Le Regroupement des centres de femmes du Québec n’est pas précisément un allié du Parti québécois. En fait, il tire à boulets rouges, au nom des «femmes», bien sûr, sur le gouvernement actuel, depuis l’automne 2012. Déjà sa colère était incandescente, au moment du premier budget Marceau, une «trahison», rien de moins, contre la classe moyenne et contre «les femmes». Il porte à gauche, le Regroupement: l’image est mauvaise, quand il s’agit d’une association féministe, mais pourtant très juste, et il suffit de prendre quelques petites minutes à peine, à visiter la page Facebook de l’association, pour savoir où se loge, politiquement, ledit Regroupement, et qui sont ses alliés. Jusque là, rien de mal, et c’est même plutôt sympa.
Mais voilà que le RCFQ lance dans le débat public, aujourd’hui 2 octobre, une véritable bombe incendiaire, qu’il profère une accusation très grave, ciblée, quelque chose qui rappelle d’effroyables cauchemars vécus ailleurs, aux États-Unis il n’y a pas si longtemps, ou dans l’Europe des années 30 et 40, une allégation qui, comme souvent, fait s’imaginer le pire des Québécois francophones. La coupable, c’est cette Charte de la laïcité, dite des «valeurs», encore. « On a des échos de ça dans plusieurs régions du Québec. On parle de plusieurs dizaines d'incidents. Des propos haineux, racistes. Des commentaires xénophobes. Parfois les femmes se font bousculer, cracher au visage. Donc, on parle parfois d'incidents de nature violente»... « Depuis le début des débats entourant le projet de Charte, la sécurité des femmes est compromise »: attention, ici, lisons bien, et mesurons la portée des mots: la sécurité des femmes, de toutes les femmes, est compromise. Angèle Laroche insiste, en remet: « Que les discussions se poursuivent, mais qu'elles ne mettent pas en péril la sécurité des femmes.» (Source: Katia Gagnon, Tommy Chouinard, Femmes voilées: «augmentation dramatique» des agressions, La Presse.)
Il fallait s’attendre, dès l’amorce du débat sur la Charte de la laïcité, à ce qu’on dénonce de pareils incidents, puisque les opposants les avaient prédits, peut-être même stratégiquement souhaités. N’empêche, seraient-ils vrais, fondés, qu’ils seraient extrêmement inquiétants. On les suppose donc attestés. On présume donc que chaque cas, sans exception aucune, a fait l’objet d’une plainte à la police, et que nous disposons, comme société, de statistiques certaines, avérées, bel et bien identifiées, chiffres qu’on peut comparer, avant, après, le dépôt du projet de charte. Ces statistiques, il faut de toute urgence les rendre publiques, parce que l’idée même de vivre dans un pays où l’État se rendrait complice, de par ses politiques, de pareils crimes, est parfaitement intolérable. Il faut que les chiffres parlent. Et de ce qu’ils apprennent, il faut que l’État prenne bonne note, réagisse, poursuive devant les tribunaux les immondes criminels, fasse plus encore que les déclarations apaisantes du ministre Drainville, faites à Québec, ce matin.
Mais. Mais. Mais.
Mais je ne peux m’empêcher de penser au débat sans fin concernant la Charte de la langue française, et aux présomptions, constantes, que cette loi aurait éveillé chez les Québécois de souche une haine primaire des Anglais, et de l’anglais. Contre cette charte de la langue, on a aussi parlé du pire: de discrimination, d’atteinte au droit international, d’ethnocentrisme, d’épuration raciale, d’invite à la haine publique. Et voilà qu’on suppose une récidive, cette fois contre des croyances visibles; c’est préoccupant, c’est sérieux.
Est-ce que c’était vrai, hier ? Et maintenant, est-ce vrai ? Les Québécois francophones sont-ils à ce point corrompus qu’ils respirent la haine et sentent la putréfaction ?
Si le débat pouvait cesser d’être politisé à l’extrême, manipulé, délirant, aussi bien dire essentiellement religieux, pour n’être que ce qu’il devrait être, politique, philosophique, et essentiellement civique, on en vaudrait tous mieux - et détail non négligeable, on assurerait au mieux la sécurité des personnes.
Dans l’immédiat, il faut des preuves de cette propagation d’islamophobie. Si elles s’avèrent, il faut poursuivre ces dangereux imbéciles en justice. Les crimes racistes sont des actes extrêmement graves, que la société québécoise, qui se propose, comme pour la langue française, de faire de la laïcité une règle citoyenne commune, ne peut en aucun cas tolérer.