mercredi 2 mars 2011

La lavandière de Puerto Vallarta




Il y a quelques semaines de ça, la chanteuse Michèle Richard avait parlé, à l’émission Les Enfants de la télé, des « lavandières de Puerto Vallarta », honorables ménagères de la misère et de l’arrière-pays, qui devaient nettoyer leurs vêtements directement à la rivière en utilisant de la roche plate tout aussi durable que la plus solide des Maytag. La chanteuse était allée là exercer son art en bikini, justement grimpée sur une de ces roches lissées par le temps, l’eau et le travail à bras de femmes… Ces dames lui servaient de décor champêtre. Je me demandais, en l’écoutant, quel lien pouvait-elle bien faire en sa tenue légère et le travail dur et acharné des dites lavandières… Peut-être voulait-elle, inconsciemment, justifier sa minceur de l’époque, et en faire un produit de dur labeur… Mystère.
J’arrive tout juste de Puerto Vallarta. J’ai eu du temps superbe. En voyant l’abondance des turquoises, des bleus, des blancs, des verts, je me suis pris à penser à Gauguin, fasciné par le soleil et les couleurs de Tahiti. Rien que ça ! Et je me suis beaucoup promené. Puerto Vallarta est maintenant une très jolie petite ville. Plusieurs artistes ont été embauchés pour embellir la ville. La petite église catholique coloniale a été couronnée en 2009, et l’œuvre est superbe. Sur l’avenue principale, un théâtre à la grecque a été aménagé ; j’y ai vu des spectacles en plein air hautement professionnels. J’y ai vu, surtout, une sculpture remarquable, d’une lavandière d’autrefois, placée tout juste entre la mer, et des condos d’un luxe extravagant, protégés par de hautes clôtures, des serrures électroniques et des gardiens armés… Qui a voulu se moquer de ces riches enfermés dans leurs tours d’ivoire tout blanc, se réservant la plage pour eux seuls, se protégeant d’on ne sait quel danger par des gardiens tout en muscle, armés jusqu’aux dents ? La lavandière est là, devant cet étalage de luxe, qui fait patiemment, perpétuellement son travail, sans colère, sans pointer du doigt ces riches étrangers qui lui volent petit à petit son pays…
Loin de m’inciter à la soumission, la lavandière m’a heurté, choqué, rappelé dramatiquement la délocalisation, l’exploitation de la main-d'œuvre si bon marché du Mexique, le cheap labor à la solde des nouveaux riches et de leurs vêtements souillés. Le Mexique nous habille et nous lave, de plus en plus.
Je suis sûr, sûr et certain que la municipalité de Puerto Vallarta n’a pas placé cette statue au hasard. Elle est précisément là où elle est, pour rappeler le fossé grandissant entre les riches et les pauvres. Elle est là comme une critique sociale voulue et délibérée. La lavandière pourrait s’immoler par le feu, comme ce jeune tunisien sans avenir et outrageusement méprisé par un ordre social parfaitement immoral, déclenchant la révolte que l’on sait, et dont on souhaite qu’elle devienne et reste une authentique révolution. Elle est là pour faire peur, pour donner la trouille aux confortables de toutes sortes qui ne vont au Mexique que pour s’en approprier une parcelle, rejetant le plus loin possible les indigènes qui pourraient se croire encore chez eux. J’imagine qu’il y en a pour trouver cette sculpture fâcheuse, d’un goût douteux, et pour tout dire, franchement, de trop. Elle finira peut-être par être déplacée.
Il y a, dans le vieux Puerto Vallarta, un commerce qui affiche à sa porte cette courte note : « Ici, les Mexicains sont aussi les bienvenus ». C’est tout dire du respect qu’on attend des touristes, et des envahisseurs fortunés qui s’installent en chassant les pauvres de leur connaissance et de leur vue.


  










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