vendredi 29 avril 2011

ÉLECTIONS CANADIENNES


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Ce qui est vraiment singulier dans les élections fédérales canadiennes qui se déroulent, c’est que le spectaculaire revirement d’une partie importante de l’électorat québécois ( et canadien à sa suite ) ne résulte d’aucune directive politique à la fois dogmatique et menaçante, assénée à la population du Québec ; ni d’aucune campagne électorale délibérément ciblée, qui se révélerait terriblement efficace à l’usage: le Nouveau parti démocratique prend les devants, dans les intentions de vote, malgré lui, et écrase le Bloc québécois, souverainiste, et national, sans en avoir eu l’intention délibérée, sans coup de la Brink's ni dépenses électorales illégales.
Ce qui se passe, ce qui arrive, c’est le fait propre de la volonté d’électeurs québécois, nombreux, de changer la donne ; c’est l’espérance, inouïe, de se libérer de l’interminable dilemme national, de mettre fin à la très classique tension Québec/Canada, et de parier sur un vrai recommencement du pays, sans que ça ne soit ni un caprice, ni un épisode de folie passagère.  Ce changement radical, qui confond l’entendement, ne se produit pas à Québec, comme cela a toujours été, au moins depuis la prise du pouvoir par Honoré Mercier, en 1887, mais à Ottawa, dans la capitale fédérale, où les Québécois n’ont de poids que ce qu’ils sont comme population — un peu plus de 23 % de l’ensemble canadien. Des Canadiens français se sont distingués, personnellement, en politique fédérale; mais jamais, jamais, un programme national canadien-français, ou québécois, ne s’est incarné, réalisé, ou écrasé dans le parlement du Canada.
C’est l’occasion cette fois-ci : le projet national québécois s’achève et meurt, dans les mains du NPD, le premier choix partisan – rappelez-vous - du jeune Pierre Elliot Trudeau, avant que l’ambition ne le dévore, et qui doit bien rigoler ces jours-ci du fin fond des ténèbres où il vit toujours. S’il était le voisin de tombe de René Lévesque, il s’amuserait certainement à lui ficher quelques bons coups de pieds sur le bois pourri de son cercueil: « Je t’ai bien eu, hein ! » M. Lévesque s’est effectivement royalement fait avoir. Et le Québec, comme État provincial, comme peuple, et comme nation, tout autant que lui. C’était en 1982. Le NPD de l’époque avait soutenu le projet de nouvelle constitution canadienne, même sans le consentement du Québec. Quelle importance ? L’Ontario, non quand même pas, on n’oserait quand même pas la tasser, mais le Québec ? On l’a tabassé si souvent ! C’est une conquête, le Québec, qu’il s’en rappelle, qu’il la digère, cette vérité si évidente par elle-même : « Moi aussi, j’aurais aimé ça que Montcalm gagne sur le Plaines d’Abraham, a dit l’autre ( Jean Chrétien, comme de juste, ) mais que voulez-vous, il a perdu ». Il a perdu. Ce passé français s’est évaporé, n’intéresse plus personne ; l’histoire du Québec commence bel et bien en 1760. Nous ne pouvons nous concevoir autrement. Nous ne sommes que dans la dialectique qu’impose désormais la Conquête, et nous ne savons pas trop pourquoi nous parlons le français, sinon que des gens admirables, dit-on, se sont jadis battus pour cette langue.
Tous les Québécois, sans aucune exception, s’ils ignorent massivement d’où ils viennent et ce qu’ils ont déjà été, savent cependant que nous ne sommes pas signataires, comme province, et encore moins comme peuple et comme nation, de la Constitution canadienne de 1982, « la saloperie de Trudeau », disait à l’époque Julien Bigras. Elle nous a été imposée. Nous l’avons acceptée par l’usage, y compris par notre soumission aux incontournables paroles d’Évangile que sont les jugements, et autres avis, de la Cour suprême du Canada. La Cour nous a appris, en 1999, ce qu’il fallait penser du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, appliqué, dans le jargon canadien, au droit à la sécession du Québec. Tous les électeurs québécois savent sûrement que M. Jack Layton, le chef du NPD, a dit et répété que l’avis de la Cour suprême assoyait sa politique quant au droit des Québécois de former éventuellement, et impunément, un pays, une nation libre et souveraine. Rendons-nous bien compte que, ce faisant, M. Layton a la même position, exactement la même, que MM. Chrétien, Dion, Ignatieff et Harper ( actuel premier ministre du Canada ). Rendons-nous bien compte que M. Layton ne croit pas que le Québec soit libre de choisir son destin, et de bénéficier pour lui-même du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Cour suprême a fortement encadré, et presque nié ce droit, et c’est sur cet avis que le NPD fixe sa politique constitutionnelle. Et pourtant, massivement semble-t-il, les Québécois s’apprêtent à voter pour M. Layton et son parti, et à lui accorder un mandat parlementaire dont on se sait, en ce 29 avril, jusqu’où il ira.
Si cela se réalise lundi qui vient, ce sera historique, authentiquement historique, comme le fut, par exemple, mais, dans une perspective de justice sociale et nationale appuyée sur Québec, la prise du pouvoir par le Parti québécois. Le 15 novembre 1976, le projet de libération nationale semblait devenu « irréversible ». Jack Layton est en train de vivre, en ce moment, l’extraordinaire expérience de René Lévesque, mais dans un but politique diamétralement contraire. En 1976, et pour reprendre les mots mêmes de René Lévesque, il ne restait que « quelques réflexes d’un vieux colonialisme dont les débris », hélas, siégeaient toujours à l’Assemblée nationale, sur les banquettes libérales. Dans la nouvelle Chambre des communes qui émerge, j’ai bien peur que, cette fois-ci, on n’y trouve que quelques « débris » d’un rêve de liberté nationale sur lequel les Québécois auront enfin tranché.  Claude Ryan disait, dans le temps, que l’avenir du Québec ne se résoudrait que par la disparition, à terme, de l’une ou l’autre des deux options, la Québécoise-souveraine ou la fédérale-Canadienne. Dans cette logique, et quant à glisser vers le NPD, espérons que ça se fasse jusqu’au bout de l’expérience, que le groupe parlementaire néo-démocrate soit fort et puissant, qu’il imprègne le Canada d’une réalité sociale plus juste, et qu’il opère une révolution de gauche, avec la même légitimité que celle que cherche le premier ministre Harper, qui souhaite, lui, transformer le Canada, suivant le modèle suggéré par la droite états-unienne, républicaine, néo-libérale, fervente lectrice de Milton Friedman, alors que lui aussi, comme M. Trudeau, comme M. Lévesque, est pourtant mort et enterré.
L’alliance Layton-Mulcair, et la victoire probable du NPD au Québec, c’est le prolongement, en droite ligne, de la collaboration Lafontaine-Baldwin, qui avait d’abord, pour se rendre efficace, discrédité à tout jamais Louis-Joseph Papineau et ce qui restait, en 1846, des idéaux patriotes. La paix sociale passait, disait Lafontaine, par la fin des querelles nationales. Il fallait désormais collaborer, sur des bases idéologiques, et à partir de programmes électoraux, même dans un système, disait-il, qu’on savait pourtant vicié à sa base. C’est de la même manière que le Bloc, et la tentation souverainiste, meurent à leur tour, après une exceptionnelle longévité qui a pu, un temps, nourrir quelques illusions. Le Bloc meurt des querelles honnies et du consensus à tout prix. Le Bloc meurt du fait que nous ne dirons jamais « oui » au pays, ce que M. Lucien Bouchard – superbe prédécesseur de M. Duceppe — a énoncé en toutes lettres, et ce tout récemment. Le Bloc se meurt de l’alliance des installés de toutes sortes, et des dominants qui feront vite ce qu’ils voudront de ce parti, le NPD, puisqu’ils s’en sont déjà accaparés. L’ébauche de pays se meurt d’entendre M. Claude Charron vider de tout sens le vote de 1976, qui lui avait donné une victoire éclatante devenue vite prudente, avançant sur la pointe des pieds, refusant systématiquement de transformer la peur en colère. Le pays se meurt d’être devenu société distincte, incapable de se décrire clairement et de s’incarner durablement. Le pays est devenu bloc en attente, et dont on a fini par dire qu’il ne servait à rien, opposition stérile comme celle, disait-on jadis, de M. Papineau. Le Bloc va disparaître, et le pays avec lui.
Le fait est que le Bloc meurt parce que nous sommes incapables. Le professeur Maurice Séguin, dans des lignes datant des années 60, et restées célèbres, écrivait que le Québec était une colonie, mais certes la colonie la mieux entretenue au monde. Voilà ce qui, au vrai, motive notre vote pour le NPD : les promesses sont si belles, si généreuses ! On sera si bien entretenu ! Le pays n'est pas nécessaire. Pas étonnant que ce programme électoral, tellement acharné contre celui du  Bloc ( et on n’a qu’à lire, là-dessus, les commentaires caustiques et presque haineux des partisans du NPD contre le Bloc, sur Twitter ) soit défendu, au plus haut sommet du NPD, par un ancien militant d’Alliance-Québec.

P.S.: Un ami m'a fait parvenir ces quelques lignes d'un historien écossais, Alexander Fraser Tyler ( 1747- 1813 ), qui ne sont peut-être pas dénuées de tout rapport avec le vote massif des Québécois pour le NPD ( fédéraliste, centre-gauche), au détriment des députés et des candidats du Bloc québécois ( souverainistes, centre-gauche ), incapables de faire des promesses puisqu'ils ne voulaient ni ne pouvaient prendre le pouvoir, ne proposant au fond qu'un idéal - marchandise difficile à chiffrer ou à commercialiser, comme on sait. Ça prend du courage, et des tonnes d'abnégation, pour voter en faveur d'idéaux, de projets et de rêves.


« Un régime démocratique ne peut pas perdurer. Il subsiste jusqu’au moment où les électeurs découvrent qu’ils peuvent se voter des largesses aux dépens du trésor public. Dès ce moment, la majorité élit toujours les candidats qui promettent le plus de cadeaux aux frais du trésor public, avec pour conséquence que la démocratie croule sous le poids d’une politique fiscale immodérée »...


Jusqu'au moment où les électeurs découvrent qu'ils peuvent se voter des largesses... Il m'arrive de penser que les Québécois n'ont pas d'opinion, ni de sentiments, mais que des intérêts: ne pas payer les taxes et les impôts qu'ils doivent, mais se rebiffer, ( avec raison, du reste ), contre toute remise en question de la gratuité, relative ou complète, de leurs vastes programmes sociaux. Il y a peut-être là un sens, très immédiat, au vote donné aveuglément au NPD ce 2 mai, vote qui a même permis l'élection d'une candidate qui a fait campagne... à Las Vegas!









dimanche 24 avril 2011

MYOSOTIS






Je ne suis même pas certain que ce soient des myosotis ! Il semble... et c'est comme ça que je les appelle depuis des années. J'ai publié des photos de ces petites fleurs bleues, en 2009 et 2010, sur Chroniques amnésiques. L'originalité de cette année, c'est que malgré le printemps pourri que nous endurons, elles se sont démultipliées, au point de couvrir une large partie du sol de mon petit ( petit ? ) jardin, et sans que je n'y sois pour rien ! Miracle pascal ? Elles poussent parmi les débris de l'automne dernier, brésillés par l'hiver. Elles sont magnifiques, donnent le goût de sortir, d'observer ce qui pousse de près; la vie, l'été, s'annoncent de partout. Toutes mes vivaces, je crois, ont survécu. La nature est une belle et grande chose.






Guillermo Perez Villalta






L'oeuvre de Guillermo Perez Villalta est ma chose vue du jour ( de ce samedi 23 avril 2011 ), pas de doute là-dessus. Par Internet, impossible de penser tout voir d'une oeuvre, et même de bien la voir. Une toile, c'est un objet, c'est physique, c'est sensuel et c'est presque charnel: il faut avoir avec elle un rapport de proximité. Mais le coup de foudre est chose possible, même en ligne, j'en sais quelque chose. Il y a des hasards virtuels qui sont généreux et magnifiques. Et contrairement aux visites de musée, on peut prendre son temps, quand on rencontre, pour s’émerveiller.

J'ai été sidéré, ébloui par le travail de Villalta. Les notes biographiques qui lui sont consacrées signalent toutes la diversité de ses emprunts et la complexité de son imaginaire. C'est évident. Comment ne pas voir Goya, Picasso, Dali, dans ses peintures ? Et pourtant, il y a du génie dans ses toiles. Et singulièrement, cette mystérieuse chose qu'on appelle le beau - que je ne m'explique jamais, et que je trouve plus compliqué que le concept de Dieu lui-même.








samedi 23 avril 2011

BEN-HUR







Il y avait un ahurissant Ben-Hur à la télé ce soir. Une production canado-britannico-espagnole, tournée en 2010, sous la direction de Steve Shill. L'acteur qui joue le rôle de Ben-Hur ( et qui donc reprend le rôle tenu jadis par l'immortel lone gunman Charlton Heston ) est le Britannique Joseph Morgan: mince, athlétique, bien galbé, coquette chevelure blonde du plus pur type sémite, au restant cheveux frais lavés malgré la séduisante barbe de deux jours,  Morgan a tout pour faire vrai, disons au moins autant que Jonathan Rhys-Meyers incarnant ( brillamment ) Henry VIII dans la série Les Tudors. L'homo-érotisme est si flagrant dans ce Ben-Hur revu et corrigé qu'il est évident que Morgan s'est inspiré de Rhys-Meyers, qu'il a voulu faire aussi beau et aussi bien que lui, jouant comme lui la beauté de son personnage par la fréquente exposition d'une poitrine admirablement dessinée, et glabre... L'amitié de Ben-Hur pour le Romain Messala est passionnée, suspecte, ultime jusqu'à la mort. Ils sont si souvent nus ensemble qu'on imagine mal qu'ils n'aient jamais jeté un coup d'oeil, qu'ils n'aient au grand jamais eu quelque tentation... Tout cela, diffusé un Vendredi saint ! Et dire que l'Église n'a cru bon protester, ce vendredi, que contre le vote par anticipation qui se tenait en cette sainte journée ! Les évêques n'avaient certainement pas vu le film ! Ou bien se sont-ils dit ( probablement comme le réalisateur du télé-film, M. Shill ), qu'à l'époque antique, c'est bien connu, les Romains donnaient la plupart du temps au voisin d'à côté plutôt qu'à leurs tendres épouses...

Bref !

On a si souvent, si abondamment montré des corps de femmes au ciné, et à la télé, que ce n’est pas si mal, finalement, qu'on présente maintenant, à profusion, des corps de jeunes hommes trop parfaitement sculptés. Ça va avec l'actuelle confusion des genres. Le gym, on le sait, n'est plus, tant s'en faut, le repaire identificateur et tailleur de muscles du macho. Le seul problème que j'y vois, personnellement, c'est la confusion historique ( et religieuse ! ) qui risque toujours de s'ensuivre.









jeudi 21 avril 2011

CITOYEN DU MONDE




Lu cette blague de Jonathan Chénard, sur Twitter, ce matin. ( Je ne connais pas du tout M. Chénard, mais comme il s'adressait, avec humour, au Monde... )

La blague est excellente; elle m'a fait rire de bon coeur !

Ça me rappelle, tiens, un des hauts moments d'intelligence politique que j'ai vus, dans ma vie, à la télé. ( J'étais très jeune, dans le temps, et plus impressionnable que maintenant ! ) C'était Antonine Maillet qui, pour s'opposer à l'Entente du Lac Meech, avait fait une courte apparition à la télé, tout en caressant un énorme globe terrestre, et se disant - comme de juste - citoyenne du monde, et non une misérable Québécoise bornée à son minable lopin de terre ! Dis-le qu'tu veux juste être higher because bilingual ! Le globe terrestre ! Y'a de ces moments, absurdes, avilissants tant ils sont petits, qui méritent de rester dans les mémoires de toute éternité...





mercredi 20 avril 2011

RÊVER LA PAIX



Blogue de Richard Hétu, Cyberpresse, mardi 19 avril 2011

Cette proposition, extraordinaire, au sens le plus fort du terme, est la seule solution possible au problème israélo-palestinien, tel qu’il a surgi des événements de 1948-1949, et plus encore de la conquête rayonnante qu’a menée Israël en Palestine lors de la guerre des Six Jours, en 1967. Elle seule peut réconcilier Israéliens et Palestiniens, tant la guerre d’indépendance, le problème des réfugiés et la prise de possession de Jérusalem-Est ont généré des haines profondes entre les peuples, y compris entre ceux de l’Orient solidaire de la cause palestinienne, et ceux de l’Occident garant d’une terre sacrée, Israël, qui a forgé, il y a des millénaires de ça, le peuple juif, sa culture, sa religion et sa résilience.

Le New York Times ajoute que la proposition, sous forme de déclaration solennelle, sera lue sur les lieux mêmes où, à Tel-Aviv, en 1948, a été proclamé l’État d’Israël.

C’est, en complémentation, la seule porte de sortie à la guerre en Afghanistan et en Irak; c’est la seule solution au problème du terrorisme international, alimenté par une détresse telle qu’il ne distingue plus le message qu’il porte de l’acte de terreur qu’il commet; c’est la seule solution à la transformation durable enclenchée par le printemps arabe; et c’est enfin l'unique solution à ce qu’un État d’Israël puisse encore durer sur cette terre de Palestine où il s’est greffé, il y a peu, sûr d’y trouver les traces anciennes - antiques - de son passage.

Cette proposition est sensée, généreuse, pacifique, digne de l’histoire tourmentée du peuple juif. Elle est la seule possible.

Cette proposition est magnifique.

Parions qu’elle ne sera pas retenue. 





mardi 19 avril 2011

S'EN TENIR AUX FAITS






Cette photo de Paul Hansen, montrant une toute jeune fille, sauvagement tuée par la police haïtienne, en janvier 2010, a été primée en Suède. Depuis, une autre photographie a été publiée, montrant, elle,  les circonstances exactes où la photo a été prise.







Ces deux photos ont déclenché une vive polémique sur le travail des journalistes, en particulier des photographes de presse. Jusqu'où peuvent-ils aller? Quelle morale peut, doit même encadrer leur travail? Tout est-il permis, quand il s'agit de faire un bon cliché? Et si le cliché est bon, sert-il la vérité ?

Ces deux photos témoignent indépendamment l'une de l'autre. Les deux servent un récit, racontent l'Histoire, et peuvent rester, à ce titre, des références. Je ne crois ni qu'elles s'opposent, ni qu'une condamne l'autre à l'usurpation de vérité, à fabrication de faux.

Même que la plus vraie, je crois, n'est pas celle qui révèle, crûment, les trucs du métier. La plus authentique est celle qui reconstruit l'événement, et qui l'expose avec force, avec soin, avec beauté. Paul Hansen a mérité son prix. La photo de Fabienne, 17 ans, tragiquement morte dans un pays où la loi n'est souvent qu'un concept hésitant, et où les impératifs de la survie particularisent les formes actuelles de la servitude, est aussi vraie, par exemple, que l'Oeuvre au noir, de Marguerite Yourcenar. La fiction, parfois, dit davantage que mille mots, mille documents, mille preuves, qui demandent tout autant que la photo de Paul Hansen, à être reconstitués pour offrir un sens réel et compréhensible au fait. Mais Yourcenar, et Hansen y ajoutent le talent qui recrée l'événement, et c'est là l'essentiel.






mardi 12 avril 2011

LA GUERRE DITE DE SÉCESSION


Drapeau des États confédérés, en avril 1861: sept étoiles pour, alors, sept états sécessionnistes.



Je n’y aurais pas pensé, j’avoue, sans avoir eu sous les yeux, ce matin, un article du Time Light Box, qui rappelle qu’il y a 150 ans aujourd’hui même, le 12 avril 1861, commençait la guerre civile américaine, aussi dénommée guerre de Sécession. Ces appellations de la terrible guerre qui s’amorce, passées à l’Histoire, et répétées depuis, sans qu’on s’arrête maintenant au sens premier des mots, masquent le fait qu’il y a eu une guerre totale entre deux États souverains, deux pays, et nient, par ailleurs, qu’il ait pu y avoir, de quelque manière que ce soit, conformément au droit constitutionnel, ou de par le simple droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à choisir la forme de gouvernement qui leur convient, une liberté quelconque fondant la légitimité de la sécession de onze États fédérés.

En mars 1861, lorsqu’il devient Président, Lincoln parle de «l’union éternelle» des 35 états unis d’alors – rien que ça, éternelle. La guerre est donc inévitable, si les Confédérés, autrement dit les sudistes, passent de proclamations d’indépendance successives – il y en a sept qui ont franchi le pas, le 12 avril 1861 ; 5 autres vont les rejoindre avant juin -  à l’acte de guerre comme tel. Lincoln leur tend le piège du premier coup de feu, et du déshonneur, en massant des troupes nordistes dans la forteresse fédérale de Fort Sumter, au large de Charleston, en Caroline du Sud. Le gouvernement sudiste est déchiré, divisé sur ce qu’il doit faire : attaquer et chasser, ou attendre et espérer d’éventuelles négociations ? C’est l’option de la guerre qui l’emporte, assortie d’assurances pacifistes : le Sud, dit-il, ne veut pas détruire le Nord, mais que rendre son indépendance, maintenant chose faite, irréversible. Lincoln ne verra jamais les choses ainsi, ni en 1861, ni de toute la durée de la guerre. Pour lui, il n’y a aucun droit, aucune possibilité, à ce que des États puissent librement décider de quitter « le gouvernement par le peuple et pour le peuple », entendons la République fédérale et constitutionnelle américaine.

Fort Sumter, attaqué, tombe en deux jours. Pas un seul soldat n’est mort. Les vaincus quittent par mer, et rejoignent sans problème le territoire de l’Union, le Nord. La séparation semble définitive. Si vraiment il doit y avoir guerre, personne, en 1861, ne la croit autrement que courte, et facile à gagner.

La guerre sera longue. Quatre années d’horreur absolue. Fini, le champ de bataille héroïque d’une seule journée. La guerre de Sécession invente : les tranchées, la conscription, la mobilisation de masses humaines gigantesques pour l’époque, les bombardements intenses sur les villes et les populations civiles, l’usage à des fins militaires de nouveaux transports, et encore, les nouveaux armements, cuirassés, sous-marins, mitraillette, la guerre économique, la guerre de propagande, abondamment photographiée par ce qu’on pourrait appeler, déjà, des reporters de guerre, et ultimement, à l’encontre de Lincoln qui s’est fait là-dessus brusquer par les membres de son propre Cabinet, guerre sociale, qui libère les esclaves afro-américains, pourtant les premiers concernés par cette guerre, et qui eux, sont motivés, au moins chez les nordistes, pour y participer et la gagner.

La guerre de Sécession fait 600,000 morts, dans un pays qui dépasse à peine les 30 millions d’habitants. Elle reste encore, de nos jours, et par comparaison, la pire guerre de l’histoire des États-Unis, un «meurtre collectif », en dit le général Lee, sudiste, pourtant héros, pour tous, de cette guerre. Peut-être parce qu’il est resté loyal à son état d’origine, la Virginie, sans pour autant favoriser à tout prix le maintien de l’esclavage, Lee reste un symbole d’honneur qui peut être récupéré par l’Histoire. C’est, lui,  un bon sudiste.

Cette guerre, que Lincoln ne veut mener que contre des rebelles, est une guerre sociale non aboutie. L’esclavage est aboli, c’est vrai, en 1865. Mais aucune révolution sociale, pourtant nécessaire, ne la complète. William Garrison, peut-être le plus brillant des intellectuels engagés dans la lutte contre l’esclavage, a souvent expliqué qu’abolir l’esclavage sans indemniser les esclaves pour leur travail était un contresens radical. Quatre millions d’entre eux, concentrés toujours dans le sud, sans compter leurs ancêtres, qui se comptent aussi par millions, morts au travail, dans des conditions ignobles, depuis des générations, ont fait beaucoup, énormément pour ce pays, sans en tirer quelque richesse transmissible que ce soit. Les Noirs ne sont pas indemnisés en 1865, et ne le seront jamais. On en discute encore de nos jours, et il est possible que la question, portée maintenant à l’ONU, aboutisse à un résultat concret, une solution de justice, un transfert de richesse qui permettraient aux Afro-Américains d’accéder, enfin, au plein développement, dans leur propre pays, où les premiers des leurs sont arrivés, bien malgré eux, en 1619 – avant même le célèbre Mayflower, symbole par excellence de la liberté américaine.

La guerre de Sécession a été la première guerre moderne de l’Histoire. Elle était, barbelés en moins, le prélude de la Première Guerre mondiale. Elle a habitué, héritage effrayant, l’humanité à la guerre de masse, et aux immenses charniers.


Richmond, capitale des États confédérés, en 1865, au moment de la défaite.







samedi 9 avril 2011

DES RAVAGES DE LA TORTURE


Maryse Lapointe, Post-Mortem 2



Je connais Maryse Lapointe depuis 20 ans ; quand on s’est rencontrés, nous étions jeunes et beaux – et nous le sommes restés. Il est arrivé que la vie nous ait éloignés l’un de l’autre et nous a retenus chacun de notre côté: elle dans une vie conjugale et professionnelle accaparante, moi dans une maladie mentale très prenante ( quoique j’enseignais aussi à cette époque-là, et assez bien ; ma « nervosité » ne paraissait pas trop ! )

Maryse travaillait pour son papa, illustre personnalité publique ( pensez-y, amis lecteurs, vous trouverez bien de qui il s’agit, ) qui tenait alors, rue Ste-Catherine, une boutique à la fois timbragie et galerie d’art. C’est là où j’ai acheté ma sérigraphie de Pellan ( un Pellan ! ), c’est là où Monsieur Lapointe a lancé, quand il a fallu en négocier le prix de vente : « Au moins le prix que je l’ai payé, tab… » ! J’ai eu le Pellan ; mon ami Marc, qui bossait lui aussi à cette boutique, était ravi, Maryse avait le sourire complice, l’œil ( fortement tracé au noir ) moqueur, ni l’un ni l’autre impressionné par la colère renfrognée du célèbre papa.

Il s’est passé des années, sans nouvelles aucunes. Et puis, il y a quelques mois de ça,  Maryse m’a inclus dans sa liste d’envoi de courriels. Elle y faisait la promotion de son blogue, pis, ensuite, sur le bout des pieds, presque en catimini, elle s’est mise à présenter ses premières toiles. Elle s’était risquée. J’étais bouleversé de ce que je voyais, petites photos à peine affirmées de toiles massivement, horriblement souffrantes. « Mais qu’est-ce qui lui est arrivé, bon dieu, elle est dévastée, cette fille, elle est rongée par en-dedans, proie vivante d’un monstre qui la dévore, l’éviscère et la tue à petit feu… » C’est, à peu près, ce que j’ai pensé. Elle va peut-être m’en vouloir de le dire, ici, si clairement. Comprenez que j’ai de longues années de psychanalyse dans le corps, et que je me rappelle de ce dont je pouvais avoir l’air quand je me sentais vraiment, mais vraiment torturé… Quand la personne,  prisonnière d’un monstre qu’elle s’est largement fabriqué, s’avère aussi être une artiste, une créatrice, qui cherche sans relâche la forme la meilleure de l’expression de soi, il arrive que cette personne se perçoive, se crée, se révèle, se crie, et que la douleur monstrueuse donne de l’art, peut-être même du grand art. Sur ce, précisément, je ne je sais pas. Ce que je sais, c’est que j’aime ce que Maryse fait, probablement parce que j’ai un faible, prononcé, pour tout ce qui est tordu. ( Ce sont mes chums, ici, qui n’aimeront pas la remarque, mais bon… )

Il y a des toiles de Maryse qui m’ont reviré à l’envers. Elles sont presque trop, pour moi, trop parlantes et trop vraies. J’ai si longtemps tenté de ne rien dire, comment peut-on révéler tout ça... Mais elles sont. Elles existent, comme un écrit qui reste. Elles ont libéré une chose intérieure qui stupéfie l’observateur, tant cette affaire est hurlante et souffrante. Quand j’ai vu sa toute dernière toile, je lui ai dit : « Ah enfin, j’aime ça ! » J’ai dit n’importe quoi, parce que cette œuvre, paisible, plus dessinée, me faisait moins peur, et Maryse le savait ; elle n’a pas censuré la réplique qu’elle m’a servie.

À regarder l’œuvre de Maryse Lapointe, je me suis souvenu de cette toile, en reproduction dans une vitrine de bijouterie, à Québec, durant mon enfance ; elle me fascinait ; c’est en fait un horrible chromo, mais d’une vérité assez crue, et qui traduit bien mon sentiment d'observateur:



L’audace de Maryse me donne le goût d’écrire, plus et mieux encore, de me lancer dans l’écriture d’un roman ( j’y pense depuis longtemps ) et de laisser le démon me raconter, pour éviter les ravages d’une torture trop longtemps subie, et endurée en silence.

 

 

jeudi 7 avril 2011

JOUVENCE





J’ai choisi cette photo parce qu’elle est d’un photographe connu, célèbre, même. Mais il y avait le choix, je vous jure. Quelques minutes de questionnement judicieux sur Internet, et des jeunes hommes nus vous sautent au visage,  jeunes hommes glabres, minces, érotiques, célébrant le mythe de la jeunesse éternelle, de la beauté standard, seule acceptable, seule montrable, seule suscitant l’identification, l’admiration, et bien sûr, la consommation.

Elle fera sursauter, peut-être. J’aurais publié une photo comparable, mais d’une jeune fille, qu’on ne sourcillerait même pas. L’habitude.

Et pourtant, ce type de photos devient tout aussi asservissant chez les jeunes hommes que les photos de jeunes filles prépubères, présentées, dans la pub racoleuse, comme ayant 30 ans, toutes leurs dents, et une irrésistible capacité de séduction accessible à toutes les femmes, pourvu, bien sûr, qu’elles achètent tel ou tel truc, avec la récompense promise une fois l’affaire dûment payée : le miroir qui te confirme que t’es la plus belle de toutes, et jeune en diable, et ultra mince, et pour toujours.

La dévastation de l’image à tout prix gagne maintenant les jeunes hommes. Ça prend même, parfois, une étiquette de marque certifiée : « métrosexuel », par exemple, ou Brad Pitt, ou plus simplement le mot « jeune », qui exclut à lui seul tout autre mot possible dans les processus de socialisation et de désirabilité. Il faut être beau, désormais, jeune et beau, c’est un impératif incontournable. Je l’ai trop souvent entendu, de la bouche, encore et encore, d’étudiants, pour ne pas avoir pris conscience du danger social évident. Les jeunes hommes ne sont pas seulement métrosexuels, ils sont, à leur tour, torturés sous les forceps de la beauté à tout prix, seule valeur sociale vraiment reconnue, qui justifie l’énormité que l’on consent aux coûts du système de santé, et de sa privatisation, si nécessaire, comme le sont déjà les cliniques dites « esthétiques »... On se console difficilement, de nos jours, d’être simplement intelligent, ou talentueux. Tout le plaisir est pour les blondes, les jeunes, les beaux, les dents immaculées. J’ai lu, un jour, qu’il n’était pas rare que des hommes se suicident pour éviter la calvitie. Qu’est-ce qu'il en sera, maintenant, qu’il ne faut plus ni que ça pousse sur le thorax, ni que ça grossisse sur l’abdomen ?

Le profit, c’est l’anorexie. C’est le lot des jeunes femmes, désormais des jeunes hommes, et même des hommes d’un âge certain, qui nient le vieillissement, et qui ne redoutent rien du ridicule à se fagoter comme s’ils avaient 18 ans, bagues aux doigts, t-shirts transparents, jeans Diesel… Ceux-là sont les pires : ce sont eux qui se teignent la barbe, les cheveux ( et qui regardent, navrés, mon - léger - excès de poids )… T’as donc rien compris de ce qu’est la vie ?

Sérieusement, l’avenir de la jeunesse masculine n’est pas rose, quoiqu’on puisse en penser, à regarder la pub qui s’adresse spécifiquement à elle… Un jour, l’Occident sera peuplé de jeunes vieillards qui chercheront désespérément, dans la multitude dite du troisième âge, les vrais jeunes, ou ceux qui auront su, avec le même talent que Cher, éviter le grand naufrage…


Post-Scriptum, en date du jeudi 15 septembre 2011:



On a publié ces jours-ci une nouvelle posthume de Nelly Arcan, un texte d'une trentaine de pages, et qui secoue fort le petit monde artistique, littéraire et journalistique québécois. Arcan raconte, si on s'en tient qu’à une lecture mondaine, rattachée qu’au premier degré de l’écrit, le désarroi extrême d'une jeune femme au vu de son corps, et à ce qu’elle croit être le su des autres le regardant, accusateurs et sarcastiques. Cette jeune femme, c’est Nelly Arcan elle-même. Son récit, qu’elle a voulu, semble-t-il, publier, est à peine une autofiction. Il tient plutôt de la note laissée par humanisme aux survivants, pour expliquer, quand même, une mort terriblement prématurée. Le corps de Nelly Arcan est magnifique, mais lui fait mal, l'écriture de la nouvelle est superbe, mais effroyablement désespérée. L’histoire s'intitule La honte, et quiconque aurait envie de la lire peut la trouver, facilement et gratuitement, sur Internet. 

Tous les commentateurs que j'ai pu lire, depuis deux jours, dénoncent les prescriptions morbides que la « société » impose au corps des femmes, et d’elles seules; ces messieurs/dames font de l'obligation de la jeunesse et de la beauté immortelles la première, sinon la seule responsable de la mort violente de l'écrivaine en révolte, jusqu’au délire. ( Elle s'est suicidée. ) J'ai lu le texte de Nelly Arcan. J'ai été à la fois séduit et bouleversé, ramené au paradoxe extrême dont souffrait visiblement l’auteure, étrangère à ce beau corps qu'elle a pourtant voulu, dont elle a dessiné la reconstruction, et qu’elle a certainement beaucoup contemplé. J'écrirai, ailleurs, le second degré, évident me semble-t-il, de cette nouvelle. Mais pour m'en tenir, ici, au sens premier du texte de Nelly Arcan, je ne peux que me répéter, et revenir avec plus d'insistance encore, sur l’intention première, quand même modeste, de ce post, Jouvence

Il n'est plus vrai que l'obligation de jeunesse et de beauté ne pèse que sur les jeunes femmes. Les jeunes hommes en pâtissent tout autant. L'Occident ne s'est jamais, de toute son histoire, autant contemplé dans un miroir, en fait un rétroviseur, que maintenant. Il rejette la maladie, le vieillissement, la bonne moyenne, la paix du corps le temps de sa vie. Le risque, le risque énorme, est qu'on retrouve, toujours de plus en plus, de ces obsédés du corps parfait, épatant, séducteur, excellent vendeur, qui seul peut oser se montrer, et s’admirer par la suite à la télé ou sur grand écran.  Passé 30 ans, t'es à risque de rejet. Passé 40, t'es foutu. Il arrivera qu'on ne veuille plus voir nos vieux ; savoir leur existence suscitera de l'angoisse ; on les parquera tant et si bien qu'on ne pourra plus voir du tout ce qui guette tous les vivants, le monstre autiste et inentamable ( Arcan ) de l'âge, des rides, du ventre, de la calvitie,  de tout ce qui tremble et qui tombe, qui traverse la vie et ruine la beauté, pire destin que la mort elle-même. À ne plus voir ni les vieux, ni les morts ( et tant qu’à faire, ni les laids, ni les difformes, ni les obèses, ni les cagneux, ) peut-être, en effet, éviterons-nous quelques suicides tragiques, de jeunes hommes tout autant que de jeunes femmes, beaux pourtant, épilés, tatoués, athlétiques, mais complètement paniqués à l'idée, insupportable, d'être un jour des hommes vieux et moches, des femmes avachies et barbouillées. Il n'y en a que pour les jeunes, que pour les beaux. L'Occident se fracasse le visage dans son miroir, il se dévisage, mais il y aura toujours des entreprises qui se proposeront, bistouri en mains, pour tout refaire, en mieux, et maintenir, un temps, l'illusion de la toute-puissance éternelle.

Et le pire, c’est qu’on n’y peut rien.



 


mercredi 6 avril 2011

YOGA, DE SURPRISE EN SURPRISE



On savait déjà, depuis un reportage de la Presse de mai 2010, que le yoga pouvait se pratiquer nu. Je ne connais rien au yoga, mais j'imagine, oui, que la philosophie de cette discipline millénaire peut se prêter à une ascèse d'autant plus exigeante ( et méritoire ) qu'il y a, proche de soi, des voisins stimulant autre chose que la spiritualité la plus désincarnée... Chose étonnante sur la photo qui suit, le prof de yoga a tout de Jésus! Je n'irai pas, blasphématoire, dire qu'il en a même le sex-appeal... Je me rends compte, cependant, que toutes les démarches spirituelles finissent par se rejoindre dans un grand tout céleste et sublime, aux apparences communes...




109, une émission de RDI,  a repris le reportage de la Presse sur le yoga nu, samedi dernier, le 2 avril. J'y ai reconnu le prof au premier plan de la photo de la Presse, jeune homme qui expliquait, avec conviction, que la nudité facilitait le détachement complet, et l'abandon de soi, finalité ultime du yoga. La nudité et l'essence: l'hypothèse se tient, la pratique se justifie.


Mais comme j'ai l'esprit parfois un peu tordu, et que le yoga nu m'avait impressionné, j'ai tout à fait mal interprété ce que j'ai vu, le lendemain même du reportage télé, dans une vitrine de la rue Ste-Catherine ouest:




Hot ! Hot ! Du hot yoga, sur Ste-Catherine, ça ne pouvait être, bien évidemment, qu'une variante très occidentalisée de la discipline, tenant lieu davantage du hot sauna et de la purification de l'esprit par la pratique du péché, ( théorie qui a déjà eu ses adeptes au sein même du christianisme, ) que du yoga d'importation. Détrompez-vous ! Il s'agit bien là d'un authentique yoga, prônant la santé par l'exercice dans un environnement de forte chaleur - entre 37 et 40 degrés C - , la chose devant soigner nombre de petits bobos et assurer la santé éternelle.

Le hot yoga, pour moi qui n'ai jamais mis les pieds dans un sauna, ça m'attire vraiment, ça me semble tout juste fait pour moi. Pourvu, comme de juste, que ce soit Jésus lui-même qui donne le cours...



lundi 4 avril 2011

LE SECRET DE LA DUCHESSE


Quentin Matsys, Tne Ugly Duchess, 1513, London Museum



Il m’arrive encore de me découvrir d’une ignorance crasse… Je ne connaissais pas cette toile ! Jamais vue, jamais entendue parler, jusqu’à ce que Wikipédia en fasse sa «picture on the day», vendredi dernier. C’était le 1er avril. Probablement une blague – inconsciente - de la célèbre encyclopédie en ligne. Petite surprise désagréable à voir le portrait de la « dame », choquante, mais pourtant fascinante. J’ai agrandi l’image, l’ai longuement considérée. Pas de doute, me suis-je dit, cette femme est un homme. Un travesti d’un autre âge, d’une époque où une longue relation amoureuse entre deux hommes, qui se seraient laissé vieillir ensemble, tels quels, était absolument impossible. Un des deux devait donc jouer le rôle, comme on dit, de la femme, et dans ce cas-ci, d’une duchesse particulièrement éprouvée par Dieu… C’est ce qu’elle-même aurait dit à son entourage, qui n’en croyait pas ses yeux. Même de nos jours, mais pour d’autres craintes que le bûcher purificateur, ce type de relation d’amour reste encore rare, exceptionnel, difficile ; souvenez-vous du film, L’escalier, avec Richard Burton et Rex Harrison. Atroce. Cette résistance à l'amour durable, c’est maintenant pour s’éviter d’aimer la laideur de l’âge, sans artifice. Heureusement, à notre époque de progrès et de lumière, à moins d’avoir fait du travestisme son gagne-pain spectaculaire, le monsieur serait resté habillé en homme ; mais voilà, il aurait fait de l’entrainement au Nautilus Plus, aurait acheté ses vêtements dans des boutiques outrageusement jeunesse, se seraient teints les cheveux, et surtout, surtout, aurait dépensé quelques bienheureux milliers de dollars pour se faire remonter le visage et rester présentable, tout en ayant, à fond de tiroir, comme en-cas, quelques célèbres comprimés bleus…

Bref.

Bref, cette « Ugly Duchess » ( peinte par Quentin Matsys en 1513, ), cette duchesse laide, moche, affreuse, comme on voudra, est un homme. Voyons donc, c’est l’évidence même ! Son « mari », peint aussi par Matsys, se trouve tout près de la « dame », au British Museum, pour l’édification d’un public resté foncièrement naïf – et redoutant, probablement, de mal digérer, au su de l’identité sexuelle réelle de la « dame », et pire encore, de ce qu’elle pouvait bien faire au lit, à son âge… À noter que le mari supposé, bien que peu invitant, aurait fait, à mon humble avis, une moins horrible duchesse. Mais là-dessus, on en est réduit aux conjectures un peu scabreuses, pour expliquer qui des deux a décidé, dans le couple, de jouer le rôle apparent de qui…

Un an auparavant, en 1512, Michel-Ange avait terminé de peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Lui ne s’était pas gêné pour déshabiller, et montrer, tels quels, à la fois son désir et le sexe concerné. Je suppose que ni Quentin Matsys, ni sa « duchesse » ne connaissaient l’œuvre, comme il est peu probable qu’ils aient connu aussi le sexe réel ( du moins, on le suppose encore ) de la Joconde, terminée en 1506. De fait, la duchesse a dû se sentir bien seule, dans une vie hautement risquée, du temps où Martin Luther, contemporain de Madame, et Savonarole ( mort en 1498, du vivant de la duchesse ) ne voulaient pas brûler que des encycliques papales…

Pour tout dire, la duchesse m’a rappelé ces travelos que je vois, de temps à autre ( assez rarement, le genre ne me plaisant que très peu, question de goût, ) dans des boites de nuit, grotesques avec leurs coiffes extravagantes et leurs poils dans le dos… Tout le monde ne peut pas avoir le talent de Buffet qui s’est peut-être inspiré ( je n’en sais rien ) de la duchesse pour peindre son célèbre, et magnifique, Travesti, de 1953.




Confidence, pour terminer ce billet : la duchesse disgracieuse, je l’aime bien ; elle fait partie, désormais, de mon petit patrimoine personnel, au même titre, et sans toujours l’avouer, que le grand-guignolesque de Mado Lamothe et de Madame Simone. 


P.-S. Aux étudiants qui tomberaient, en cours de recherche, sur ce petit article, eh bien à votre place, je ne m’y fierais pas vraiment.



dimanche 3 avril 2011

PRINTEMPS ( ENFIN )




Je me rendais au gym, cet après-midi, décidé à suer de l'anxiété autant que je le pouvais, quand, en sortant de la maison, j'ai senti, enfin, enfin, le soleil printanier, la douce chaleur tant espérée, si méritée du reste, après les longs mois de patience que nous inflige l'hiver. René Lévesque savait bien d'où nous venait cette incroyable patience qui, disait-il, nous caractérisait comme peuple, et Gilles Vigneault aussi le savait. Bref... Je décide de monter ma rue jusqu'au Parc Lafontaine; les couleurs de ce milieu d'après-midi du samedi 2 avril étaient magnifiques, nettement découpées, tranchant au plus vif le bleu du blanc et du vert - le vert, promesse d'été à venir, de beau et de bon temps, de belle humeur, de renaissance, d'été boréal d'autant plus excitant qu'on en compte les jours. Mes amis, mes amis, le printemps arrive, le printemps est arrivé !