« Nature pacifique, aisément content de son sort, le Canadien français de la présente génération, surtout des classes simples, n'est peut-être pas fait pour jouer les premiers rôles dans cette vie à outrance, de concurrence à tout rompre, d'affaires traitées au pas de course, de lutte impitoyable, qui est à la mode du jour. Son peu d'ambition personnelle, son goût pour la vie paisible, ses instincts domestiques, le caractère passif de son énergie même, tout le prédispose contre cette course à fond de train, contre ce culte affolé du veau d'or qui sont la marque distinctive de ce siècle ploutocratique. Il y a longtemps qu'il a appris ce salutaire précepte, qu'ayant le pain et le vêtement, il ne faut pas s'inquiéter du reste; ou plutôt il ne l'a pas appris, mais il l'a toujours su d'instinct. »
Nicholson Byron, Le Canadien français, 1904. [ L'auteur appartenait à la communauté anglo-montréalaise. À l'époque, il s'agissait d'une des minorités les plus riches, et les plus puissantes du monde. ]
Un tel portrait de notre peuple, suffisant, condescendant, et surtout, surtout méprisant, innocente l'exploitation à outrance qu'on en a fait, longtemps, et donne bonne conscience à ceux qui n'avaient pas honte du tout de vénérer le veau d'or: quelle sagesse admirable, quand même, chez ces pauvres gens sans ambition ! Ce genre de description n'est pas essentiellement différente de ce qu'un texte raciste aurait pu prétendre, comme d'absolues certitudes, des Noirs américains à la même époque. Et il s'en trouverait encore pour tenir des propos semblables sur nos compatriotes indiens d'Amérique.
Nous avons profondément ingéré cette image de nous-mêmes qu'on nous a renvoyée. Nous avons cru au petit pain, à la modestie, au misérabilisme comme une qualité enviable, bénie même par « Dieu ».
C'est fini. Nous ne sommes plus soumis. Nous ne nous réjouissons plus de notre pauvreté. Mais, chassés du capitalisme conquérant, méprisé par le bourgeois, nous restons critiques de la ploutocratie. C'est en masse, depuis des mois, que nous sortons, que nous manifestons, que nous protestons: nous n'avons plus rien de passif. Nous sommes résilients, résistants. La jeunesse québécoise fait, ces temps-ci, la démonstration éclatante que nous avons changé, qu'une nouvelle révolution nous transforme. Il y a de quoi être fier, il y a de quoi célébrer la fête nationale.
Bonne fête, Québec libre !
2 commentaires:
Court blogue efficace! Vive M. Byron qui te réveille la fibre nationaliste en quelques phrases...!
C'est le but recherché :-)
Mais blague à part, il y a quelque chose de stupéfiant à constater le mépris que l'on a subi, « passivement », pendant si longtemps...
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