vendredi 8 mars 2013

LA DERNIÈRE DES RÉVOLUTIONS BOURGEOISES


Soujourner Truth (1797-1833): féministe et anti-esclavagiste américaine. À propos du courage exemplaire.





En classe, il m'est arrivé souvent de réfléchir avec les étudiantEs sur ce qui avait le plus profondément changé le monde, depuis la Première Guerre mondiale. L'énergie atomique ? L'explosion des communications rapides ? La sortie de l'Homme dans l'espace ? La révolution démographique ? La pensée scientifique, sans dieu, s'imposant comme le nouveau paradigme ? Et ce qui revenait toujours, inévitablement, dans la discussion, c'était l'irréversible marche vers l'égalité des sexes et des genres, une révolution plus importante encore que celle qui avait aboli, au siècle précédent, l'esclavage des populations d'origine africaine. 

Une révolution majeure, oui, pour ce qu'elle est: l'égalité entre les sexes, et le bannissement d'un rapport de force fondé sur la brutalité. Mais on peut déjà douter du changement dans la culture collective (et les structures permanentes) qu'elle a pu (ou pourra) provoquer. Les femmes de pouvoir sont parfaitement identiques, en droite ligne, avec les hommes de pouvoir. Elles deviennent patronnes, propriétaires, et participent pleinement au maintien des inégalités. Elles exploitent les travailleurs, les enfants. Elles franchissent les interdits, et celui même de l'inceste. Elles consentent aux contrôles, et à la répression. De sorte qu'on peut penser qu'il y a encore une autre révolution à faire, celle des femmes s'inscrivant dans la révolution précédente, dans la longue, très longue révolution bourgeoise, propulsée par les révolutions atlantiques. On y songera de plus en plus, j'imagine, quand on cessera de compter combien il y a de femmes à l'Assemblée nationale, et dans le gouvernement, et dans les conseils d'administration, et dans les clubs privés, et dans les quartiers chics des grandes villes. On y songera de plus en plus quand la pleine égalité des sexes sera devenue réalité, une réalité parfaitement intégrée aux réseaux de pouvoirs de plus en plus insupportables pour le plus grand nombre d'entre nous, hommes et femmes.

À cette autre révolution, je n'y crois pas, pas davantage que je ne crois en Dieu, ou en son Paradis. Viendra donc un jour où on féminisera même le mot « tyran ».




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