Maryse Lapointe, Post-Mortem 2
Je connais Maryse Lapointe depuis 20 ans ; quand on s’est rencontrés, nous étions jeunes et beaux – et nous le sommes restés. Il est arrivé que la vie nous ait éloignés l’un de l’autre et nous a retenus chacun de notre côté: elle dans une vie conjugale et professionnelle accaparante, moi dans une maladie mentale très prenante ( quoique j’enseignais aussi à cette époque-là, et assez bien ; ma « nervosité » ne paraissait pas trop ! )
Maryse travaillait pour son papa, illustre personnalité publique ( pensez-y, amis lecteurs, vous trouverez bien de qui il s’agit, ) qui tenait alors, rue Ste-Catherine, une boutique à la fois timbragie et galerie d’art. C’est là où j’ai acheté ma sérigraphie de Pellan ( un Pellan ! ), c’est là où Monsieur Lapointe a lancé, quand il a fallu en négocier le prix de vente : « Au moins le prix que je l’ai payé, tab… » ! J’ai eu le Pellan ; mon ami Marc, qui bossait lui aussi à cette boutique, était ravi, Maryse avait le sourire complice, l’œil ( fortement tracé au noir ) moqueur, ni l’un ni l’autre impressionné par la colère renfrognée du célèbre papa.
Il s’est passé des années, sans nouvelles aucunes. Et puis, il y a quelques mois de ça, Maryse m’a inclus dans sa liste d’envoi de courriels. Elle y faisait la promotion de son blogue, pis, ensuite, sur le bout des pieds, presque en catimini, elle s’est mise à présenter ses premières toiles. Elle s’était risquée. J’étais bouleversé de ce que je voyais, petites photos à peine affirmées de toiles massivement, horriblement souffrantes. « Mais qu’est-ce qui lui est arrivé, bon dieu, elle est dévastée, cette fille, elle est rongée par en-dedans, proie vivante d’un monstre qui la dévore, l’éviscère et la tue à petit feu… » C’est, à peu près, ce que j’ai pensé. Elle va peut-être m’en vouloir de le dire, ici, si clairement. Comprenez que j’ai de longues années de psychanalyse dans le corps, et que je me rappelle de ce dont je pouvais avoir l’air quand je me sentais vraiment, mais vraiment torturé… Quand la personne, prisonnière d’un monstre qu’elle s’est largement fabriqué, s’avère aussi être une artiste, une créatrice, qui cherche sans relâche la forme la meilleure de l’expression de soi, il arrive que cette personne se perçoive, se crée, se révèle, se crie, et que la douleur monstrueuse donne de l’art, peut-être même du grand art. Sur ce, précisément, je ne je sais pas. Ce que je sais, c’est que j’aime ce que Maryse fait, probablement parce que j’ai un faible, prononcé, pour tout ce qui est tordu. ( Ce sont mes chums, ici, qui n’aimeront pas la remarque, mais bon… )
Il y a des toiles de Maryse qui m’ont reviré à l’envers. Elles sont presque trop, pour moi, trop parlantes et trop vraies. J’ai si longtemps tenté de ne rien dire, comment peut-on révéler tout ça... Mais elles sont. Elles existent, comme un écrit qui reste. Elles ont libéré une chose intérieure qui stupéfie l’observateur, tant cette affaire est hurlante et souffrante. Quand j’ai vu sa toute dernière toile, je lui ai dit : « Ah enfin, j’aime ça ! » J’ai dit n’importe quoi, parce que cette œuvre, paisible, plus dessinée, me faisait moins peur, et Maryse le savait ; elle n’a pas censuré la réplique qu’elle m’a servie.
À regarder l’œuvre de Maryse Lapointe, je me suis souvenu de cette toile, en reproduction dans une vitrine de bijouterie, à Québec, durant mon enfance ; elle me fascinait ; c’est en fait un horrible chromo, mais d’une vérité assez crue, et qui traduit bien mon sentiment d'observateur:
L’audace de Maryse me donne le goût d’écrire, plus et mieux encore, de me lancer dans l’écriture d’un roman ( j’y pense depuis longtemps ) et de laisser le démon me raconter, pour éviter les ravages d’une torture trop longtemps subie, et endurée en silence.
2 commentaires:
Je peins mes tableaux comme on lance des bouteilles à la mer, sans vraiment savoir si je serai lue, vue, entendue, si je serai accueillie ou rejetée. Je peins sans réfléchir, instinctivement, je splashe, je vésuve ces émotions violentes, ces tourmentes, cette peine profonde, presque sans le réaliser. Simplement parce que.
Puis, un samedi matin, je reçois une réponse:
«L’audace de Maryse me donne le goût d’écrire, plus et mieux encore, de me lancer dans l’écriture d’un roman ( j’y pense depuis longtemps ) et de laisser le démon me raconter, pour éviter les ravages d’une torture trop longtemps subie, et endurée en silence.»
Et je dis merci.
Mille fois.
Maryse
Content que ma Chose vue t'ait plu ! Je lis ton commentaire, et je me dis que tu devrais, peut-être, et outre le blogue, songer toi aussi à l'écriture... :-)
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