lundi 31 mars 2014

LE CODE NAPOLEON ET LA NEUTRALITÉ RELIGIEUSE DE L'ETAT









Je lisais la nuit dernière un bouquin d’un historien majeur (Thierry Lentz), qui faisait remarquer qu’un des aspects très modernes, pour l’époque -1804 - de ce vaste assemblage de textes de loi qu’on appellera le Code Napoléon, est d’avoir établi, en principe et en droit, le caractère non-confessionnel de l’État, base de sa future neutralité. 

C’est très clair, par exemple, dans le droit de la famille, et la reconnaissance du divorce, ou dans le refus que le droit civil se porte garant des interdits religieux, par exemple de la proscription du mariage des prêtres, imposée pourtant par l’Église de Rome. (Le ministre Portalis écrit, sur cette question, l’année même de la publication du Code civil: « La prêtrise n’est point un empêchement au mariage; une opposition au mariage, fondée sur ce point, ne serait pas reçue et ne devrait pas l’être, parce que l’empêchement provenant de la prêtrise n’a pas été sanctionné par la loi civile. » Napoléon, peu croyant dans les religions, c’est pour le moins, pense exactement de la même manière que son ministre sur cette question.) 

En fait, le Code Napoléon se refuse à faire des engagements et autres restrictions de nature religieuse de quelque Église (ou confession) que ce soit, des articles de loi, et s’en tient à la liberté de conscience, héritage de la Révolution, qu’il doit protéger. En 1804, le Pape a protesté de la chose, bien évidemment. Et si les Juifs, eux, vont au contraire fortement apprécier les dispositions du Code, c’est que Napoléon, toujours au nom de la «neutralité» de l’État et de la liberté de conscience qui en découle, leur accordera, grande première pour l’époque, la pleine appartenance à la société et à la citoyenneté française, à la condition, là aussi, que les règles de conduite religieuse du judaïsme ne deviennent jamais règles d’État.

Les grandes lignes de cette neutralité de l’État avaient été définies par le philosophe Nicolas de Condorcet, dans un rapport qu’il avait présenté à la Convention nationale (le parlement français, en 1792) : pour l’essentiel, écrivait-il, un peuple qui se veut souverain ne peut l’être que s’il n’est soumis à aucun article de foi ou élément de doctrine religieuse, jamais; en conséquence, l’État ne peut établir de règles communes, visant une certaine cohérence de la nation dans son ensemble, qu’en refusant de modifier, ou d’accommoder ces règles communes par quelque compromission inacceptable que ce soit avec une dogme religieux, quel qu’il soit.






4 commentaires:

Jocelyne Richard a dit…

Habituellement on dépoussière les lois car avec le temps elles sont devenues caducs. Comme quoi une loi écrite intelligemment peu traverser bien des centenaires et je le souhaite des millénaires.

Dommage que l'Angleterre qui inclus des pans de lois juive et islamique dans sa législation ne soit inspiré par le Code Napoléon.

Merci Richard de tenir notre intellect en éveil.

Richard Patry a dit…

En fait, pour te faire une réponse vraie, c’est mon intellect que je stimulais d’abord, la nuit dernière ! Et j’y apprenais des choses qui m’ont étonné, entre autre que le concept de laïcité ait été poussé si loin, en France, sous la Révolution et l’Empire. À ce propos, il faut quand même signaler que nous avons repris, en matière de droit civil, l’essentiel du Code Napoléon, sauf, ai-je besoin de te le signaler, tout ce qui en fait un texte de loi neutre et sans religion... Merci, Jocelyne !

Alcib a dit…

Il faut dire que la Révolution française a voulu renverser la monarchie et s'opposer au droit divin qui l'instituait. Les penseurs de la Révolution voulaient en finir avec le pouvoir arbitraire et pratiquement absolu de la religion sur l'ensemble de la société.
C'est un peu ce que nous voulons faire au Québec, après avoir subi si longtemps la main-mise du clergé sur nos vies.
Et pourtant, la constitution canadienne de 1982, que le Québec n'a jamais acceptée et n'acceptera jamais, je l'espère, soumet encore le peuple à l'autorité de Dieu, grâce aux bons soins de Pierre Elliott Trudeau qui se prenait lui-même pour Dieu le Père. Si Dieu est juste, les flammes du purgatoire (ce n'est pas à moi de l'envoyer en enfer) lui lècheront les orteils longtemps encore.

Richard Patry a dit…

Très juste, ton commentaire, Alcib. (Je cherche quelque chose à ajouter, mais non: je suis totalement d’accord avec toi !)