vendredi 29 novembre 2013

LE PLAIDOYER DE JOHN IRVING POUR LA LIBERTÉ DES GENRES




Je ne participe plus jamais au débat virulent qui porte sur la Charte québécoise des valeurs de la laïcité. J’ai dit ce que j’avais à dire, en fait je l’ai écrit, ici sur ce blogue, ailleurs aussi. Je trouve simplement que les incroyants (agnostiques ou athées) sont étonnamment absents de ce débat, comme s’il y avait encore, à l’ère de Hubble, de la génétique et de la physique des hautes énergies, un scrupule à affirmer sa non-croyance, à rejeter du revers de la main (et de l’intelligence) l’incroyable bêtise de pratiques religieuses héritées de l’Histoire, de temps anciens dont les craintes et les questionnements nous sont devenus totalement étrangers.

Pour le «reste», qui peut savoir ce qui nous est radicalement inconnu ?

J’ai terminé, il y a quelques jours, la lecture du plus récent roman de John Irving, À moi seul bien des personnages, véritable plaidoyer - passionné, attendrissant, humaniste avec ferveur, amoureux du genre humain au-delà des genres - plaidoyer en faveur des diversités sexuelles, et du besoin  irrépressible qu’elles ont de leur liberté pleine et entière, à l’encontre de tous les obscurantismes, de toutes les religions, de tous les endoctrinements, qui n’hésitent pas, s’il le faut, à recourir à la punition violente, à l’humiliation irréparable. Je suis gay; il me semble que je me suis ouvert, depuis longtemps, à toute espèce de genre humain. Et pourtant, le roman de John Irving pousse si loin le récit de l’incontrôlable variété des personnes et des sexualités qu’il a bousculé, souvent, mes préjugés encore tenaces. Irving a mieux compris, et plus profondément que bien des auteurs gays, ce que veulent dire la liberté d’être, et le courage  qu’il faut pour y parvenir. J’ai été conditionné, moi aussi, bien sûr, et il m’a fallu toute une vie pour me donner le droit de me dire et de me montrer tel quel, spécifique et marginal. Alors je reste froid, très froid, vous comprenez, à toute idée, toute possibilité d’intoxication mystique ou de bourrage de crâne par de supposés maîtres penseurs.

Il y a, à Montevideo, Uruguay, où je m’en vais en décembre qui vient, un monument élevé à la diversité sexuelle. Il nous faudrait débattre d’un pareil monument, à Montréal: ça nous changerait des débats antédiluviens qui sont, hélas, trop souvent les nôtres, par le temps qui court… 





4 commentaires:

Anneso a dit…

J'ai réalisé il y a peu que même les personnes dites ouvertes d'esprit avaient peine à entendre le discours d'une personne athée. Je pense que l'absence d'une quelconque croyance, le fait de ramener l'être humain à sa réalité, à ce qu'il a de plus primaire entraîne une perte de repères, une certaine frayeur et un questionnement dérangeant. Croire de quelque façon que ce soit est reposant, et nous savons tous que le vide effraie. L'être humain ne sait pas encore ou n'est pas encore prêt à comprendre et accepter que ce qu'il espère voir dans son Dieu est en fait déjà en lui. Après cette étape, il devra apprendre à s'en servir, mais là, nous parlons d'un autre siècle que le nôtre :)

Richard Patry a dit…

... «Est en fait déjà en lui»: exact, mais pire encore, «ce qu'il espère voir dans son Dieu» est projeté hors de lui et investi dans ce Dieu qui devient son propre tyran...

Anneso a dit…

"L'homme est un loup pour l'homme". Peu importe les siècles, cette phrase aura toujours un sens.

Richard Patry a dit…

En effet. Indéniable.