Nietzsche. À propos.
Il y avait de quoi s’impatienter, s’exaspérer même, de la prestation du ministre des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, M. Bernard Drainville, à la télé de Radio-Canada ce soir. Le ministre hésitait, fléchissait, cherchait ses mots pour présenter, et expliquer surtout, clairement, le projet de charte de la laïcité du gouvernement du Québec. Ça se passait sur le plateau de l’émission à vaste auditoire, Tout le monde en parle.
Après une défense aussi frileuse, et presque apeurée des intentions du gouvernement quant à la nature même de l’État et de la chose publique, tout le monde pourra-t-il en parler, de cette charte, autrement que pour se demander ce qu’il en retourne vraiment de ce truc confus, contradictoire et mal assuré, qu’un ministre, celui-là même de la participation citoyenne, est incapable de motiver ? Alors qu’il s’agit de philosophie politique, que c’est exceptionnel qu’une société participe à un débat d’un tel niveau, et que cette charte peut être expliquée, à la condition, bien sûr, d’y mettre les mots, exacts et vrais, qui en signifient toute l’intention.
Mais M. Drainville joue la prudence, cherche le consensus à tout prix, au plus faible risque possible. Pour un homme politique, ça peut se comprendre, quand une toute petite bavure peut se transformer en cataclysme politique, d’une parfaite amoralité d’ailleurs — ce qui serait assez plaisant pour ce coup-ci, les opposants à la charte bataillant, nouveaux martyrs de la foi, pour la liberté de religion affreusement menacée ! Mais la réserve de M. Drainville, c’est tout comme cette méthode embarrassée, complexée, et presque honteuse, de proposer, en 1980, en 1995, l’indépendance du Québec: à force d’en être gêné, et de s’en excuser, l’acte osé devient coupable, et l’impuissance bien réelle: on ne réussit qu’à rien réussir, et on se crève les yeux.
C’est enthousiasmant, M. Drainville, votre projet d’État neutre et laïque, et votre souhait de modifier la Charte des droits et libertés de telle sorte que la neutralité de l’État serve de règle d’interprétation aux droits des personnes. C’est enthousiasmant, et bien expliqué, c’est même rassurant. Votre proposition de charte de la laïcité, c’est une cassure avec le cérémonial de l’ancien temps, une promesse de justice, et à sa manière, une libération. Ce que le gouvernement du Québec s’apprête à proposer aux citoyens, c’est d’évidence un geste fondateur, loin, très loin d’être le repli ethnique dont l’accusent ses détracteurs. Il s’agit, bien au contraire, d’ancrer, pour de bon, l’indépendance du Québec dans la modernité, ouverte à toutes les audaces et à toutes les tolérances. Foncez, monsieur le ministre ! Dites ce qu’il en est ! On a échoué à faire l’indépendance à petits pas, bercée de paroles rassurantes, réalisée sans que personne s’en aperçoive. Faut-il maintenant faire la laïcité sans que personne s’en aperçoive ? Tout le monde a compris le sens de la question référendaire, même celle, trop longue, disait-on, de 1980. (Monsieur Jean Chrétien a bien été le seul à ne pas la comprendre.) Et quoi qu’il en soit des artifices délicats pour tranquilliser les inquiets, y compris le crucifix qui s’accroche envers et contre toute logique, tout le monde comprend l’intention réelle de la charte, la laïcité complète, la neutralité intégrale de l’État. Bien sûr que la charte aura une opposition: on ne négocie pas avec Dieu ni avec ses croyants. Ceux-là ne se rallieront jamais, monsieur le ministre. Alors, foncez. Dans dix ans, on peut le parier, les néophytes de Dieu (surtout eux, d’ailleurs) se seront convertis.
19 commentaires:
Je n'ai pas vu l'émission, ni Bernard Drainville parler ailleurs de ce projet de Charte, mais je lis, un peu trop peut-être, les articles et les commentaires sur Internet. C'est incroyable à quel point la plupart des opposants n'y comprennent rien, et ceux qui comprennent sont pour la plupart d'une mauvaise foi dégoûtante.
J'endosse ta position en faveur de cette Charte. Qu'elle soit claire, affirmative ; et non pas diluée pour tenter de plaire à tout le monde, ce qui aurait pour résultat de ne satisfaire personne, sauf les Québécois « gentils » qui ne veulent déranger personne et qui demandent toujours la permission d'exister et de respirer, prenant bien garde de le faire seulement lorsqu'ils en ont reçu la permission.
Il nous faudrait un autre Camille Laurin pour mener ce projet à terme.
Je serai bref: entièrement d'accord avec toi. (Et tout comme je viens de l'écrire à Annie, à la suite du billet précédent, il faudrait prévoir se rencontrer bientôt.)
Depuis qu’ils ont le pouvoir, ils font des gaffes et cette fois il me semble que c’est l’apothéose dans le sens qu’ils nous imposent de discuter d’un projet qui leur est propre (au gouvernement) : la laïcisation pour les employés de l’État.
Comment un gouvernement déjà très faible (minoritaire) peut-il lancer un tel débat sans perdre des plumes ?
Ça me semble normal qu’un gouvernement propose ses politiques, même les plus audacieuses; mais j’aimerais qu’il les défende avec conviction !
Tant que le gouvernement Marois sera minoritaire, la Charte n’a effectivement aucune chance d’être adoptée. Ce sera donc, fatalement, à l’électorat de trancher — en espérant que ça ne glissera pas trop vers la démagogie, d’un côté comme de l’autre...
Merci, Rainette !
Salut Richard,
Kesse qui se passe, as-tu quitté FB ? Si oui en catimini ou j'ai manqué tes adieux ? Si c'est le cas je viendrai te coller des images loufoques et bigarrées ici.
xx
Oui, j'ai quitté FB ! Me reste Twitter, et je ne te manquerai pas là-dessus. J'espère que tu vas prendre la relève, pour ce qui concerne le Prince: les gens ont soif d'information... ;-)
Je t'adore, tu le sais :-)
hihihi...moi aussi je t'adore et j'accepte de ne pas être la seule que tu adores petit crapaud.
Bonsoir Richard
Comme je ne suis pas toujours assidue sur FB je viens de réaliser que tu n'y est plus et que tu le confirmes dans les commentaires.
Je sais que je me suis laissé aller à te taquiner mais j'espère que ce n'est pas la raison de ton départ.
Moi ce sont pas les nouvelles du prince qui me manquent mais les tiennes. Tes rires, tes coups de gueule, tes retours à l'histoire....
Souhaitons que cette absence n'est que temporaire.
Bonne nuit
onsoir Jocelyne,
Je n’ai laissé aucun commentaire sur FB, et pour cause: je n’y suis plus ! Ne t’inquiète donc pas, il y a des tas de personnes intéressantes qui restent sur ton fil !
Bonne nuit à toi aussi.
Il y a des tas de personnes mais pas des tas de Richard Patry. Sans vouloir verser dans un excès de flatteries j'avoue que tu étais mon préférer.
C'est peut-être mon imagination mais je te sens blessé et j'en suis très peinée. Je ne sais pas si j'en suis en partie la cause. Pour rien au monde je n'aurais voulu te blesser. alors si jamais je suis allé trop loin je m'en excuse profondément.
Tu me manques Richard. Des humanistes avec une aussi belle sensibilité se font assez rare de nos jours. J'espère vivement ton retour.
Toutes mes amitiés Richard xoxo
Jocelyne,
Ce que tu m’écris est trop beau ! Mais ça me touche, sois-en certaine. J’ai fermé à nouveau (c’est la seconde fois) mon compte FB parce que je deviens fatigué et exaspéré des insultes et autres gentillesses qui tiennent lieu de pensée et d’amitié sur ce réseau social - comme sur les autres, d’ailleurs. Je suis «engagé», j’écris souvent avec passion, mais il me semble que je n’insulte jamais personne. Peut-être que je fais un excès de sensiblerie... Toujours est-il que j’ai une dizaine de jours pour réactiver mon compte. Mais cette fois-ci, je ne crois plus revenir en arrière. Merci mille fois pour tout. Je t’apprécie gros, tu le sais.
(Et je persiste à penser que la Charte est un bonne chose !)
Je le crois aussi. Ce qui me dérange dans ce débat ce sont tous ceux qui n'arrivent pas à s'élever au-dessus de la joute politique.
Et franchement ça m'écoeure.
Personnellement tout comme toit Alcib, j'aurais souhaité que cette charte aille beaucoup plus loin. Mais comme la société fait rarement des pas de géants et que par soucis du consensus, situation minoritaire oblige, que cette loi finalement sera plutôt mollassonne.
paraît que demain, Mossieur va commenter et qu'il serait plus conciliant que Drainville. À suivre.
Monsieur, en général, n'écrit pas pour ne rien dire: patientons donc jusqu'à demain...
Oups dans mon commentaire il manque un (e) entre toi et Alcib
Bonne soirée
«toi et Alcib»: je suis sûr, Jocelyne, qu'Alcib, tout comme moi, n'avait même pas vu la coquille, tant elle se corrigeait d'elle-même :-)
Exactement, Richard ! Tu lis dans mes pensées. J'ai vu mais je ne me suis même pas arrêté, je n'ai pas ralenti ma lecture : c'était clair dans mon esprit qu'il y avait là un « e ».
J'espère en effet qu'on n'aura pas causé inutilement toutes ces discussions et tout le reste.
Je soupçonne Mossieur d'être sous l'emprise intégriste de madame Lapointe.
J'ai de la difficulté à imaginer Monsieur sous quelque emprise que ce soit... Mais il me semble qu'il faudrait, maintenant, une vigoureuse attaque laïque (absolument non religieuse, et non coupable de ne pas être religieuse) de la part du gouvernement... À suivre !
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