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Ce qui est vraiment singulier dans les élections fédérales canadiennes qui se déroulent, c’est que le spectaculaire revirement d’une partie importante de l’électorat québécois ( et canadien à sa suite ) ne résulte d’aucune directive politique à la fois dogmatique et menaçante, assénée à la population du Québec ; ni d’aucune campagne électorale délibérément ciblée, qui se révélerait terriblement efficace à l’usage: le Nouveau parti démocratique prend les devants, dans les intentions de vote, malgré lui, et écrase le Bloc québécois, souverainiste, et national, sans en avoir eu l’intention délibérée, sans coup de la Brink's ni dépenses électorales illégales.
Ce qui se passe, ce qui arrive, c’est le fait propre de la volonté d’électeurs québécois, nombreux, de changer la donne ; c’est l’espérance, inouïe, de se libérer de l’interminable dilemme national, de mettre fin à la très classique tension Québec/Canada, et de parier sur un vrai recommencement du pays, sans que ça ne soit ni un caprice, ni un épisode de folie passagère. Ce changement radical, qui confond l’entendement, ne se produit pas à Québec, comme cela a toujours été, au moins depuis la prise du pouvoir par Honoré Mercier, en 1887, mais à Ottawa, dans la capitale fédérale, où les Québécois n’ont de poids que ce qu’ils sont comme population — un peu plus de 23 % de l’ensemble canadien. Des Canadiens français se sont distingués, personnellement, en politique fédérale; mais jamais, jamais, un programme national canadien-français, ou québécois, ne s’est incarné, réalisé, ou écrasé dans le parlement du Canada.
C’est l’occasion cette fois-ci : le projet national québécois s’achève et meurt, dans les mains du NPD, le premier choix partisan – rappelez-vous - du jeune Pierre Elliot Trudeau, avant que l’ambition ne le dévore, et qui doit bien rigoler ces jours-ci du fin fond des ténèbres où il vit toujours. S’il était le voisin de tombe de René Lévesque, il s’amuserait certainement à lui ficher quelques bons coups de pieds sur le bois pourri de son cercueil: « Je t’ai bien eu, hein ! » M. Lévesque s’est effectivement royalement fait avoir. Et le Québec, comme État provincial, comme peuple, et comme nation, tout autant que lui. C’était en 1982. Le NPD de l’époque avait soutenu le projet de nouvelle constitution canadienne, même sans le consentement du Québec. Quelle importance ? L’Ontario, non quand même pas, on n’oserait quand même pas la tasser, mais le Québec ? On l’a tabassé si souvent ! C’est une conquête, le Québec, qu’il s’en rappelle, qu’il la digère, cette vérité si évidente par elle-même : « Moi aussi, j’aurais aimé ça que Montcalm gagne sur le Plaines d’Abraham, a dit l’autre ( Jean Chrétien, comme de juste, ) mais que voulez-vous, il a perdu ». Il a perdu. Ce passé français s’est évaporé, n’intéresse plus personne ; l’histoire du Québec commence bel et bien en 1760. Nous ne pouvons nous concevoir autrement. Nous ne sommes que dans la dialectique qu’impose désormais la Conquête, et nous ne savons pas trop pourquoi nous parlons le français, sinon que des gens admirables, dit-on, se sont jadis battus pour cette langue.
Tous les Québécois, sans aucune exception, s’ils ignorent massivement d’où ils viennent et ce qu’ils ont déjà été, savent cependant que nous ne sommes pas signataires, comme province, et encore moins comme peuple et comme nation, de la Constitution canadienne de 1982, « la saloperie de Trudeau », disait à l’époque Julien Bigras. Elle nous a été imposée. Nous l’avons acceptée par l’usage, y compris par notre soumission aux incontournables paroles d’Évangile que sont les jugements, et autres avis, de la Cour suprême du Canada. La Cour nous a appris, en 1999, ce qu’il fallait penser du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, appliqué, dans le jargon canadien, au droit à la sécession du Québec. Tous les électeurs québécois savent sûrement que M. Jack Layton, le chef du NPD, a dit et répété que l’avis de la Cour suprême assoyait sa politique quant au droit des Québécois de former éventuellement, et impunément, un pays, une nation libre et souveraine. Rendons-nous bien compte que, ce faisant, M. Layton a la même position, exactement la même, que MM. Chrétien, Dion, Ignatieff et Harper ( actuel premier ministre du Canada ). Rendons-nous bien compte que M. Layton ne croit pas que le Québec soit libre de choisir son destin, et de bénéficier pour lui-même du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Cour suprême a fortement encadré, et presque nié ce droit, et c’est sur cet avis que le NPD fixe sa politique constitutionnelle. Et pourtant, massivement semble-t-il, les Québécois s’apprêtent à voter pour M. Layton et son parti, et à lui accorder un mandat parlementaire dont on se sait, en ce 29 avril, jusqu’où il ira.
Si cela se réalise lundi qui vient, ce sera historique, authentiquement historique, comme le fut, par exemple, mais, dans une perspective de justice sociale et nationale appuyée sur Québec, la prise du pouvoir par le Parti québécois. Le 15 novembre 1976, le projet de libération nationale semblait devenu « irréversible ». Jack Layton est en train de vivre, en ce moment, l’extraordinaire expérience de René Lévesque, mais dans un but politique diamétralement contraire. En 1976, et pour reprendre les mots mêmes de René Lévesque, il ne restait que « quelques réflexes d’un vieux colonialisme dont les débris », hélas, siégeaient toujours à l’Assemblée nationale, sur les banquettes libérales. Dans la nouvelle Chambre des communes qui émerge, j’ai bien peur que, cette fois-ci, on n’y trouve que quelques « débris » d’un rêve de liberté nationale sur lequel les Québécois auront enfin tranché. Claude Ryan disait, dans le temps, que l’avenir du Québec ne se résoudrait que par la disparition, à terme, de l’une ou l’autre des deux options, la Québécoise-souveraine ou la fédérale-Canadienne. Dans cette logique, et quant à glisser vers le NPD, espérons que ça se fasse jusqu’au bout de l’expérience, que le groupe parlementaire néo-démocrate soit fort et puissant, qu’il imprègne le Canada d’une réalité sociale plus juste, et qu’il opère une révolution de gauche, avec la même légitimité que celle que cherche le premier ministre Harper, qui souhaite, lui, transformer le Canada, suivant le modèle suggéré par la droite états-unienne, républicaine, néo-libérale, fervente lectrice de Milton Friedman, alors que lui aussi, comme M. Trudeau, comme M. Lévesque, est pourtant mort et enterré.
L’alliance Layton-Mulcair, et la victoire probable du NPD au Québec, c’est le prolongement, en droite ligne, de la collaboration Lafontaine-Baldwin, qui avait d’abord, pour se rendre efficace, discrédité à tout jamais Louis-Joseph Papineau et ce qui restait, en 1846, des idéaux patriotes. La paix sociale passait, disait Lafontaine, par la fin des querelles nationales. Il fallait désormais collaborer, sur des bases idéologiques, et à partir de programmes électoraux, même dans un système, disait-il, qu’on savait pourtant vicié à sa base. C’est de la même manière que le Bloc, et la tentation souverainiste, meurent à leur tour, après une exceptionnelle longévité qui a pu, un temps, nourrir quelques illusions. Le Bloc meurt des querelles honnies et du consensus à tout prix. Le Bloc meurt du fait que nous ne dirons jamais « oui » au pays, ce que M. Lucien Bouchard – superbe prédécesseur de M. Duceppe — a énoncé en toutes lettres, et ce tout récemment. Le Bloc se meurt de l’alliance des installés de toutes sortes, et des dominants qui feront vite ce qu’ils voudront de ce parti, le NPD, puisqu’ils s’en sont déjà accaparés. L’ébauche de pays se meurt d’entendre M. Claude Charron vider de tout sens le vote de 1976, qui lui avait donné une victoire éclatante devenue vite prudente, avançant sur la pointe des pieds, refusant systématiquement de transformer la peur en colère. Le pays se meurt d’être devenu société distincte, incapable de se décrire clairement et de s’incarner durablement. Le pays est devenu bloc en attente, et dont on a fini par dire qu’il ne servait à rien, opposition stérile comme celle, disait-on jadis, de M. Papineau. Le Bloc va disparaître, et le pays avec lui.
Le fait est que le Bloc meurt parce que nous sommes incapables. Le professeur Maurice Séguin, dans des lignes datant des années 60, et restées célèbres, écrivait que le Québec était une colonie, mais certes la colonie la mieux entretenue au monde. Voilà ce qui, au vrai, motive notre vote pour le NPD : les promesses sont si belles, si généreuses ! On sera si bien entretenu ! Le pays n'est pas nécessaire. Pas étonnant que ce programme électoral, tellement acharné contre celui du Bloc ( et on n’a qu’à lire, là-dessus, les commentaires caustiques et presque haineux des partisans du NPD contre le Bloc, sur Twitter ) soit défendu, au plus haut sommet du NPD, par un ancien militant d’Alliance-Québec.
P.S.: Un ami m'a fait parvenir ces quelques lignes d'un historien écossais, Alexander Fraser Tyler ( 1747- 1813 ), qui ne sont peut-être pas dénuées de tout rapport avec le vote massif des Québécois pour le NPD ( fédéraliste, centre-gauche), au détriment des députés et des candidats du Bloc québécois ( souverainistes, centre-gauche ), incapables de faire des promesses puisqu'ils ne voulaient ni ne pouvaient prendre le pouvoir, ne proposant au fond qu'un idéal - marchandise difficile à chiffrer ou à commercialiser, comme on sait. Ça prend du courage, et des tonnes d'abnégation, pour voter en faveur d'idéaux, de projets et de rêves.
« Un régime démocratique ne peut pas perdurer. Il subsiste jusqu’au moment où les électeurs découvrent qu’ils peuvent se voter des largesses aux dépens du trésor public. Dès ce moment, la majorité élit toujours les candidats qui promettent le plus de cadeaux aux frais du trésor public, avec pour conséquence que la démocratie croule sous le poids d’une politique fiscale immodérée »...
Jusqu'au moment où les électeurs découvrent qu'ils peuvent se voter des largesses... Il m'arrive de penser que les Québécois n'ont pas d'opinion, ni de sentiments, mais que des intérêts: ne pas payer les taxes et les impôts qu'ils doivent, mais se rebiffer, ( avec raison, du reste ), contre toute remise en question de la gratuité, relative ou complète, de leurs vastes programmes sociaux. Il y a peut-être là un sens, très immédiat, au vote donné aveuglément au NPD ce 2 mai, vote qui a même permis l'élection d'une candidate qui a fait campagne... à Las Vegas!
« Un régime démocratique ne peut pas perdurer. Il subsiste jusqu’au moment où les électeurs découvrent qu’ils peuvent se voter des largesses aux dépens du trésor public. Dès ce moment, la majorité élit toujours les candidats qui promettent le plus de cadeaux aux frais du trésor public, avec pour conséquence que la démocratie croule sous le poids d’une politique fiscale immodérée »...
Jusqu'au moment où les électeurs découvrent qu'ils peuvent se voter des largesses... Il m'arrive de penser que les Québécois n'ont pas d'opinion, ni de sentiments, mais que des intérêts: ne pas payer les taxes et les impôts qu'ils doivent, mais se rebiffer, ( avec raison, du reste ), contre toute remise en question de la gratuité, relative ou complète, de leurs vastes programmes sociaux. Il y a peut-être là un sens, très immédiat, au vote donné aveuglément au NPD ce 2 mai, vote qui a même permis l'élection d'une candidate qui a fait campagne... à Las Vegas!