« L’identification du communisme avec la révolution s’est installée dans les esprits plus tard, [après la Commune de Paris, de 1871], lorsque les disciples de Marx vont s’emparer des outils théoriques qu’il a forgés, pour croire et faire croire à la mission salvatrice de son utopie. La substitution entre révolution et communisme s’est faite car l’une et l’autre sont avant tout des concepts. La quête de la révolution au XIXe, devenue la quête du communisme au XXe, n’a rien à voir avec une quelconque aspiration des peuples, travaillés par des forces irrésistibles, qui voudraient changer de type de régime. Elle exprime plutôt le désir d’une élite intellectuelle d’œuvrer au renversement radical de l’ordre existant. Lénine, qui s’empare du pouvoir en Russie en octobre 1917, est un avatar de ce volontarisme. » - Thierry Wolton, Une histoire mondiale du communisme: Une main de fer, publié chez Grasset, en 2015.
Le désir d’une élite intellectuelle…
On pourrait dire la même chose, faire la même analyse de plusieurs théoriciens actuels de la « révolution » et du socialisme soi-disant nouvelle manière. Il a beau y avoir eu rupture, au moins apparente, avec le marxisme-léninisme, et son horrible rejeton (pourtant très ressemblant), le stalinisme, l’idéalisme révolutionnaire reste l’affaire d’une élite intellectuelle qui rêve de pouvoir pour elle-même. Robespierre, déjà, n’aimait la « vertu » et la « terreur » que si lui seul, pour l’essentiel, les imposait. Or, Robespierre, c’est le « modèle ». Il est bon de s'en souvenir.
Je ne suis pas marxiste, je ne l’ai jamais été, parce que le marxisme se transforme lui-même en religion quand il dit croire en une finalité de l’Histoire. Le communisme porte en lui-même une mystique religieuse de la Révolution, et donc un concept utopiste de paradis, même s’il est maquillé en prétention matérialiste de « communisme intégral » et d’« homme pleinement responsable ». Je ne suis pas non plus marxiste parce que j’ai toujours détesté les élites, les hiérarchies, les cercles universitaires, les guides, les puissants et les dominants de toutes sortes, à vrai dire toutes celles et tous ceux qui se sont voulus ou qui s’imaginent toujours en mission totalitaire, disposant de l’unique vérité.
J’adhère donc tout à fait à l’hypothèse centrale de l’œuvre de Thierry Wolton. Je ne suis, je ne peux être d’aucune religion, d’aucun système. Je crois beaucoup trop à la liberté chaotique, et à l’anarchie du développement historique, pour présumer d’une quelconque illusion systémique. Je ne crois pas que l’Histoire ait un sens, et que cette direction soit l’affaire d’une élite qui s’arroge le droit de penser pour le peuple. Cette prétention est tout aussi méprisable à droite qu’à gauche. Au reste, cette élite a de longtemps constaté (hélas) l’ineptie du potentiel révolutionnaire populaire, sur lequel Marx s’est lourdement trompé.
C’est la raison pour laquelle je ne compte qu’en l’humanisme, un humanisme progressiste qui, de toute urgence, doit toujours parer aux dangers — idéologiques — les plus criants.
4 commentaires:
Te lire et te relire est toujours un immense plaisir.
Je ne connais pas suffisamment l'histoire pour compléter ton analyse
mais je partage cette pensé que l'humanisme est le seul espoir de changer les choses
sans tomber dans les abus de pouvoir.
Sans tomber dans les abus de pouvoir: tu as totalement raison. Merci, Jocelyne !
Je découvre votre blog. Quelle écriture! Vous serez désormais sur ma liste de lectures. Bonne continuation.
Merci mille fois !
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