de bois, rien de bien dangereux, qui auraient pu consoler le coeur de la malheureuse... Le fait est que la reine, rendue à sa dernière heure, refusa net de se confesser, malgré le prêtre qui la suppliait de le faire, encore dans la charrette brinquebalante qui la menait à sa triste fin: « allons, madame, lui disait-il, le siècle qui vient sera religieux ou ne sera pas, les croyants espèrent de vous, faites le pari de Dieu, sauvons la France et le monde du péril de la laïcité civique. » La reine, privée trop longtemps de signes ostentatoires, en avait perdu la tête, avant même que de la perdre plus concrètement encore, tout au fond d’un panier outrageusement laïque et républicain...

Marie-Antoinette a été sacrifiée. Elle eut, sur le fait, un petit sourire de béatitude, le dessin de David témoigne clairement de la chose. Jamais preuve de la réalité du Paradis n’a été aussi éclatante, du moins c’est ce que prétendent, encore de nos jours, les zélotes du Sabre et de la Croix, des Soucoupes volantes et des Textiles en tout genre... La reine n’est jamais «revenue», pas d’apparition ni rien, et n’a pu témoigner du Ciel, comme certains d’entre nous pourraient, encore de nos jours, l’espérer contre toute science et tout bon sens. Restent Lourdes et Sainte-Anne, dans l’attente...

Paix à la reine. Il y a 220 ans.


PS Si ce récit offre quelque ressemblance avec ce qui se passe au Québec, ce ne serait là que le fruit d’un hasard inspiré. N’y voyez (probablement) rien d’autre que la main de Dieu.






lundi 14 octobre 2013

« IF YOU TELL ANYONE, I'LL KILL YOU »


Source de l'image, et de tout l'article, qui m'ont inspiré ce billet de blogue:





Ils sont bouleversants. Quand on parle d’eux, quand on évoque la dévastation qui leur est arrivée, pas seulement du fait d’hommes, mais aussi de femmes, qui utilisent exactement le même genre d’arguments que tous les agresseurs d’enfants, les bien-pensants, les esprits tranquilles, de quelques bords qu’il soient, baissent les yeux, souhaitent que ces hommes se taisent, font en sorte de ne plus les entendre, ne les fêtent jamais.

Les hommes victimes d’agression sexuelle durant leur enfance dérangent d’abord par le caractère sordide de ce qui leur est arrivé — les sévices sexuels, le viol, l’anéantissement de ce qu’ils auraient pu faire de leur vie, librement, si seulement leur destin n’avait pas été si violemment réorienté vers le tréfonds de la honte, emprisonné dans un corps ressenti comme sale et dégoûtant, devenu leur ennemi, le seul ennemi qu’ils se connaissent. L’identité sexuelle de ces hommes est à tout jamais faussée, confuse, troublée. « Est-ce que je suis un garçon ou une fille ? Pourquoi c’est à moi que c’est arrivé ? Pourquoi je ne me suis pas défendu ? J’ai imaginé tout ce que je raconte ?  Ça ne peut pas être vrai, ce n’est même pas vrai. C’est clair et net que je suis fou. J’aime mieux mourir. » Ce message, livré à soi-même, complexe, terrible, il a été, d’abord et très souvent, proféré par un autre, comme une menace, valable à vie: « If you tell anyone, I’ll kill you ».

Quand ces hommes parlent, ils sont vite rejetés, isolés. Les hommes victimes d’abus sexuels dérangent l’ordre sexuel, et l’ordre des agressions sexuelles. On a beau les dénombrer en « cas » de plus en plus récurrents, à mesure que l’on sait, et calculer leur nombre par centaines, par milliers, victimes de pères, de mères, de grands frères, de bonnes dames généreuses d’elles-mêmes (quelle chance ils ont eue, quand même !), de prêtres pédophiles, d’hommes et de femmes responsables de jeux d’enfants en tous genres; des études ont beau démontrer qu’ils sont probablement aussi nombreux que les petites filles à être agressés, et que les agresseurs ne sont pas systématiquement que des hommes, rien n’y fait. Ils disposent d’un très, très court temps de parole, toujours trop long pour qui n’a pas envie ni d’entendre, ni de savoir. Quand les hommes abusés sexuellement dans leur enfance parlent, ils abusent de leur entourage, ils violent la tranquillité d’esprit de leur famille, de leurs amis, de leurs collègues de travail, et on le leur fait vite comprendre. « Oublie ça. Passe à autre chose. Il faut vivre. »

Leur malheur d’adultes, quand ces hommes cherchent à se confier, à se réparer, vient du fait qu’ils ne peuvent pas s’intégrer dans la structure classique, dite « patriarcale », de l’agresseur et de l’agressée; alors, bien sûr, leur existence collective, même massive, et haute comme une cathédrale, brouille les cartes, torpille les « enjeux », emmerde les esprits conformistes, surtout celles et ceux qui disposent, une fois pour toutes, de vérités sociologiques révélées; ils violent une règle fondamentale, mille fois écrite, qui dit que les vrais rapports de pouvoir sexuels, les seuls qui comptent, sont le fait d’hommes contre les femmes, et que ces rapports de force illustrent, prolongent l’exploitation économique globale, preuve indéniable de leur seule vérité. À ces répressifs de la rectitude idéologique, souvent de gauche, s’ajoute le mépris de celles et de ceux qui égrènent leur élévation spirituelle d’une main, mais qui étalent leur médiocrité de boutiquier de l’autre, la droite, l’égoïste, celle qui ne veut jamais ni rendre, ni donner. Ces gens sont la preuve même — on s’entend — de l’« existence de Dieu ».

Toute cette longue dissertation, perte probable de temps, n’est que pour dire ce que ces 26 hommes m’ont inspiré;  ces 26 photos d’hommes qui racontent, en les citant, l’essentiel de ce que leur ont asséné leurs agresseurs, hommes ou femmes, pour les étouffer, et les « tuer », à vie, après les avoir abusés. Ils valent la peine qu’on les regarde, qu’on les lise avec attention. Il faut les écouter. Ce sont gens de paroles.