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jeudi 21 juillet 2016

LA PAIX , MAIS COMMENT ?




Depuis les événements de Paris et de Nice, je repense souvent à mon enseignement, en histoire des États-Unis, en histoire des relations internationales, et à ce que j’ai pu affirmer, passionnément, aux étudiants, du monde dans lequel nous sommes plongés depuis la dernière décennie du 20e siècle. Je cherche bien évidemment à m’y retrouver, dans ce qui semble trop souvent n’être que du bruit et du chaos. Il y a encore peu de temps, le monde me semblait facilement compréhensible; les événements, même tragiques, trouvaient leur sens dans la profondeur de l’histoire, dans la dynamique de rapports d’exploitation tellement évidents, dans l’horreur froide et calculée, c’est le cas de le dire, de la politique étrangère états-unienne. Je n’avais pas complètement tort, et j’y reviendrai.

Mais détail intéressant, à noter dès l’abord, je repense à mon enseignement parce qu’il y a eu Paris et Nice, bien davantage encore que parce qu’il y a eu les atrocités commises, par exemple, par Boko Haram au Nigéria — et ce fait, à lui seul, en dit beaucoup sur moi, sur mes limites, sur mon attachement puissant à l’Occident d’abord, à l’Occident quasiment seul. Troublant. Et pourtant, j’ai dénoncé. J’ai participé à cette critique virulente de l’Occident, entendons concrètement, les États-Unis d’Amérique, et leur allié docile, en toute matière internationale, qu’est le Canada. J’ai été, je crois, cet intellectuel critique que le système nourrit pourtant bien, qui le sait, et qui comprend si parfaitement la violence de la superpuissance que parce qu’elle lui assure son gagne-pain grassouillet. (Et pourtant, je n’étais pas prof à l’université, mais bien prof « dans un obscur collège de Montréal », comme me l’a dit une collègue qui s’en désolait, et qui, elle, enseignait dans une grande institution de savoir.)

J’enseignais donc que dès le milieu des années 1990 se préparait une redéfinition des objectifs de la politique extérieure américaine, et qu'au cœur de cette redéfinition,  se trouvait Paul Wolfowitz, théoricien, depuis 1969, du bouclier antimissile, du rejet des contrôles en armements, de la supériorité écrasante des É.-U. et de la théorie de la « construction de la menace », qui permettent aux É.-U. d’agir à leur convenance dans le monde et de bloquer l’émergence de compétiteurs potentiels.

J’enseignais que le monde se fragmentait parce que les États-Unis, mettant à profit le drame extrême du 11 septembre 2001, appliquaient désormais, et plus que jamais, une politique de cas par cas, identifiant des États voyous, menant une « guerre contre le terrorisme », guerre qui prenait en charge les intérêts objectifs des É.-U., entre autres ce que « W » appelait le « vent du pétrole » qui donnait la juste direction à suivre, bien simple. J’apprenais aux étudiants, qui s’en doutaient fortement, que les États-Unis ne faisaient qu’aggraver les tensions internationales en convenant officiellement qu’Israël menait, dans les territoires palestiniens « occupés », une variante de cette même guerre contre le terrorisme. Je me désolais que les États-Unis tournent le dos aux institutions internationales, voire même au droit international, ne privilégiant désormais que des « alliances conjoncturelles ». C’était la porte ouverte au crime de guerre: le Royaume-Uni maintenant regrette, s’en excuse piteusement. 

Conséquence inévitable de cette politique préparée, pensée, appliquée sciemment: la sécurité collective mise en place après 1945 s’est effondrée, remplacée par une globalisation qui a refusé, strictement refusé de dissocier la sécurité intérieure de l’Amérique, des biens et des personnes, de la sécurité internationale ainsi violemment contrainte. 

La haine a surgi, bien sûr, plus hargneuse, plus décidée que jamais. Dominique de Villepin le prévoyait déjà, brillamment, dans son intervention au Conseil de sécurité de l’ONU, dès 2003, au moment où se préparait l’agression contre l’Irak.

La haine a surgi. Elle n’est pas insensée, même si elle se greffe sur de jeunes esprits qui peuvent l’être, insensés. 

Cette haine justifie des représailles, d’insupportables actes de guerre et de terreur en milieu civil, auxquels on répond, tant à Washington qu’à Paris, par une « guerre » aussi impuissante qu’elle est ravageuse et meurtrière.

Alors, on enseigne quoi, désormais ? 

Parce qu’il y a menace, tout le monde le sait, de l'abandon de toute réserve par une droite économique, sociale, religieuse, éminemment dangereuse; personne ne doute que Trump, que Marine Le Pen ne puissent prendre le pouvoir, et protéger les puissants en les isolant, à coups de murs, de frontières, de barrières à la libre circulation des personnes, et surtout, à coups d’armes bien réelles de destruction massive. 

Parce qu’il y a aussi menace, tout le monde le sait, d’une excitation hystérique, évidente, de « communautés » culturelles marginalisées, lieux privilégiés d’ancrages fanatiques meurtriers, et absolument sauvages. 

J’essaie de m’ouvrir au monde et à la justice. Je suis conscient qu’on bombarde et qu’on tue, en Syrie, à Paris, massacres dressés en parallèles terribles. Je suis conscient que les aires de civilisation sont divisées, fragmentées, submergées par la haine et le rejet de ce qui chez l’autre étonne, choque, semble si outrageusement différent et scandaleux.

Je ne sais trop, je ne sais plus. Comment rendre impossibles l’exploitation, la guerre, la terreur ? Je me risque toujours à espérer d’une incroyance sereine. Je crois toujours de plus en plus en l’urgence d’une gauche qui ne soit pas celle qui se discrédite à coups de bondieuseries appelées « tolérance », qui en braquent plusieurs par l’inégalité flagrante qu’elles cherchent à instaurer, aussi flagrante, en fait, que l’inégalité criante entre les « mangeurs » et les « mangés ». [Voltaire] J’espère toujours une révolte efficace des exploités, par la remise en question de l’ordre du monde — et là-dessus, malgré les problèmes de corruption, Hugo Chavez manque terriblement à l’appel. J’imagine un monde de droit, imposé par l’hémisphère sud, depuis longtemps majoritaire à l’ONU, qui casse le monopole des Cinq Grands sur les affaires mondiales, affaires le plus souvent désastreusement lucratives au détriment du plus grand nombre, d'ordinaire réduit à la misère la plus abjecte. Parce que si l’État islamique est délirant, conquérant, dévastateur, c’est aussi qu’il a sous les yeux ces miséreux, par millions, abandonnés de tous.

Cri du cœur.





mercredi 22 octobre 2014

CAS D’EXCEPTION: À PROPOS DES ÉVÉNEMENTS D’OTTAWA


Photo Reuters



(Billet d’abord publié sur Facebook. Mais les événements d’Ottawa, en ce 22 octobre 2014, étant exceptionnellement graves, cela excuse, certainement, que je reproduise ici mon texte, sans autre prétention que de garder intactes sa tête et ses idées.)

… « J’ai une irrésistible envie d’écrire quelques mots pacifiant — hasard inconséquent un peu plate, quelques jours à peine après avoir fermé mon blogue Choses vues. Quelques mots pacifiant, et pacifiques. Allons-y, risquons-nous, sans haine, autant que possible, y compris dans les commentaires que je pourrais, peut-être, recevoir comme gratifications désagréables…

J’espère que les événements d’Ottawa (et de Saint-Jean-sur-Richelieu) ne dériveront pas d’abord en une agression réactionnelle contre la pensée, l’analyse, la réflexion, le savoir et le souvenir. Qu’on ne répondra pas au fanatisme par le dogmatisme, qui n’aurait ni de sens ni de raison, faute de quoi la recherche et l’éducation deviendraient radicalement inutiles, sinon dans des cercles intellectuels tragiquement fermés sur eux-mêmes.

J’espère aussi qu’ils ne seront pas prétexte à une agression contre les libertés les plus fondamentales, les plus essentielles, même s’il faut, par delà tout, assurer, bien sûr, la sécurité de tous, ici au Canada, mais aussi ailleurs, de par le vaste monde, complexe, trop souvent saigné à blanc par ceux qu’on a appelés, très justement, les «bourgeois conquérants», détail sanglant qu’on oublie trop souvent, sous le coup de l’émotion scandalisée, quand l’horreur frappe non pas au loin, mais juste à la porte d’à-côté…

J’espère encore que ces événements d’Ottawa n’éteindront pas, pendant un temps toujours trop long à espérer, l’avenir d’un monde qui doit absolument, s’il veut être en paix, être d’abord mieux compris, plus juste, plus équitable, plus respecté et plus libre. (En 2008, souvenons-nous, le candidat Obama se disait prêt à parler à tous les ennemis des États-Unis, et de l’Occident, pour chercher à comprendre et à désamorcer la haine… Où en sommes-nous, Monsieur le Président, du dialogue que vous aviez heureusement proposé ?)

Ces événements sont évidemment témoins de notre époque, et notre époque est le produit de l’Histoire, au moins de celle du dernier siècle, et des erreurs graves, par exemple, qui ont ponctué la Première Guerre mondiale au Moyen-Orient: je pense à la trahison des Anglais (et des Français) face au monde arabe de l’époque, — c’était en 1919, au moment et en suite du traité de Versailles — et au colonialisme qui s’est rapidement déployé dans un espace politique et culturel qui aurait dû être libre, constitué, et capable d’assumer son destin propre…

C’est en prof d’Histoire que j’écris ces quelques lignes, pas nécessairement en homme de la gauche québécoise. C’est pourquoi j’espère enfin qu’il y a encore place pour l’esprit des Lumières dans ce terrible XXIe siècle. Très franchement, je n’en doute pas: il y aura toujours à faire usage de responsabilité critique pour que survivent le bon sens et la lucidité, généralement (et heureusement) proches de l’incroyance, une fois passés le choc, la terreur, l’incompréhension de l’indicible et de la barbarie, et le deuil douloureux des nôtres… »

 

mercredi 20 avril 2011

RÊVER LA PAIX



Blogue de Richard Hétu, Cyberpresse, mardi 19 avril 2011

Cette proposition, extraordinaire, au sens le plus fort du terme, est la seule solution possible au problème israélo-palestinien, tel qu’il a surgi des événements de 1948-1949, et plus encore de la conquête rayonnante qu’a menée Israël en Palestine lors de la guerre des Six Jours, en 1967. Elle seule peut réconcilier Israéliens et Palestiniens, tant la guerre d’indépendance, le problème des réfugiés et la prise de possession de Jérusalem-Est ont généré des haines profondes entre les peuples, y compris entre ceux de l’Orient solidaire de la cause palestinienne, et ceux de l’Occident garant d’une terre sacrée, Israël, qui a forgé, il y a des millénaires de ça, le peuple juif, sa culture, sa religion et sa résilience.

Le New York Times ajoute que la proposition, sous forme de déclaration solennelle, sera lue sur les lieux mêmes où, à Tel-Aviv, en 1948, a été proclamé l’État d’Israël.

C’est, en complémentation, la seule porte de sortie à la guerre en Afghanistan et en Irak; c’est la seule solution au problème du terrorisme international, alimenté par une détresse telle qu’il ne distingue plus le message qu’il porte de l’acte de terreur qu’il commet; c’est la seule solution à la transformation durable enclenchée par le printemps arabe; et c’est enfin l'unique solution à ce qu’un État d’Israël puisse encore durer sur cette terre de Palestine où il s’est greffé, il y a peu, sûr d’y trouver les traces anciennes - antiques - de son passage.

Cette proposition est sensée, généreuse, pacifique, digne de l’histoire tourmentée du peuple juif. Elle est la seule possible.

Cette proposition est magnifique.

Parions qu’elle ne sera pas retenue.